loving and fighting. (lilith)

- loving and fighting
i can't imagine a world
with you gone -

— @lilith calavera

Les minutes sont des heures. Heures qui ne s’écoulent que trop doucement, alors qu’elle attend, installée sur ce fauteuil d’hôpital. Cet endroit, elle le déteste. Elle le déteste plus que tout au monde. Cet endroit, il la ramène à ses plus grandes faiblesses, à ses plus gros démons. L’incendie, la mort de sa famille, les heures passées à attendre dans ce même couloir, les crises à répétition et le verdict final. Seule. C’est seule, qu’elle s’est retrouvée, Opale. Et c’est toujours seule, qu’elle se trouve aujourd’hui. Seule, après une semaine enfermée ici. Seule, après t’être retrouvée laissée pour morte sur le bitume du Queens. T’as voulu jouer, Opale. T’as voulu dépasser les limites, une fois de plus. Te jeter dans la gueule du loup, dans les flammes de l’enfer. T’as voulu jouer, et t’as perdu. Comme toujours, tu perds. L’esprit détraqué, encore bien plus qu’avant. Les mois effacés, les souvenirs qu’elle ne retrouvera peut-être jamais. Et cette furieuse envie de crever. Cette furieuse envie de retrouver les siens, de faire taire son esprit définitivement. La mémoire perdue, et une jambe en vrac. Une jambe mutilée, blessée. La laissant planer dans ce sentiment d’insécurité toujours plus puissant. T’as peur, Opale, lorsque t’es pas complètement en crise. Lorsque t’es pas complètement inconsciente. Elle a peur, et c’est la seule personne capable de la rassurer, qu’elle appelle pour venir la chercher. Lilith. Parce qu’elle est son tout, elle est l’autre moitié d’elle. Lilith. Parce qu’à ses côtés, la solitude s’envole. Elle sait tout, Lilith. Elle connait son esprit malade, elle connait ses tendances borderline et chacune de ses sombres pensées. Elle sait tout, mais elle t’aime. Elle t’aime toujours, quoi qu’il arrive. Elle t’aime toujours, même lorsqu’elle va mal elle-même. Elle souffre aussi, Lilith. Elle est orpheline aussi, Lilith. Et c’est l’une en l’autre, qu’elles ont réussi à trouver un semblant de stabilité. Stabilité précaire, pour deux personnes instables, mais l’assurance, toujours, d’avoir quelqu’un sur qui compter. Et tu le sais, Opale, tu sacrifierais ta propre vie, pour elle. Tu sacrifierais tout pour elle, parce que ce que t’éprouves avec elle est totalement inédit. Lilith, première personne qu’elle a appelée, lorsqu’elle s’est réveillée dans cette chambre aseptisée. Lilith, seule personne qu’elle a appelée, pour venir l’y chercher. Elle a hâte. Beaucoup trop hâte, qu’elle l’emmène loin d’ici. Et lorsque le visage de la brune apparaît enfin sous ses yeux, son cœur lâche, plus soulagé que jamais. - Lilith. Un sourire sincère sur le visage, Opale attrape sa main dans la sienne pour se relever de son siège, se glissant immédiatement dans ses bras. - Ça me fait tellement de bien de te voir… Tu te sens plus fragile que jamais, Opale. Tu te sens plus vulnérable que tu ne l’as jamais été. Après toutes ces épreuves, t’es juste en train de craquer.

