le bruit du silence - isabella

le bruit du silence
@isabella kingston

il est tôt lorsqu'elle émerge.
dehors, les premiers rayons de soleil vinrent accompagner la mélodie chantante des bruits du queens, celle des sirènes stridentes couvrant un instant le bruit des pas pressés de new-yorkais épuisés par leur inlassable routine. la mélodie rythmée, bien que saccadée, tire ysée de sa torpeur. elle ne se sent pas au mieux, sur les nerfs de ses nuits sans sommeil et de ces soirées à flirter au milieu d’inconnus. des rituels peu pieux, riches d’envies auquel elle prend part lorsqu’elle sent qu'elle perd pied. elle aime alors s’entourer d’amis d’une nuit ou d’amants d’une vie, prise au centre d’une tourmente impétueuse, le cœur trop gros pour espérer s’en sortir. elle aime, à vrai dire, sentir des regards - trop - lubriques sur son corps éméché. elle adore y trouver les validations aléatoires d’âmes mystérieuses, volant quelques flatteries fallacieuses avant de disparaître parmi tous ces corps bourdonnant d’envie. et ysée fait toujours le premier pas. presque jamais elle ne se laisse bercer par des mains étrangères. elle se refuse à elles, prétend vouloir autre chose avant de se retourner les jambes flageolantes par l’anxiété grandissante. sans ses cachets, elle n’est pas la jeune femme qu’elle aime prétendre être. elle n'est rien de plus qu’une gamine au sourire dolent, trop lunatique pour prétendre savourer quoi que ce soit.
mais c'est une belle journée décembre qui la berce doucement. un de ces rares moments où tout lui parvient paisible, à l’intérieur de son studio, comme à l’extérieur. new york évolue sous un soleil chaud à la faveur de l’automne mourant, ses arbres embellissant les rues habituellement si grises de leurs dernières couleurs chaudes et réconfortantes. assise face à l’unique fenêtre de son studio, elle tient dans une main un de ses trop nombreux flacon d'anxiolytique. sa respiration est rythmée par la mélodie du queens, et ses doigts jouent inlassablement et nerveusement avec le couvercle de la petite fiole. elle l’ouvre. la referme. l’ouvre. la referme. l'ouvre à nouveau avant de verser son maigre contenu dans sa main. elle se surprend à compter les gélules, avec plus de ferveur qu’il n’en faudrait pour cette simple action, avant de les remettre en boite. elle s’entendit appeler à l’aide, l’esprit parasité de pensées inutiles, mais seul le silence lui répondit, de son flegme habituel. l'esprit brouillon, elle attrape son portable, fait défiler ses contacts incertaine elle même d'y trouver une réponse. mais, après s'être fait porter pâle auprès de son supérieur, elle parcourt une nouvelle fois les noms, avant de se raccrocher à celui qui effleure ses pensées.

@ isabella: est-ce que l’on pourrait se voir  aujourd’hui ? j’amène de quoi faire un pique-nique si ça te tente.

alors qu’elle s’agite devant son miroir, tirant ses cheveux en arrière en une vulgaire couette, la réponse d’isabella ne tarda à lui parvenir. un drôle de rictus de soulagement vint étirer les lèvres d’ysée, dont le sourire contrastait étonnamment avec ses yeux noircis par les pleurs de la veille. elle s’immobilise, prête à sortir, se dandinant de gauche à droite pour ne pas laisser ses pensées intrusives submerger son élan de clarté et s'enfuie dans le queens, abandonnant le ronronnement entêtant de son appartement pour les cris des parents et les pleurs des enfants. ils l'accompagnent jusqu’au parc convenu, un lieu calme, sûrement délaissé pour le confort d’un intérieur chauffé à l’instar du premier froid piquant de l’hiver. ysée y pose le panier repas soigneusement composé en chemin pour isa. l’inquiétude la ronge, pas tout à fait certaines d'être au bon endroit. alors, elle s'agite, les mains tremblantes, cherchant nerveusement une cigarette qu’elle savoure paresseusement en attendant sa venue.

