(badly conjugated heart) ft joy.

Sur les nerfs. Elle est sur les nerfs, Joy. Fatiguée par ses propres pensées. Epuisée, de ne pas pouvoir trouver le sommeil. Secouée par des idées noires, par des questions sur sa mère, sa véritable mère. Un chemin qui s’est fait dans son esprit, dès lors qu’elle a découvert toute la vérité sur ses origines. En colère, tout d’abord. Contre sa mère, contre les Stevenson, contre la terre entière. Colère qui disparaît un peu plus chaque jour, laissant place à ce sentiment de culpabilité. Tu culpabilise, Joy. Tu culpabilise parce que tu n’as jamais été près d’elle. Parce qu’aujourd’hui, t’as besoin de savoir qu’elle respire. T’as besoin de savoir qu’elle va bien. Alors tu cherches, Joy. Tu cherches celle qui t’a donné la vie. Mais cette culpabilité, elle se renverse, parce qu’elle se sent mal pour les Stevenson. Pour cette famille qui l’a toujours aimé. Pour cette famille qui lui a tout donné. Elle se sent mal, d’espérer trouver un autre foyer. Et elle sent que cette soirée ne sera pas différente des autres. Elle sent que cette soirée sera tout aussi morose. Elle se sent, jusqu’à ce qu’un bruit vienne la sortir de ses pensées. Quelqu’un frappe à la porte, alors qu’elle ne désire voir personne. Quelqu’un frappe à la porte, et elle hésite véritablement à aller ouvrir. T’es pas de bonne compagnie, Joy. Pas en ce moment. T’es pas de bonne compagnie, sauf avec les hommes que tu manipules pour servir tes intérêts. Elle y va tout de même, l’insistance de l’inconnu se faisant entendre derrière la porte. Mais lorsqu’elle l’ouvre, le ciel lui tombe sur la tête. Lorsqu’elle l’ouvre, elle se sent assaillie de toute cette surprise, mélangée à cette colère qui revient de nouveau. Odaleen, sa sœur. Ce qu’il reste de sa sœur. Celle qui l’était, jusqu’à ce qu’elle ne disparaisse subitement, laissant les Stevenson sans nouvelles. Te laissant toi, sans nouvelles, Joy. Quelque chose que tu ne peux pas supporter, parce que lorsque tu aimes, tu offres énormément, tu donnes énormément, capable de tous les sacrifices. Il faut simplement passer ta carapace, voir au-delà des apparences. Ce qu’ils ont su faire, tes frères et sœurs. Et c’est également pour cette raison qu’elle souffre autant, Joy. Parce qu’Odaleen savait le mal qu’elle te ferait en partant. La brune est pourtant là, désormais. Comme si rien de tout cela n’était réellement arrivé, lançant la phrase la plus idiote qu’elle aurait pu dire. - C’est une plaisanterie ? Qu’elle répond, croisant les bras contre sa poitrine. Elle se blinde, Joy, parce qu’elle peut exploser à tout moment. Parce qu’elle n’a aucune envie de lui ouvrir la porte. Aucune envie de passer cette soirée comme elles auraient pu le faire avant, fusionnelles, prêtes à se jeter dans les plans les plus foireux pour passer une belle nuit entre jumelles. Aucune envie de faire comme avant. Parce qu’elle n’en a peut-être rien à foutre, Odaleen, mais toi aussi t’as changé. Toi aussi tu vas mal. Et t’as pas la patience de gérer son retour. T’as plus le cœur assez doux pour pouvoir lui pardonner.

(c) calaveras.

