fifty-five (nano)

Un éclat de rire déchire la nuit New-York. Qu’est-ce que tu n’es pas discrète, c’est incroyable. Tes potes te suivent alors que tu manques de te casser la figure en sortant du taxi. C’est certain qu’à quatre sur la banquette, la manoeuvre était périlleuse. Tu as bu, une bien belle soirée à vrai dire. Tu as mal dormi la veille, le tour de cadran n’est plus si loin. Tu flottes dans un univers où tout est léger,  plus grand-chose te préoccupent. Tes cheveux blonds ondulent sur tes épaules alors que tu sautilles vers ton immeuble. Un geste de la main furtif et le moteur de la voiture se fait entendre, allant maintenant se perdre dans les artères de la Grosse Pomme. Tu prends le temps d’allumer une cigarette avant d’entrer dans l’immeuble. C’est ouvert. Bonjour la sécurité par ici. Tu attends l'ascenseur, la clope à la bouche. Un rictus apparaît sur tes lèvres. Ta voisine, la petite vieille, elle sera là à te hurler dessus si elle te voyait faire. De mon temps, on n’avait un minimum de respect. Ce n’est pas convenable, jeune fille. Si t’avais besoin d’une mère, tu prendrais l’avion et t’irait voir en Italie. D’ailleurs, tu n’es même pas capable de savoir si elle s’y trouve, tu n’as pas envie de savoir de toute façon. Tu ne laisses pas tes pensées se noircir, tu remontes ton gilet long sur ton épaule dénudée alors que tu souffles la fumée, laissant une brume légère t’entourer. Le sixième étage, ton lit t’appelle et tu te dis que tu as de la chance de ne pas travailler. Arrivée devant ta porte, tu cherches maladroitement ton trousseau de clé dans ton sac à main. Tu cherches, ça dure. Tu fronces les sourcils. Tu finis par abandonner dans un long soupir. « C’est une blague, merde. » Pas vraiment, à vrai dire. Tu râles dans ton coin, essayant de rassembler ton esprit pour trouver une solution. Éclair de génie dans les vapeurs d’éthanol. Sur le coup, tu ne cherches pas plus loin. Ta solution est toute trouvée, ce n’est peut-être pas la bonne mais tu t’en fous. Tu descends d’un étage avant de sonner chez lui. Trois heures du matin. Une chance sur trois. Soit il t’ouvre, soit il ne se réveille pas ou alors il te vire. Tu insistes une seconde fois, tu ne te rends pas compte que ton gros gilet tombe à nouveau sur ton coude. Soudain, la porte s’ouvre et tu laisses voir ce bel homme qu’est ton voisin du dessous. Petit sourire en coin, le bleu de ses iris. Tu avais déjà remarqué, lorsque tu étais sobre, cette jolie couleur. « Cinquante cinq. » La seule appellation que tu as à lui donner, tu ne connais même pas son nom. Vous ne vous êtes jamais vraiment parler à vrai dire. Vous êtes juste deux inconnus qui se croisent sans vraiment se voir. « Je te réveille, désolée. » Tu ne le vouvoies même pas. Il semble avoir un peu près ton âge puis là, tu ne fais plus attention à la bienséance.  « Je ne retrouve pas les clés d’chez moi, tu veux bien accueillir une âme esseulée le temps que je vide entièrement mon sac à main ? » Je fais les yeux de biches, histoire de l’amadouer un petit. Sourire doux, tu n’as pas très envie de le brusquer. Ta cigarette se consume encore entre tes doigts, tu n’as que cette solution. Enfin, tu peux encore dormir adosser à ta porte mais ce n’est la solution qui t’enchante le plus. Il va te laisser entrer, tu le sais.