Éméchée par un espoir qui ne perlait plus dans son ciel noir, Lilith, l'âme comme une peinture défraîchie par les couleurs obscures de sa vie, elle errait trop souvent dans les rues, là où il n'y avait pas âme qui vivent, juste pour sentir la morsure froide de cet hiver qui arrivait dans le Queens, juste pour oublier les plaies dont les coutures s'ouvraient, laissant ses cicatrices à vif, à l'agonie, le coeur bancal et arythmique, la cocaïne pour seul répit à son organisme trop vide. Elle s'ouvrait dans le vice, elle accueillait l'épine de trop dans les rouages d'un myocarde usé à force de saigner, jusqu'à recevoir l'appel d'Opale, l'être qu'elle chérissait plus que sa propre vie, son âme qu'elle damnerait juste pour la guider hors de ses ténèbres. Elle se précipitait dans les escaliers Lilith, à la recherche d'un taxi, à la recherche de son souffle qu'elle avait perdu en sachant Opale dans ces couloirs mortifères à la blancheur immaculée, à la pâleur qui rappelait le temps écoulé, la mort à appeler, comme un doux mirage que Lilith avait déjà nombre de fois effleuré.

La démarche s'ébruitant entre les murs, elle demanda sa chambre, elle la chercha du regard, le coeur en peine, l'inquiétude explosant dans sa tête, là où les émotions entraîneraient toujours sa propre perte. Mais Opale, elle était trop parfaite pour s'en aller, mais elle était trop frêle pour son Enfer. Lilith, elle s'en voulait d'avoir mis autant de temps à se rendre compte qu'après tous les appels, les messages et même les visites infructueuses à son domicile, Opale était surement ici depuis le début. Le souffle saccadée, elle se posta devant la porte où derrière, elle était normalement censée se reposer.

- Hey...

Murmure presque inaudible devant le bruit de ses pensées déchaînées, cette souffrance de la regarder dans cette chambre si aseptisée. Elle s'approcha pour l'enlacer, remarquant rapidement sa jambe blessée.

- Je m'inquiète trop. J'avais pas de nouvelles, j'ai essayé de t'appeler, de venir mais je te trouvais pas...

Elle avoua d'une traite, la voix parsemée de stress.

- Explique-moi tout. Qu'est-ce qu'il t'es arrivé... ? Me refais plus cogiter aussi longtemps, j'veux plus avoir à me poser des questions comme ça.

Parce que je crèverai sans toi, qu'elle aurait pu laisser glisser entre ses lèvres.

- loving and fighting
i can't imagine a world
with you gone -

— @lilith calavera

Son cœur saigne, en voyant combien Lilith semble inquiète. Elle en crève, Opale, parce que Lilith, elle est tout pour elle. Son regard est beaucoup trop douloureux à soutenir, et elle sent qu’elle peut s’effondrer d’un instant à l’autre. Elle sent qu’elle peut craquer. Et pourtant, une autre partie d’elle se réchauffe, en la voyant inquiète. Parce que si elle est inquiète, cela signifie qu’elle tient à elle. Si elle tient à elle, cela signifie que tout ce qu’elle ressent pour elle est profondément réciproque. Parce que tu le sais, Opale, tu le sais, jamais tu ne pourrais supporter qu’il arrive quoi que ce soit à ta moitié. Jamais tu ne pourrais accepter de la perdre. Plutôt mourir que devoir vivre sans elle. Une certitude qui se confirme, un peu plus au fil des années. Un peu plus au fil des moments passés à ses côtés. Et c’est bon. C’est bon de savoir qu’elle n’a pas à faire semblant. Qu’elle ne doit pas jouer le rôle d’une femme saine d’esprit. Bon de savoir qu’elle peut se montrer telle qu’elle est vraiment, dans toute sa folie, avec Lilith. Parce que t’es clairement trop fragile pour prétendre quoi que ce soit, Opale. - Je suis désolée, j’ai… Je t’ai appelé dès que j’ai pu… Sa voix sonne ailleurs, elle est perdue. Complètement perdue. Elle ne parvient pas à comprendre ce qui lui arrive, à encaisser les douleurs, à encaisser les séquelles. Elle ne se souvient de rien, et pourtant, elle sent encore les coups contre son corps. Elle se sent encore partir, beaucoup trop loin, beaucoup trop haut. Et comment lui dire ? Comment lui dire ce qu’elle vient de subir ? T’es bloquée dans le mal-être, Opale. Depuis toujours, et pour toujours. Bloquée dans les abysses dont tu deviens reine. - J’ai été…agressée…l’autre soir, dans la rue. Tout est flou. Tout est embrumé. Elle ne sait pas par qui, elle ne sait pas comment, elle s’est simplement réveillée ici. - Les médecins ont dit que j’étais… amnésique. Partiellement. J’ai oublié les dernières semaines, mois, peut-être. Elle est retournée, bouleversée, et elle sait que Lilith le sera aussi. Ce qui arrive à l’une arrive à l’autre. Et elle ne lâche pas sa main. Elle la garde dans la sienne, comme si elle cherchait à conserver un minimum de force. Seule façon de se maintenant en équilibre.