Elle lui manque, Odaleen. Elle lui manque, évidemment. Il ne pourrait pas en être autrement, parce que frères et sœurs, ils sont comme les doigts d’une même main. Sans aucun lien de sang et pourtant plus fusionnels que jamais. Ils ont trouvé, ensemble, un équilibre et une stabilité. Ils ont trouvé, ensemble, une famille et bien au-delà, un amour inconditionnel. T’as jamais douté de l’amour des Stevenson pour toi, Joy. Ni celui de tes parents. Ni celui de tes frères et sœurs. T’as jamais douté de l’amour des Stevenson parce qu’ils ont été là, t’accueillant, lorsque tu n’étais qu’une petite orpheline. Lorsque tu n’étais que cette gamine, abandonnée par la prostituée qui aurait dû être ta maman. Elle n’a jamais douté. Sauf avec Odaleen. Sauf en ce moment même, lorsqu’elle réalise que sa sœur a disparu, du jour au lendemain. Lorsqu’elle réalise qu’elle est partie, qu’elle est partie sans se retourner, abandonnant la fratrie. Et c’est tout un équilibre, qui se retrouve bouleversé, lorsqu’un des sept membres de la famille n’est pas au mieux. Et plus encore, tu ne supportes pas l’idée qu’elle ait pu t’abandonner, elle aussi. Qu’elle ait pu t’abandonner, alors qu’à votre manière, vous l’avez déjà tous été, de la manière la plus brutale qui soit. Mais elle est là, aujourd’hui, la jumelle. Elle est là, les yeux suppliants, pleine de grandes ambitions. Seulement Joy, elle est irritée, elle est abîmée et elle ne sait pas si elle a la force de pardonner. - Je peux savoir ce que tu fais là, au juste ? Qu’elle lâche, comme si elle ignorait totalement la réponse à cette question, alors qu’au fond, elle a une petite idée de la réponse. Au fond, elle sait bien qu’Odaleen est ici pour tenter de renouer avec elle. Avec elle et sûrement le reste de la famille. Tu doutes même être la première qu’elle soit venue voir, Joy. Tu sais bien que ce n’est pas le cas. Tu sais bien qu’elle est là uniquement parce qu’elle le faut, au fond. Car si c’était réellement par amour, elle ne serait jamais partie. - Je peux savoir pourquoi est-ce que tu débarques, comme ça, chez moi ? Comme si tu n’avais jamais disparu ? Elle semble intransigeante, Joy. Elle semble intransigeante, mais ce n’est qu’une manière de protéger son cœur qui est sur le point d’exploser au vol. De protéger son cœur qui risque de s’éteindre à tout moment, tellement elle souffre, tellement elle a mal. La tête blonde, elle donne tout, elle donne tout par amour. Elle est prête à déplacer des montagnes. A décrocher la lune. Mais lorsque quelqu’un brise son cœur, elle ressent cette souffrance au centuple.

(c) calaveras.

