the golden age of the grotesque ± bowie

@nana fujimori

Ya rien de mieux qu’une bonne douche bien chaude après une journée hasardeuse. T’as un peu trop bu hier soir, t’as un peu trop baisé après. Tu sais pas. Tu sais plus. Tu sais juste que la nana, c’est elle qui t’a ramené et pas l’inverse. Tu sais juste que t’as suivi le courant et que, pour une fois, c’est pas toi qu’a été l’initiateur de tes propres aventures. T’avais eu besoin de lâcher le volant, de laisser quelqu’un d’autre conduire pendant quelques temps.
Bon. Pas trop longtemps non plus, faut pas déconner.

T’as un peu trop tendance à te raccrocher au contrôle que tu aimerais avoir sur ta vie, en ce moment. Et tu sais totalement d’où ça vient. Ya ce petit surnom qui traîne dans ta tête, en boucle qui ne se termine pas, infinie jusque dans tes rêves - ou tes cauchemars, tu sais même plus.
Mercury.

Depuis cette soirée au bar, ya ta tête qui s’est mis à cogiter. Ya les rouages qui se sont emballés. T’arrives plus à penser à autre chose. T’es putain d’obnubilé. Tu pensais pas que votre truc était si… sérieux. T’avais jamais mesuré l’ampleur de vos choix merdiques. Mais bordel, t’aurais dû te douter que la sentence tomberait un jour, que le putain de karma déciderait de tomber sur ta gueule maquillée.
C’est pas que du sexe pour lui.
Putain de réalisation qui remet tout en question, qui s’insinue dans ton crâne pour le retourner sans ménagement.
Et pour toi, c’est quoi ?

C’est dingue que tu ne te sois jamais posé la question jusque là. C’est dingue que t’es suivi la vague sans te poser de question.
Non en fait, c’est pas dingue.
C’est l’histoire de ta vie.

Tu vis bien trop au jour le jour, à gérer les conséquences seulement si elles daignent pointer le bout de leur nez.
Et celles là.
Putain de conséquences.
Chute de dominos qui tombent un à un sur ta face de petit con.

Alors t’as suivi cette meuf parce qu’elle était intéressée, parce que tu l’étais aussi dans ton effort d’oublier un peu. T’avais déjà essayé avec l’alcool, à t’enfiler des verres comme si ça allait altérer le monde autour de toi, changer la réalité. Pis peut-être qu’à la faire crier ton nom, t’en oublierait le sien.
Spoiler alert : ça a pas marché.

Tu te pointes en retard chez Nana parce que t’en as chié pour retrouvé le chemin de ton appart après avoir quitté l’autre. Quand t’es enfin arrivé, t’as filé sous la douche, filé sous la laque, filé sous ton crayon noir. Hors de question de sortir sans maquillage, sans coiffure alors que t’as l’air aussi crevé, alors que t’as presque pas dormi. Et quand tu te pointes enfin, tu te prends sa bonne humeur et son bonheur de te voir en pleine face - putain de douceur qui te refout du pep’s en cette journée de merde. « T'as d'la chance que la femme de ta vie connaisse tes goûts dérangés en pizza! J'crève la faim Bow' t'abuses! » Tu te marres, bien trop content de te prendre cette dose de bonne humeur, pour changer. « J’suis désoléééééé. J’me suis paumé en rentrant chez moi. J’ai dû prendre le bus, meuf. LE BUS. » Affreux. T’en es encore horrifié. « Pis mes goûts sont pas si dérangés, pleaz. Le chèvre miel, ça passe. »

Elle te décoiffe et tu grommelles de protestation, pas trop heureux de voir le boulot que t’as foutu dans ta coiffure partir en fumée. « T'as pas fini oui d'te taper tout c'qui bouge?! Quand tu laisses du temps à ta Nana hein? Dis?! » Tu arques un sourcil, sourire naissant au coin de tes lèvres. « Yen a pour toi aussi, si t’es jalouse, bébé. » T’es clairement pas sérieux mais t’aimes bien l’emmerder - bien trop, même. Elle t’a tendue cette magnifique perche que tu ne pouvais que saisir à la volée.

@nana fujimori

T’as pas l’habitude d’avoir cette sensation là quand t’as passé la soirée dans le plumard de quelqu’un d’autre. Normalement, t’en ressort sans répercussions, à continuer ta vie comme si de rien n’était, peut-être un peu plus léger dans tes pas parce que le sexe, ça fait du bien au moral.
Mais pas aujourd’hui.
Tu sais pas pourquoi tu te sens comme ça - un peu paumé, à te demander ce que ça t’a apporté, au fond. T’arrives pas à mettre les mots sur ce que tu ressens, sur cette sensation qui te prend aux tripes. T’es pas plus léger, ça c’est putain d’évident. Tu ne regrettes pas non plus. C’est un entre deux inconfortable dans lequel tu te trouves sans trop comprendre, sans trop pouvoir le qualifier.