La lippe qui se fendait entre ses dents, Lilith, elle angoissait constamment de voir les traits angéliques d'Opale se ternir, s'assombrir dans le chaos de ses humeurs labiles. Elle avait peur d'apprendre que c'était une crise qui l'avait conduit ici, entre ces murs défraîchis qui respiraient juste le vide qu'elle avait dans les entrailles. Combien de fois, elle aussi, elle avait fait entendre ses pas entre les couloirs de cet endroit, combien de fois, elle avait flirté avec la mort comme s'il s'agissait de ses premiers émois. Comme un douloureux souvenir qui la ramenait à ses têtes à têtes avec le suicide, Lilith, elle s'était approchée de celle qu'elle considérait plus que tout, de cette femme qui était au fil du temps devenu son tout, la lumière dans son gouffre.

- Ça te ressemble pas de me laisser sans nouvelle. J'ai cru que tu m'abandonnais.

Elle comprenait pas ce silence, cette latence, cette souffrance sourde qui avait réduit son sommeil au néant, dans l'espoir d'un appel, d'un SMS, de n'importe quoi pour apaiser sa conscience en perte. Elle sentit son cœur louper un battement à sa déclaration sur son agression, et les pupilles de Lilith se voilèrent de tristesse, les sourcils se fronçant devant le tempête qui se réveillait à l'intérieur de son être.

- Quoi...?

Tout allait trop vite dans sa tête, son envie de vengeance criant au travers de ses pensées, le cœur à la dérive, les muscles tendus, prête à bondir sur n'importe quelle âme qui se pointerait devant elle.

- Tu l'as vu le type ? T'as des souvenirs de la scène ? Putain je te jure... Je le trouve. Je le tue. Personne a le droit de te faire autant de mal. Personne.

Elle se jeta une nouvelle fois dans ses bras, caressant doucement son dos de sa main tremblante, révulsée par les émotions.

- Je suis tellement désolée Opale... Tellement désolée... J'aurais dû être là à ce moment là. J'aurais dû te protéger. Putain que je regrette.

Elle déposa un doux baiser sur sa joue pâle.

- Je sais pas ce que j'aurais fait si tu te serais plus souvenue de moi... De nous.

Parce que tout ce qu'elle possédait se trouvait dans son étreinte, son âme qu'elle tenait à bout de bras, cette femme qu'elle adorait même quand elles se faisaient du mal.

