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Kristina & Judah

Et arrive finalement ce moment où tu ne contrôles plus rien. Toi qui dirige pourtant ta vie - personnelle comme professionnelle - d’une main de maitre, tu te retrouves à présent en train d’essayer de garder la tête hors de l’eau tandis que les éléments se déchainent contre toi. C’est n’importe quoi. T’es pas ce genre de mec à regarder la vie défiler, à être obligé de prendre des décisions qui ne sont pas les bonnes par dépit. Toi t’es ce qu’on appelle un leader. Tu choisis, tu imposes même aux autres parce que c’est comme ça qu’on a appris à faire les choses. Personne ne te donne d’ordres, si ce n’est ton géniteur mais il n’a pas retenté l’expérience depuis plusieurs années déjà.

Ouais. Les événements prennent une tournure qui ne me plait pas vraiment. Aileen se retrouve aujourd’hui à vivre sous le même toit que moi. Nos fiançailles ont été annoncées récemment et très franchement, je n’arrive pas à savoir comment la nouvelle a été prise. Les deux ennemis réunis par les liens sacrés du mariage. Bien que nous ayons tout fait, lors de cette soirée d’annonce, pour montrer qu’Aileen et moi étions - presque - éperdus l’un de l’autre, beaucoup ont compris le subterfuge et savent que nous décidons d’allier nos noms pour contrer le nouveau concurrent arrivé sur le marché. Ca n’a pas été catastrophique. Mais nous savons tous les deux que nous aurions pu faire mieux. Le fait est que la haine que nous éprouvons l’un pour l’autre - surtout celle qui embrase le corps d’Aileen - ne nous aide pas à appréhender cette union du bon pieds. C’est un poids sur nos épaules. Des boulets que l’on traine. Et je sais qu’au fond, nous préférerions tous les deux crever plutôt que de devoir vivre ça. Cependant, je refuse d’abandonner tout ce que ma mère a construit et de rejeter la seule chose positive qu’elle m’ait laissé. Je ne sais pas quoi penser de sa présence a mes côtés en réalité. Elle me bouscule. Elle change toute la perception que j’ai de l’univers. Sa présence réveille des choses étranges qui sommeillent au plus profond de moi. J’ai envie d’hurler, de tout retourner dans ce putain d’appartement sans chaleur, comme j’ai envie de me recroqueviller en boule dans mon lit et attendre de ne plus rien ressentir. Tout est si compliqué lorsqu’elle est là. Comme si elle faisait tout pour renverser le château de cartes sur lequel j’ai élu domicile. Il lui suffit de souffler dessus pour tout faire s’écrouler et elle le sait.

Assis face à l’immense baie vitrée qui donne sur la ville en dessus de moi, un verre de whisky à la main, je m’agite. La porte d’entrée s’ouvre pour se claquer aussi rapidement. Me faisant presque sursauter. Cette femme me prend au dépourvu. Cette sorcière, fourbe, avec ses lèvres boudeuse et son teint de poupée. Je me lève précipitamment, abandonnant mon verre à moitié plein sur l’accoudoir de mon siège. J’ai besoin de voir ma cousine. Kristina est la seule a connaitre tout de moi, la seule qui puisse me comprendre et la seule à qui je peux me confier sans que mes paroles ne se retournent contre moi.

Aileen relève la tête vers moi lorsque je me dirige vers le placard où se trouve ma veste, tandis qu’elle range la sienne. Elle semble écarquiller les yeux avant de froncer les sourcils, s’attendant à ce que j’essaie de lui dire quelque chose. Mais je n’en fais rien. Ne lui prêtant quasiment pas attention. Ce n’est que lorsque je m’apprête à entrer dans l’ascenseur menant au Penthouse que j’entends sa voix qui résonne : « Tu pars ? » je m’arrête net. Nous n’avons pas l’habitude d’échanger, elle et moi. Et d’ordinaire elle a plus tendance à m’oublier voire même m’ignorer. Mais aujourd’hui, elle doit ressentir que je ne suis pas dans le même état d’esprit que d’habitude. Je n’ai pas envie de la faire tourner en bourrique ni même envie de jouer avec elle jusqu’à ce qu’elle craque. Non. A ce moment précis, j’ai juste envie que son visage disparaisse de mon champ de vision. Elle me fait ressentir trop de choses contradictoires. Elle me fout en l’air. Je tourne à peine le visage vers elle, gardant mon regard rivé au miroir qui me fait face : « Oui ! » un mot. Froid. Ce n’est pas dans mes habitudes. Je le sais. Je n’arrive pas à agir différemment. Je suis en panique en réalité. Tout semble m’échapper. Et ça m’effraie. Elle acquiesce : « Dois-je dire à Roberto de t’attendre pour le repas du soir ? » Je secoue la tête : « Je ne sais pas à quelle heure je rentrerai, alors faites comme si je n’étais pas là. A plus tard. » je réponds avant d’entrer dans la cabine et de laisser les portes se refermer derrière moi.

