somebody mixed my medicine. (seth)

elle avait jeté les céréales dans le bol la reine des neiges, elle s'affairait à se préparer, le crâne explosé par les dessins animés qui hurlaient - littéralement - à la télévision. au moins, elle avait deux secondes et demi pour elle. pensée de mère indigne que daisy regretta presque immédiatement. mais autant avoir l'honnêteté de reconnaître qu'elle appréciait ces moments où lilo était trop préoccupée par peppa pig pour la harceler elle. l'espace d'un quart d'heure, elle se sentait de nouveau un peu elle, elle s'appartenait le temps d'étaler son fond de teint et de se brosser les dents avec application. tranquillité rapidement mise en doute par le bruit suspect d'un verre qui s'éclate parterre. le temps d'attacher ses cheveux dans un chignon un peu bancal et déjà daisy revêtait de nouveau son personnage de maman modèle pour ramasser les bouts de verre et pour essuyer le jus d'orange qui, avec un peu de recul, donnait quelque chose de plutôt artistique sur le sol. le temps d'essuyer trois larmes, d'éteindre la télévision et daisy courrait en direction de l'école, jetant lilo dans les bras de son institutrice avant de rejoindre le cabinet du médecin chez lequel elle était censée rencontrer pour compléter son mi-temps chez le dentiste de ses parents. elle courrait beaucoup, dans tous les sens du termes. et en l'occurrence elle courrait tout droit sur les pieds de seth dont elle écrasa allègrement un ou deux orteils. elle rougit d'abord, toute gauche que pouvait la rendre la présence du jeune homme depuis leur rencontre depuis qu'ils avaient à peu près onze ans et demi. puis elle redressa les épaules, l'air soudain fier, se rappelant sans doute toutes les raisons pour lesquelles l'embarras était systématique de son côté et jamais de celui de seth. étonnant que je vienne ... regard en l'air vers le bureau qui était celui de son potentiel futur patron. ... ici pour te croiser. pour le peu qu'elle le croisait, elle aurait pu espérer un lieu un peu plus romantique ou en tout cas accueillant pour croiser son ex-futur-prince-charmant. et c'est en voulant croiser les bras pour appuyer son air féroce qu'elle tua son peu de crédibilité en se rendant compte qu'elle avait toujours à la main le sac winnie l'ourson de sa gamine.

franchement, elle ne comprenait pas. elle ne lui avait jamais rien fait à seth, au contraire. elle avait longtemps formé à elle toute seule le fanclub de seth coldeweij. elle avait passé au moins quatre ans de sa vie à le regarder la bouche en cœur, sans recevoir le quart de ce qu'elle voulait bien lui donner. mais il ne répondait pas à ses multiples attentions avec autant de douceur et d'affection qu'elle le voudrait. elle se sentit blessée, vexée par le peu de considération du jeune homme à son égard. elle aimerait bien qu'il ait un geste affectueux, un sourire. en fait, elle boudait. daisy tirait la gueule parce qu'il regardait ailleurs, qu'il lui balança deux mots du bout des lèvres. elle ne comprenait pas pourquoi les autres avaient le droit à une version de seth avenante et elle avait droit à ça. à une remarque sur un tâche de morve d'enfant sur le revers de son chemisier. elle était rouge de honte, elle ne savait pas où se mettre. et elle en voulait encore plus à seth. elle en voulait à sa fille de pas lui laisser deux minutes pour minauder avec un mec deux secondes sans lui rappeler son existence. elle en voulait à la capote qui avait craqué il y a cinq ans. elle en voulait à ses ovaires d'être beaucoup trop productifs. et sans excès, elle aurait aimé mourir plutôt que d'être ici et de subir l'affront n°3854673 de coldeweij à son encontre. c'est toujours aussi agréable de te voir seth. réussit-elle à articuler après trente secondes d'un silence gêné pendant lequel elle chercha un mouchoir pour essuyer l'élément non identifiable sur son vêtement. elle avait oublié où elle était, ce qu'elle était censé faire d'ici une quinzaine de minutes. elle ne voyait plus que cette tâche. quand elle estima en être venue à bout, elle releva la tâche, soufflant pour dégager les mèches devant son visage. j'suppose que t'as pas cinq minutes à perdre autour d'un café? j'peux au moins te demander de tes nouvelles où est-ce que j'ai une tâche de chocolat sur le front? non parce qu'elle était vexée, mais elle était pas contre l'idée de gratter quelques minutes en compagnie du jeune homme. quitte à faire preuve de mauvaise foi. tu faisais quoi chez le médecin? demanda-t-elle, mettant les pieds dans le plat sans le savoir. pour elle, c'était un simple moyen d'entretenir la conversation, de garder l'attention de seth deux secondes de plus.

pendant longtemps, daisy avait mis tout son cœur et toute son énergie à se faire un peu aimer de seth. véritable cœur d'artichaut, l'adolescente avait vu en lui une sorte de version moderne du prince charmant. encore aujourd'hui, elle mettait toute sa volonté pour qu'il soit un peu agréable avec elle. mais il restait hermétique à tous ses sourires. non, il était presque méchant. pourtant, elle le harcelait nettement moins qu'avant, elle ne demandait qu'un peu de temps. juste un peu d'attention. et il était bien placé pour savoir qu'elle en avait besoin. elle était décontenancée, les lèvres qui tremblaient et elle régula sa respiration pour ne pas éclater en sanglots. comment était-il possible qu'il soit autant aigri à seulement vingt-quatre ans? et comment pouvait-il être égoïste au point de déteindre ainsi sur la pauvre daisy. t'as mieux à faire ça j'ai compris. t'as toujours mieux à faire. mais la rancoeur, elle n'arrivait jamais vraiment à l'entretenir. alors, elle forçait. parce que si quelqu'un devait obtenir quelque chose, c'est bien elle. il finit par accepter de boire un café avec elle, mais elle ne cria pas victoire tout de suite. les yeux au ciel, elle préféra ignorer les quelques compléments du nom que seth ajoutait à ses phrases pour bien marquer à quel point passer quelques minutes avec elle lui portait peine. ce qu'elle ne comprenait pas, encore une fois. ils avaient un passé commun suffisamment important pour qu'ils puissent presque se considérer de la même famille. puis elle ne lui avait rien fait elle, si quelqu'un devait se montrer désagréable, c'est certainement elle. d'ailleurs, la moutarde lui montait au nez. elle essayait d'être gentille, parce qu'elle était par essence une fille gentille. et qu'elle l'aimait bien, même si franchement il fallait être bien accroché pour le supporter. t'es obligé d'être aussi désagréable? dit-elle finalement du bout des lèvres. s'il n'arrivait pas tout à fait à être encore assez méchant pour décourager daisy, elle restait agacée par son foutu caractère. ceci dit c'est pas étonnant qu'on te surveille t'as le même caractère et les mêmes symptômes qu'un vieux con. dit-elle avec un calme qui l'étonnait elle-même. j'pense que t'as un vrai problème avec moi et c'est quelque chose sur quoi il va vraiment falloir bosser dessus parce que ça commence à devenir invivable. la jeune femme pensait encore qu'il y avait quelque chose à réparer, alors que la meilleure des solutions elle l'avait déjà. il suffirait sans doute d'arrêter de lui sauter dessus à chaque fois qu'elle le croisait. mais elle avait besoin de constantes dans sa vie, et elle avait toujours connue seth. imaginer sa vie, son monde sans seth était encore quelque chose d'intolérable pour elle.