- loving and fighting
i can't imagine a world
with you gone -

— @lilith calavera

Elle est dans le vrai, Lilith. Jamais elles ne restent sans nouvelles, toutes les deux. Jamais elles ne parviennent à se détacher l’une de l’autre. Même lorsqu’elles crient, même lorsqu’elles se font mal, même lorsqu’elles jurent de se détruire. Jamais. Jamais parce qu’elles s’aiment démesurément. Jamais parce que Lilith représente à elle seule tout ce qu’elle a toujours rêvé d’avoir, Opale. Une personne qui l’aimera toujours. Une personne qui l’accepte totalement telle qu’elle est, dans son intégralité. Une personne qui la fera toujours passer en priorité. C’est ce qu’elle représente, pour toi, Lilith. Une âme que tu aimes. Que tu chéries de tout ton cœur. Sans savoir comment, mais avec une intensité qui vous est propre. Intensité qui transparait, un peu plus encore, à la simple réaction de la brune au sujet de son agression. Ravagée par une montagne d’émotions. La peur, la tristesse, la culpabilité et la colère. Ravagée par toutes ces émotions qu’elle ressentirait, également, elle aussi, si les rôles étaient inversés. - J’ai vu… A moitié… Tout est arrivé tellement vite que… Je ne sais pas… Elle est perdue. L’esprit bouleversé. Le cœur retourné. Tout ce dont elle a besoin, c’est Lilith. Lilith près d’elle. Lilith et ses étreintes. Lilith et ses caresses. Tout ce dont elle a besoin, c’est de son âme sœur à ses côtés. Parce que c’est elle qu’elle a appelé. Elle, et elle seule. Et elle se laisse aller, de nouveau dans ses bras. Elle se laisse aller, comme s’il s’agissait de la dernière fois. - Arrêtes, tu n’aurais rien pu faire… Ce n’est pas ta faute, ne t’excuses pas… Sa voix tremble. Elle a mal au corps. Elle a mal au cœur. C’est arrivé, et ce n’est la faute de personne. Personne, à part elle-même, peut-être. Elle et cette foutue maladie qui la pousse sans cesse à dépasser ses limites, dans la plus grande inconscience. Elle, qui traine toujours dans des endroits qui ne sont pas faits pour elle. Les endroits dangereux. Esquissant un faible sourire à son baiser, à ses paroles, elle reprend rapidement. - Impossible. S’il y a bien une personne que je ne pourrais jamais oublié c’est toi. Il y a cette sérénité dans sa voix, parce qu’elle est sûre d’elle. Sûre à cent pour cent. Lilith est son tout, l’oublier reviendrait à ne plus être elle-même. - Ne t’inquiète pas trop, s’il te plait… Qu’elle lâche, déposant à son tour un baiser contre sa joue. Elle ne veut pas la voir souffrir, surtout pas à cause d’elle.

Identité morcelée dans les pavés d'un corps égaré, Lilith, l'âme arrachée qui marchait au-delà de ces couloirs mortuaires pour trouver celle qui lui avait redonné vie quand la mort l'avait attrapé, elle qui avait égayé la peinture de son visage défraîchi de nouvelles couleurs plus vives, comme si elle avait rendu sa survie plus belle, ses opales qu'elle avait fait briller dans l'énonciation de son prénom, la masse de souvenirs agréables qu'elle faisait tourner dans le creux de son cerveau malade. Elle était amochée, Opale, et pour Lilith, c'était inacceptable, cette douleur était plus qu'insupportable parce que la culpabilité la frappait dans le regret, martelant son coeur de toutes les erreurs qu'elle aurait pu éviter de faire si elle était restée auprès de celle qui était comme son ame-soeur.

- On va le retrouver... J'te le promets. Il payera.

La mâchoire serrée, le sang acide sous l'effet de cette haine qui rongeait ses veines, Lilith, elle avait la rage qui pourrissait ses cellules, comme une bombe à retardement dans le plexus. Elle la serrait plus fort contre elle, comme si son monde s'écroulait et qu'elle devenait son seul pied-à-terre, et quelque part, il y avait du vrai.

- Bien sûr que si. J'faisais surement rien en plus à ce moment là. J'aurais pu rester avec toi... Je sais que ça sert à rien parce que rien ne pourra changer ce qu'il s'est passé. Mais j'te promets que j'serai là pour toi maintenant. J'te lâche plus.

Elle allait rester à ses côtés, l'aider à se soigner, à colmater les blessures que son esprit traumatisé avait occulté. Elle sourit tristement à sa réponse qui rassurait son coeur abîmé, Lilith qui avait atrocement peur d'être abandonnée, surtout par Opale. Elle ferma les yeux en sentant la douceur de son baiser sur sa joue, ravalant les quelques larmes qui brûlaient ses paupières.