Je ne respecte pas les limitations de vitesse. Les paysages défilent devant mes yeux et je suis bien vite arrivé devant le domicile de ma cousine. Je claque la porte de ma voiture tandis que les badauds se retournent pour reluquer cette dernière. J’ajuste ma veste et me dirige vers l’appartement de Kristina avant de sonner. « K. c’est moi. » je grogne derrière la porte tandis que je prends appuie contre le chambranle. J’ai l’impression que ça fait une éternité que nous ne nous sommes pas vus elle et moi. Et ce n’est pas qu’une impression. Nous sommes d’ordinaire en contact presque tous les jours et nous essayons de nous voir une fois par semaine. Pourtant, ça n’a pas été le cas ces derniers temps et je ressens le manque d’un coup, c’est violent. J’ai presque envie de défoncer sa porte pour pouvoir la serrer dans mes bras. Je ne suis pas quelqu’un de très démonstratif - surtout depuis le décès de ma mère - mais avec ce qu’il se passe en ce moment j’ai l’impression de redevenir le petit garçon que j’étais.

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Juste une journée. Juste un moment. Le calme, la solitude. Elle n’a pas cours, aujourd’hui, et Katheryn quant à elle avait plusieurs rendez-vous. Elle se retrouve seule chez la quadragénaire, dans cet appartement qu’elle partage encore à moitié avec elle. Qu’elles partageaient entièrement, quelques mois plus tôt, avant leur rupture. Et aujourd’hui, elles sont de nouveau ensemble. Non pas comme avant, mais encore plus fortes qu’avant. Plus fortes qu’elles ne l’ont jamais été. Parce que Katheryn s’est jetée à l’eau, avouant toute la vérité sur son cancer, sur cette maladie qui l’a poussé à la quitter. Parce qu’elle a également accepté de laisser la rousse revenir auprès d’elle. D’abord pour l’aider à se soigner, pour prendre soin d’elle, pour ne pas qu’elle se sente seule et abandonnée. C’était pour cette raison que t’étais revenue auprès d’elle, Kristina. Pour l’aider et uniquement pour cela. Mais tu as réalisé bien trop vite que tes sentiments pour elle étaient toujours intact, que ton amour pour elle perdurerait pour toujours. Elle l’a réalisé. Et Katheryn n’a cessé de lui crier combien est-ce qu’elle l’aimait. Alors elle a craqué. Complètement. Et elle a décidé de laisser une nouvelle chance à son nouvel amour, à son seul et unique amour. Laissant de nouveau la pagaille s’installer dans sa vie. Elle s’est perdue, Kristina. Perdue entre la maladie de sa femme et sa propre vie. Elle ne parvient plus à réellement savoir ce qu’elle veut. Cette dernière année a été particulièrement éprouvante. Il y a d’abord eu cette soirée, le viol collectif qu’elle a subi. Ce viol dont elle n’a parlé à personne à part Katheryn. Ni même sa mère. Ni même Judah, son cousin, son frère. Puis il y a eu sa relation avec Katheryn, à l’époque son enseignante, plus tard renvoyée de l’université. Un sacrifice qui a bousculé autant la quadragénaire que l’étudiante. D’autant plus qu’elle a coupé les ponts avec sa mère, préférant la rayer de sa vie. Parce que c’est Diane, qui a dénoncé Katheryn à l’université. C’est ta propre mère qui t’as trahie, Kristina.
Au fond, elle a juste besoin de souffler. Juste besoin de décompresser et de se recentrer. Juste besoin de se retrouver, de retrouver celle qu’elle était, avant tout cela. Avant que sa vie soit bouleversée, encore et encore. Et t’es forte, Kristina. Tu arriveras à tout surmonter pour devenir bien plus puissante encore. Elle doit simplement faire son deuil. Comme elle a fait son deuil de l’abandon de son père. Comme elle est parvenue à surmonter son absence. A vivre avec, tout simplement. Elle y parviendra. Parce qu’il lui reste ce qu’il y a de plus précieux au monde : l’amour. L’amour des personnes qui l’aiment. Des personnes qu’elle aime. C’est ce qu’elle réalise, lorsqu’elle range l’appartement et qu’elle tombe sur cette photo d’elle et Katheryn. Elle se perd un instant, en la regardant, jusqu’à ce que quelqu’un sonne à la porte. Quelqu’un, et cette voix qu’elle ne reconnait que trop bien. Judah. Judah, depuis toujours, il est un véritable pilier. Il a pris le rôle d’homme de sa vie, lorsque son père l’a laissé. Il est sa béquille, sa sureté, parce qu’il sera toujours là pour elle et dans sa vie, elle le sait. Seulement, ces derniers temps les choses ont été beaucoup trop compliquées, et une distance s’est installée entre eux. Elle se précipite alors jusqu’à la porte, surprise de l’entendre, et l’ouvre rapidement. - Judah ! Hey ! C’est un beau sourire qu’elle lui offre, parce qu’elle est heureuse de le voir. Sincèrement heureuse. Après tout, il est la seule famille qu’il lui reste. Il est son tout. - Qu’est-ce que tu fais ici ? Qu’elle demande, attrapant sa main pour le serrer dans ses bras. Elle ne s’attendait pas à cette visite. Pas à l’improviste, pas après ces semaines sans se voir. Mais il est toujours le bienvenu, chez elle, dans sa vie, dans son cœur.