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{ le bruit du silence }
crédit/ tumblr ♛  w/ @Ysée Kleit  

L’aurore remplace timidement la nuit,
tandis que l’astre solaire dessine ses premières esquisses,
et qu’elle se retrouve, déjà, seule dans ce lit vide.

Paupières encore closes, c’est sa main qui cherche instinctivement une présence qu’elle ne trouve pas. Il n’y a personne à la place de Nikolaï. Lentement, la rose abîmée commence à émerger, pour constater de ses pupilles qu’il est déjà parti. Elle ne sait pas ce qui lui arrive, Isabella, elle ne saisit pas comment il peut si vite s’éloigner… alors qu’ils ont tout juste recommencé à se rapprocher. Elle a la sensation qu’il lui échappe et ça… ça, c’est la première fois. La première fois qu’elle sent l’homme qu’elle aime lui filer entre les doigts. Elle ne sait pas comment réagir, confuse, en plein désarroi. Mais elle essaie de garder ses songes parasites loin de son esprit. Elle peut trop vite sombrer, trop vite se laisser couler. Trop vite, surtout, ressentir l’envie de prendre un nouveau cachet. Il y a quelques semaines, déjà, qu’elle a cessé. Elle a la sensation que c’est tout récent et, en même temps, que son dernier anxiolytique remonte à une éternité. C’est difficile, laborieux de résister au désir si facile à combler. Mais juste un cachet, juste un seul, suffirait à la piéger à nouveau dans cette spirale infernale. Alors elle prend sur elle, Isabella. Elle garde le contrôle sur elle-même comme sur la situation. Elle tente, surtout, de maîtriser ses émotions. L’anxiété chassée le plus loin possible de ses pensées, l’âme écorchée est prête à entamer une nouvelle journée. Sa sœur cadette à la boutique, elle peut travailler de sa demeure sans être importunée. C’est le moment pour communiquer autant que possible alors qu’il ne reste que quelques semaines avant les fêtes de fin d’année. Focalisée sur la création d’une vidéo promotionnelle, la jeune femme est interrompue par la réception d’un message sur son téléphone. Le sourire apparaît sur ses lèvres pourpres quand elle lit le nom d’Ysée. Une proposition à pique-niquer, qu’elle ne met pas longtemps à accepter.

@Ysée : Avec plaisir. J’emmène le dessert.

Réponse simple, concise, qui la pousse à accélérer son travail. Elle doit avancer le plus possible pour pouvoir se sentir ensuite suffisamment tranquille, sereine à l’idée de passer plus de temps avec son amie. Ysée, amie imprégnée par un vice sournoisement similaire au sien, même s’il ne s’agit heureusement pas de leur seul point commun. Elle se sent proche de cette jeune femme un brin tourmentée, derrière ses doux sourires et ses airs aériens. Peut-être car, tout comme elle, Ysée tente de maintenir sa vie en équilibre malgré les tourments qui cherchent à l’agripper. Un petit tour dans la salle de bains, la latine est fin prête pour ce rendez-vous presque improvisé. Avant de se rendre au parc, elle passe à la boulangerie pour acheter quelques pâtisseries françaises, s’accordant quelques minutes de retard qui ne lui sont pas habituelles. Ysée, bien sûr, est déjà là quand elle arrive. Le sourire sur les lippes, Isa est heureuse de revoir son amie, malgré le voile obscur qu’elle remarque dans ses iris. « Coucou toi. » elle pose délicatement son sac à main, puis la petite boîte sur leur petite table improvisée, prunelles tournées vers celle qui lui paraît bien préoccupée. « C’est plutôt original, un pique-nique au mois de décembre. » elle fait remarquer, son attention désormais tout entière sur elle portée. L’avantage de l’originalité, c’est qu’il n’y aura personne pour les déranger, pour ce moment privilégié qu’elles se sont accordé. « Comment vas-tu ? » elle demande enfin, déjà, elle ne sait pas très bien. Préoccupation d’une louve surprotectrice à l’égard d’une amie dont elle connaît les travers, pour les partager avec elle.