- C'est tout ce que je suis capable de faire là, m'inquiéter. Tu sors quand ? Parce que j'te laisserai pas rentrer chez toi toute seule. On sait jamais.

Elle voulait qu'elle vienne chez elle quelques temps, juste pour s'en remettre, pour profiter de ces moments qu'on avait failli leur voler.

- Si t'acceptes, j'cuisinerais même pour toi.

Elle sourit en coin, un air amusé sur le visage alors qu'elle capta son regard pour y trouver une réponse, tentant de détendre l'atmosphère qui était pesante.

- loving and fighting
i can't imagine a world
with you gone -

— @lilith calavera

Colère. Elle n’a pas cette colère en elle, Opale. Celle qu’elle discerne chez sa belle Lilith. Celle qu’elle décèle chez son âme-sœur. Elle n’a pas cette colère, Opale, parce que cette agression est loin, beaucoup trop loin d’être la pire chose qui lui soit arrivée. Elle souffre, pourtant. Elle souffre autant à l’intérieur de son être qu’à l’extérieur. Elle souffre aussi bien dans son esprit qu’à travers son corps. Mais cette souffrance, elle n’égale pas celles du passé. Elle n’égale pas celle de la maladie qu’elle traîne comme une foutu boulet accroché à sa cheville. Comme une ancre qui l’entraîne au fond de l’océan. Mais tu ne peux qu’être touchée, Opale. Touchée par la détermination que semble posséder Lilith. Touchée par cette envie de faire payer celui qui a osé poser les mains sur elle. Celui qui l’a jeté dans l’obscurité la plus totale. - Je veux juste que tu sois là, avec moi… C’est ce qu’elle veut plus que tout. Par-dessus tout. Elle a besoin d’elle, pas de voir cette ordure payer pour le mal qu’il lui a fait. Elle a besoin d’elle, égoïstement. Parce qu’elle sait que Lilith renferme déjà ses propres souffrances. Qu’elle ne devrait pas en plus avoir à la gérer, elle. A s’enfoncer, pour elle. C’est pourtant ce qu’elle fait, maintenant, en s’excusant de ne pas avoir été là. En regrettant son absence. - Tu sais bien que je suis indomptable… Tu n’aurais pas pu l’éviter. Elle tente tout pour dédramatiser la situation. Pour lui arracher ne serait-ce qu’un sourire. Parce qu’il est si beau, son sourire à Lilith. C’est grâce à lui, qu’elle s’envole. Grâce à ce magnifique sourire. Tu sens qu’elle est prête à tout pour toi, et t’es plus touchée que jamais, Opale. Tu sens qu’elle est complétement dévouée, et t’as besoin d’elle. T’as besoin de cette aide qu’elle te propose, même si t’as pas envie de devenir un poids pour elle. - Je sors aujourd’hui… Je me demandais si tu pouvais me raccompagner chez moi… Mais tu n’as pas besoin d’en faire plus, je t’assure… Elle lui offre un doux sourire, parce qu’elle n’est pas certaine de pouvoir regagner son apparemment seule. Elle n’est pas certaine de pouvoir rentrer seule, mais Lilith ne doit pas en faire plus. Elle ne doit pas se sacrifier pour elle. Parce qu’elle a toujours eu besoin d’aide, Lilith. Vous êtes similaires, toutes les deux. Et c’est peut-être pour cette raison qu’elles sont si fusionnelles, si proches, toutes les deux.

Lilith, elle savait jamais quoi faire de ses émotions incisives, comme des plaies qui s'ouvraient dans l'hémorragie de ses souvenirs invasifs, ceux qu'elle aurait bien voulu brûler, réduire en cendres, comme ce cœur qui s'était délité dans sa propre noirceur. Lilith, elle s'accrochait à Opale comme on s'accrochait à la vie, de manière désespérée, et surement trop excessive, elle qui ne savait pas aimer correctement, qui était dans le trop plein ou dans le vide, tanguant au bord du précipice qui l'attirait toujours à la fin dans ses profondeurs.