La colère gronde, la foudre s’abat, les murs tremblent sous sa fureur et ce que lui hurle son cœur. La rancœur est trop puissante pour pouvoir être mise de côté, parce qu’ils sont tous des enfants rejetés, tous des enfants abandonnés qui s’étaient jurés d’être ensemble à jamais. Mais la promesse, elle s’est envolée, pour Odaleen. Mais la promesse, elle s’est évadée de son côté. Et toi, Joy, t’as tes défauts, t’as tes travers, mais pour elle, pour eux, tu donnerais ta vie. Pour ta famille de cœur, tu serais prête à n’importe quoi. La vérité, c’est que ça te rend malade que pour elle, ça ne soit pas le cas. Quoi qu’elle dise, quoi qu’elle fasse, elle a préféré s’enfuir plutôt que d’affronter la dure réalité avec eux. Plutôt que de se laisser soutenir par une famille plus forte que tout, dont l’amour surpasse l’entendement. C’était tout ce qu’elle demandait, Joy. Tout ce qu’elle espérait. Pouvoir être présente pour sa sœur. Pouvoir soutenir sa sœur. Quitte à souffrir par la suite. Ils valent toutes les souffrances, ses frères et sœurs. Et elle le voit bien avec Lio, qui rechute, encore et encore. Avec Lio qui trouve chaque fois du réconfort dans son appartement, avec elle. Elle est toujours là, toujours, parce qu’il est son petit frère et par définition sa priorité. T’aurais fait exactement la même chose pour elle, Joy. T’aurais fait les mêmes choix pour Odaleen, si elle t’en avait donné l’occasion. - Savoir que je vais bien ? Tu n’en avais pourtant rien à faire, jusqu’à présent ! Non, elle ne va pas bien. Non, elle ne va pas bien, parce que ses pensées la tiraillent dans tous les sens. Parce qu’elle est rongée par la culpabilité, la peur, le désir. Parce que sa vie, elle est bien plus compliquée que tout ce qu’elle espérait. Ils sont envolés, tes rêves de devenir une grande artiste. Tes rêves de devenir riche et célèbre, d’avoir tout ce que tu désires, vivre une vie inoubliable. - Tu pensais quoi ? Que ce serait plus facile pour nous de te voir disparaître du jour au lendemain ? De se poser mille questions, en se demandant si tu es encore vivante ? De penser ne plus jamais te revoir ? Elle n’a pensé qu’à elle. Uniquement elle. Il n’y a pas d’autres explications. Pas d’autres raisons pour justifier son choix cruel. Parce que t’aurais préféré être avec elle, coûte que coûte, Joy. T’aurais préféré être près d’elle. Derrière ta jolie carapace, superficielle et étincelante, t’es capable de tous les sacrifices, pour les personnes que tu aimes.

(c) calaveras.

Elle n’est pas capable de comprendre les mots de sa sœur, à peine capable de les entendre, parce qu’à ses yeux, ils ne signifient rien. Parce qu’à ses yeux, il n’y avait que cet amour, si puissant, capable de les lier à tout jamais. Cet amour qu’elle a brisé en un coup, un seul, en décidant de s’en aller sans se retourner. T’aurais peut-être fait pareil, pour les protéger, Joy, mais tu ne peux pas envisager le fait qu’elle était seule, que tu n’as pas pu être là pour elle. C’est trop. Trop pour toi. Et pourtant, elle est là, devant tes yeux. Et pourtant, elle est là, elle semble bien, réellement bien. Elle ne s’est pas effondrée. Elle s’est battue. Peut-être sans vous, peut-être loin de vous, mais si elle est revenue, c’est véritablement pour vous. Si seulement son esprit pouvait l’accepter, si seulement son cœur pouvait l’accepter, petite tête blonde bien trop guidée par ses émotions. - Dans ce cas, tu as raison, tu es complètement à côté de la plaque. Si tu pensais que passer toutes nos journées, toutes nos nuits, à s’inquiéter pour toi, nous rendrait plus heureux, tu es à côté de la plaque. Qu’elle répète, incapable de se calmer, incapable de trouver une issue lui permettant d’accepter son retour, d’accepter sa présence. - Ce qui me rend malade, c’est de me dire que nous avons été élevées ensemble, depuis toujours, et que tu pensais que nous serions mieux sans toi… La voix qui se brise, un peu, sur ces derniers mots. Parce qu’elle a mal. Parce qu’elle souffre. Parce que ses frères et sœurs sont tout ce qu’elle a, tout ce qu’elle possède, la famille que la vie lui a offerte quand le sang lui était retiré. T’aimerais qu’elle comprenne sans avoir à le lui dire, Joy, parce que t’es pas du genre à ouvrir véritablement ton cœur. Parce que t’es pas du genre à laisser tes états d’âme exploser. Non, toi tu compenses. Toi tu te caches derrière ta carapace, derrière les rires, derrière tes airs de barbie, mais t’es tellement plus que ça. - Ecoute, je suis contente si tu vas mieux. Besoin de le dire, tout de même, malgré la distance qu’elle maintient. Malgré elle, peut-être. Distance que seule Odaleen est capable de réduire, avec du temps, avec un peu de persévérance.

(c) calaveras.