Nana, elle pourrait t’aider à mettre un mot dessus. Mais ça impliquerait une bonne dose de candeur et de vérité qui ne t’appartient pas. Parce que pour qu’elle pige, pour qu’elle ait toutes les pièces du puzzle, faudrait que tu parles de mercury. Et tu peux pas. S’il s’agissait que de ta honte personnelle de te taper un ami, un ami en couple qui plus est, tu pourrais passer autre. Mais c’est son secret à lui aussi. Et ce n’est pas à toi de le révéler.

« T'as fini dans le plumard de qui cette fois? » Elle te connaît par coeur, à savoir que t’as encore fini avec quelqu’un, à savoir que t’as encore égaré ta bite le temps d’une soirée. Quand est-ce que tu es devenu ce mec là, déjà ? Quand est-ce que t’es passé au mec qui s’amuse à celui qui baise tous les soirs ? T’en as pas la moindre idée. Mais tu sais que ya une différence - ya cette putain de sensation. Elle est apparu quand t’as franchi la limite - quand le sexe est plus là pour t’amuser, quand il est là pour te faire oublier. « Nella ? Jenna ? Ella ? » Tu fronces les sourcils, incapable de te rappeler du prénom de la meuf en question. Autre putain de signe. Tu t’es toujours souvenu des prénoms, jusque là. Mais tu ne perds pas la face devant ta meilleure amie. T’as pas envie qu’elle s’inquiète, pas envie qu’elle pige que tu lui caches quelque chose. T’as horreur de lui mentir. T’as horreur de lui planquer cette partie de ta vie dont tu pourrais lui parler pendant des heures. Parce que tu sais qu’elle serait là, à te conseiller, à t’aider, à te dire quoi faire. Elle serait là à t’engueuler, aussi, si elle savait.
Mais tu peux pas, hein ?

Tu te concentres sur le mot pizza et ce qu’il implique, d’autant plus que ton ventre réclame à bouffer. Tout pour éviter de penser à mercury même si son visage est tout ce que tu vois quand tu fermes les yeux. Ça te travaille trop, putain. Beaucoup trop. Tu préférais quand tu te foutais de tout. Au moins, tu dormais la nuit. « C'est bien ce que je disais. Dérangés. » Tu fais une moue boudeuse. Ils sont pas dérangés, tes goûts. La pizza chèvre miel, c’est ta vie entière et t’as bien l’intention de lui montrer que tu protestes le fait qu’elle remette en question tes goûts culinaires. « Si tu savais comme je t’emmeeeeeeeeeerde. » que tu lâches ensuite avec un rire amusé. « T’as pris quoi toi ? Toi qui es si irréprochables ? » Quelques battements de cils exagérés et tu pénètres dans l’appartement sans manquer de la provoquer une énième fois.

Tu te planques derrière ta connerie, derrière tes blagues et provocations. Pour le coup, t’es plutôt ravi que ce soit ton mode par défaut. C’est bien plus facile de te cacher derrière ça pour ne pas avoir à réfléchir, à penser. « P'tain déconnes pas j't'ai vu à poil tu m'as vu à poil mais ça s'arrête là! » Tu te marres à nouveau, presque d’un rire machiavélique de sorcière disney. « J’suis irrésistible. C’est qu’une question de temps avant que tu ne craques aussi. » Tu joues de tes sourcils pour accentuer le propos, pour t’enfoncer encore un peu plus.

« Bon poses donc ton cul et racontes moi pourquoi t'as l'air absent ces derniers temps. » Tu files donc poser ton cul comme suggéré tout en essayant de ne pas montrer que les mots te frappent en pleine figure. Bien sûr qu’elle a remarqué. C’est Nana. Elle voit tout. Pire qu’une mère poule.
T’as tellement envie de tout lui dire.
Et tu pourrais presque, si tu modifiais un peu l’histoire, si tu changeais les noms, les sexes et les détails pour ne garder que l’important. Sauf que détective Nana serait bien capable de découvrir le pot aux roses. T’es pas doué pour mentir, après tout.
Et c’est bien pour ça que tu te vois mal lui répondre qu’elle se fait des films.
Tu refuses de lui balancer un mensonge de plus.
« T’es sûre que tu veux te lancer dans une conversation deep as shit en début de soirée comme ça ? Sans préliminaires ? C’est conseillé, ça ? » que tu lances sur un ton nonchalant, presque amusé. Putain ce que t’as envie de croiser les doigts pour qu’elle réponde que non.