- Je t'abandonnerai pas. Jamais.

Parce qu'en dépit des mots qui explosaient, des disputes qui éclataient, elle revenait toujours Lilith auprès d'elle, Opale qui monopolisait beaucoup d'espace dans son quotidien noyé par les ténèbres. Mais elle était incapable de ne pas laisser son désir de vengeance prendre le dessus parce qu'elle avait bien failli crever dans cette ruelle, toute seule, à l'abandon, Lilith n'aurait jamais pu se le pardonner, elle qui se serait effondrée dans sa propre défaite, la perte de l'être le plus cher qu'elle ne faisait que de serrer contre sa chair, dans la peur constante qu'elle ne vienne à s'échapper. Un mince sourire vint se dessiner sur ses lèvres à sa remarque, Opale qui sous ses airs sages se laissaient trop souvent habiter par ses instincts sauvages.

- Je finirai par te séquestrer un jour si tu continues.

Elle plaisantait, laissant l'atmosphère se charger d'un air plus frais, plus respirable au milieu de leur calvaire, son regard posé sur sa jambe blessée qui lui rappelait quelque part la chance qu'elle avait eu, parce qu'un peu plus elle n'aurait peut-être pas survécu.

- Opale... T'es sure que tu veux rentrer chez toi, toute seule ? J'suis pas tranquille à te laisser seule.

Elle soupira, son regard valsant autour d'elle comme pour chercher les mots qui la persuadera.

- Tu me gênes pas si ça que tu penses. Laisse moi prendre soin de toi. T'aurais fait pareil pour moi. J'ai juste besoin d'être avec toi, là.

Elle s'ouvrait le coeur sous ses iris, laissant ses vulnérabilités s'échouer pour qu'elle puisse entendre ses peurs, celle de ne pas être à la hauteur.

- En plus, t'arrives à peine à te déplacer. T'auras forcément besoin d'un peu d'aide. Ou alors je reste avec toi. Au choix. Y'en a pas plusieurs, tu sais à quel point je peux être têtue pour avoir ce que je veux.

Un léger sourire joueur sur les lippes, Lilith scrutait ses prunelles pour y trouver une réponse qu'elle espérait positive.

