back to black

encore une fois tu rentre au petit matin,
te laisse tomber sur ton lit,
tout habillé.

l’appartement est calme, t’as presque l’impression que ce n’est pas normal, pas logique. pourtant ça l’est, puisque une fois de plus t’as laissé ta gamine dans les bras de ta grand-mère, trop vieille maintenant pour apprécier un enfant aussi jeune. pourtant elle ne dit rien, n’ose rien dire. ça lui fait de la compagnie, certes, mais tu sais aussi qu’elle s’inquiète. pour toi, pour Rosa, pour son avenir. inquiète du futur que tu pourras lui offrir, d’une vie qui semble se compliquer un peu plus chaque jour. elle disait rien quand tu’étais seul, quand elle te savait traîner de concert en concert, quand elle savait qu’il était duré de gagner ta vie avec tes quelques contrats photo. mais maintenant tu sais que ce n’est plus seulement pour toi qu’elle s’inquiète, mais bien pour elle, pour la vie que tu t’apprêtes à lui offrir. et tu vois bien qu’elle crève d’envie de te balancer ces quatre vérités à chaque fois que tu l’abandonnes-la, dans sa deuxième maison. tu vas réagir quand Bart ?

nuit courte, réveillé par la lumière du jour qui s’infiltre à travers les fenêtres grandes ouvertes. le bruit de la ville, des camions poubelles au petit matin, du bus qui s’arrête en bas de chez toi, de l’épicerie et de son rideau de fer. tu râles, te lève péniblement, un café, une clope pour seul petit déjeuner. une douche rapide pour faire disparaître les excès de la veille, l’odeur de tabac froid, d’alcool, du vice. si seulement tu pouvais laver tes péchés en même temps, ressortir en homme, différent. ça te fait ricaner. t’enfilent des vêtements qui n’ont même pas eu le temps d’être repassés, bien décider à aller récupérer ta gosse de bonne heure. tu sais pas ce que tu feras du reste de la journée, avant ton contrat de ce soir, tu sais pas ce que tu feras d’elle à ce moment-là, mais tu sais que tu dois la récupérer, être un père pour elle. T’es tout ce qui lui reste, faut réagir Bart.


tu dévales les escaliers, clope au bec, te fou des remontrances de la proprio qui déteste que tu fumes dans les espaces communs. tu revois la petite femme, boulotte, son doigt qui s’agite sous ton nez pour te menacer. tu pousses la lourde portée vitrée, tourne à droite, direction le centre-ville. tu passes devant elle sans vraiment la voir la première fois, et pourtant tes yeux s’accrochent. oui c’est elle. impossible de se tromper, tu reconnaîtrait sa tignasse brune entre toutes. “putain”, tu soupires, t’arrête pour la fixer. “Sérieusement, t’as décidé de camper devant chez moi maintenant ?”, bien sur qu’elle n’est pas là par hasard, comme la dernière fois où elle s’est introduite chez toi en pleine nuit. rien n’est laissé au hasard, t’en est certain. elle est là pour les mêmes raisons, voir la gosse. “Je vais vraiment appeler les flics tu sais”, tu reprends ta marche, bien décidé à ne pas t’occuper d’elle, poursuivis par les fantômes d’un ancien amour. t’accélère le pas, espère bien la semer, qu’elle renonce, une bonne fois pour toutes.