mis(s)understood (abi)

les aiguilles filent à travers le cadran, si vite que tu n'as pas vu ta journée défiler. cette édition originale de scott-fitzgerald t'a vraiment donné du fil à retordre. ce projet va te prendre des semaines mais ça ne te fait pas peur. tu aimes essayer de lutter contre la montre et ses ravages. ce n'est pas mission aisée de rendre à un objet, sa splendeur d'antan. un devoir de mémoire, conserver l'héritage des anciens.  en attendant, le conservateur est venue te voir, te rappelant gentiment que tu ne peux pas passer ta vie parmi les dorures et moulures du musée. ça t'avait fait sourire. si seulement il savait. tu pourrais passer des heures entières à reconstituer ce patrimoine, si précieux à tes yeux. tu avais fini par abdiquer, rangeant tes lunettes dans ton sac. il est presque vingt-heure quand l'air frais du début de soirée vient caresser tes joues. tu remontes le col de ton long manteau, ta paire d'escarpins foulant le sol. tu n'as vraiment envie de rentrer. tu as laissé un message à arthur mais tu n'as pas de nouvelles, pas de réponses. tant pis.
pas une seconde tu peux imaginer que tu l'emmerdes.
même si c'est sans doute le cas.
t'es bien trop naïve.
malgré ce silence, tu n'as pas vraiment envie de rentrer. tu vas prendre ta voiture et voir où cela te conduira. tu aurais pu appeler asmée par exemple, mais non. pas ce soir. tu as besoin d'un peu d'espace, ça ne fera pas de mal d'être un peu seule. ton chemin te mené dans le queens effervescent. ce n'est pas l'endroit le plus calme mais tu sens que, justement, l'ambiance va te revitaliser. c'est le cas. quelques pas et tu te sens déjà bien. les âmes qui se croisent sur les trottoirs. les senteurs qui te monte aux narines. il y a un savant mélange dont tu n'en saurais capter toutes les nuances. malgré tout, ça te fait esquisser un petit sourire au coin de tes lèvres maquillées. new-york et sa jungle urbaine que tu ne pourrais quitter. tu le sais. tes mains à l'abri du froid, au fond de tes poches, tu évolues doucement parmi les lumières des devantures, que tu regardes attentivement. tu n'as pas vraiment eu le temps pour une pause déjeuner convenable ce midi et ton ventre commence à se faire entendre. soudain, une retient ton attention. jenny's bar. tu fronces légèrement les sourcils. pourquoi ce nom te parle plus qu'un autre ? est-ce que tu ne l'aurait pas déjà entendu quelque part ? tu te décides alors à passer la porte, curieuse. une chaleur réconfortante t'enveloppe et tu ouvres ton manteau alors que tu évolues vers le bar. l'endroit n'est pas très bondé, tu t'assois sur un tabouret et lève enfin les yeux. tu te figes. bon sang.
voilà, t'as enfin compris.
tu m'étonnes que ça te disait quelque chose.
elle est là.
la brune que tu croises de temps en temps avec arthur, il te faut quelques secondes avant de retrouver son prénom. abi. c'est bien ça. tu as vraiment envie de filer, subitement. toi qui voulait être tranquille, c'est raté. même si la succube ne t'adresse la parole que pour cracher son venin, sa présence va te tendre un moment. tu finis de faire glisser le tissu le long de tes bras, avant de le faire échouer sur tes cuisses croisées. « bonsoir. » dis-tu alors que la brune arrive vers toi. « un verre de coppola diamond, s'il vous plaît. » tu serres imperceptiblement les dents. ce vin californien aura au moins le mérite de ravir tes papilles malgré les circonstances. tu dévies le regard derrière les bouteilles derrière la barmaid, tentant de faire diversion à ton esprit.
dans quel merdier tu t'es fourré, wortham ?
ça va être divertissant.
au moins ça de gagner.