- loving and fighting
i can't imagine a world
with you gone -

— @lilith calavera

Au fond, elles sont comme deux faces d’une même pièce, toutes les deux. Faibles différences, mais tellement semblable dans son ensemble. Elles sont comme deux faces d’une même pièce, l’une n’allant pas sans l’autre. Leurs vies sont liées. Leurs âmes sont accrochées. Elles sont dépendantes, l’une de l’autre. Et plus encore aujourd’hui. Plus encore dans une telle situation. Tu le sens, Opale. La présence de Lilith est un besoin. Et c’est pour cette raison que c’est elle que tu as décidé d’appeler. Elle, la seule personne capable de s’occuper de toi, la seule personne capable de te faire tout oublier. Ses paroles sont rassurantes. Elles sont également ce qu’Opale avait besoin d’entendre. Elle ne l’abandonnera jamais, Lilith. Jamais. Et au fond, elle le sait, la camgirl. Elle le sait parce qu’elles s’aiment depuis si longtemps, qu’imaginer sa vie sans Lilith lui semble impossible. Une vie sans elle ne serait que calvaire, ne serait qu’enfer. Et si elle devait être séquestrée, réellement séquestrée, elle voudrait que ce soit par elle. Esquissant un sourire faiblard, elle acquiesce d’un signe de tête. Elle n’ajoute rien mais son regard en dit long. Son regard empli d’amour en dit long. Il s’exprime mieux encore que tous les mots qu’elle aurait pu lâcher, la malade. - Oui, j’ai peur de te gêner… Je vais être un poids, c’est sûr… Et elle sait, pourtant. Elle sait qu’elle se débat dans le vide, parce qu’au fond, Lilith a complètement raison, elle en aurait fait autant pour elle. Et c’est presque effrayant, Opale, de savoir que tu aurais eu exactement la même réaction. De savoir que tu te serais sentie coupable, toi aussi, et que jamais tu n’aurais accepté de la laisser seule. D’autant plus qu’elle n’a pas tort sur les faits, parce qu’elle est diminuée, Opale. Diminuée par l’agression, aussi bien sur le plan physique que mental. Tenant debout grâce à la simple aide de la brune, apeurée à l’idée d’avoir perdu tous ses souvenirs. Et tu ne sais pas combien de temps tu vas rester dans cet état, Opale, t’en sais rien. - D’accord… Je te suis. Tête de mule. Qu’elle lâche, en souriant, juste avant de reprendre. - Merci pour tout ce que tu fais pour moi. Toujours en tenant le bras de Lilith, elle s’approche du sac posé au pied de son lit, attrapant doucement ce dernier. - Mes affaires sont déjà faites. Si tu es prête à me supporter, on peut y aller… Elle taquine, Opale. Elle taquine sa Lilith, mais au fond, elle est anxieuse. Ses jambes sont faibles, fébriles, et une fois chez sa brune, elle a peur de s’enfoncer dans une de ses nombreuses crises de démence.

Opale, elle avait disséminé des étoiles partout dans le creux de ses prunelles délavées simplement pour les faire briller, comme une peinture monochrome qu'elle s'était prise à colorer de son sourire, inscrivant l'espoir dans le coeur de Lilith devenue amorphe et sans vie, le visage livide où ses émotions noires avaient creusé un vide. Elle aurait sans doute donné son éternité pour voir la flamme danser un peu plus dans les iris de sa meilleure amie, Lilith qui avait du mal à supporter de la voir aussi brisée, aussi amochée par les mains d'un homme qui n'avait juste pas pu se maitriser, qui avait laissé ses pulsions casser le peu d'estime qu'elle possédait pour sa propre identité.

- Tu seras jamais un poids. Tu peux pas juste accepter le fait que je puisse prendre soin de toi ?

Parce que Lilith, sous ses airs de princesse malhabile, elle avait toujours eu beaucoup trop de tendresse à offrir pour Opale, l'amie qui était venue la délivrer de ses chaines ayant rendu son coeur arythmique. Elle sourit légèrement quand elle entendit son acceptation, Lilith qui n'en pouvait plus de la savoir perdue dans ses tourments, comme un trou noir crépitant dans le traumatisme de son inconscient.

- C'est normal. Je t'adore, Opale. Même quand t'es chiante.

Elle rit légèrement, tentant d'administrer une ambiance plus légère, Lilith qui subissant les à-coups de sa respiration haletante, regardant son âme jumelle s'emparer de son sac pour sortir de son Enfer.

- Il me faudra du courage mais je pense arriver à te supporter. C'est bien parce que c'est toi.

Et dans un sourire taquin, Lilith l'aida à traverser les couloirs, le chemin de sa guérison qui allait forcément être long. Elle avait peur qu'elle ne plonge trop loin dans sa destruction, alors, elle comptait s'imprégner de sa propre force pour les porter toutes les deux loin de la mort, des brûlures d'un passé chargé de remords. L'aidant à se placer dans sa voiture, Lilith la rejoignit derrière le volant, conduisant jusqu'à son logement, poussant la porte de son appartement qu'elle connaissait déjà si bien.

- J'te fais pas visiter ta deuxième maison quand même ? J'crois que tu t'y retrouveras. Mets-toi à l'aise.

Elle perçut son sachet de cocaïne qui trainait sur le buffet, prenant l'initiative de s'emparer pour le placer dans sa poche.