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Kristina & Judah

La relation que nous avons, ma cousine et moi, peut paraitre étrange, surtout quand on me connait. Les personnes de mon entourage n’ont pas toujours compris ce lien, ténu, qui nous relie Kristina et moi. Et je ne suis jamais vraiment capable de l’expliquer. Elle est la soeur qui me manquait mais aussi, depuis la mort de ma mère, cette présence féminine, celle qui m’apporte l’amour et la stabilité dont mon père m’a toujours privé. Kristina, c’est ma bouée de sauvetage, un oasis dans le désert aride de mon coeur. Quoi qu’il arrive, Kristina est là, présente dans ma vie, à mes côtés, à m’épauler quand je perds pieds. Parce qu’elle sait reconnaitre les signes de faiblesse K, lorsque d’autres ne remarquent rien, elle voit tout. J’ai pourtant travaillé le masque que je porte au quotidien pendant des années, à partir de la mort de ma mère, puis je l’ai consolidé lorsqu’Elena est venue piétiner ce qu’il restait de mon coeur. Mais Kristina, contrairement au reste du monde, me connait mieux que quiconque et sait voir au-delà du masque. A aucun moment ma cousine ne se laisse duper.

Je n’attends pas longtemps avant que la porte ne s’ouvre en grand, provoquant un souffle qui vient soulever ma tignasse brune. Apparait ma cousine, un sourire lumineux éclaire son visage. Elle semble heureuse de me voir - et non pas en colère de mon absence, comme je le craignais. « Judah ! Hey ! » s’exclame-t-elle, les yeux pétillants de joie : « Qu’est-ce que tu fais ici ? » me demante-t-elle tout en attrapant ma main pour m’attirer à elle. Je ne me fais pas prier et l’enserre de mes bras, plongeant mon nez dans ses cheveux, inspirant un grand coup. Ma bouée de sauvetage. Là, son parfum remplissant mes narines, j’ai l’impression que rien ne peut m’atteindre. Je suis indestructible, et tout ce qui me bouffe en ce moment me parait si loin, si insignifiant. Je la serre un peu plus fort comme pour m’imprégner d’elle. Sa chaleur m’avait manqué. Elle est ma famille. La seule et l’unique. Je m’écarte d’elle après vois posé un baiser sur le haut de son crâne. Tenant toujours sa main, je la détaille, elle semble un peu différente de la Kristina que j’ai toujours connue. Comme si elle venait de traverser des moments éprouvants. Je souris tendrement en plongeant mon regard dans le sien : « Je viens voir comment se porte ma cousine et… » je baisse les yeux, mal à l’aise. Jusqu’à présent je n’avais jamais fait le mort avec Kristina. J’avais toujours pris des nouvelles d’elle - lorsqu’elle n’était pas la première à m’envoyer un message ou à m’appeler. Il nous arrivait de ne pas nous voir pendant plusieurs semaines, mais jusque-là, il n’y avait jamais eu de silence radio comme celui que nous venions de vivre. Et je me sentais responsable. Parce que ma vie avait pris un virage à centre-quatre-vingt-dix degrés, je ne m’étais pas vraiment soucié d’elle. Bien sûr, chaque jour j’avais eu une pensée pour elle, me disant qu’il fallait absolument que je prenne des nouvelles, espérant qu’elle aille bien. Mais je n’avais pas bougé le moindre petit doigt. Ca ne me ressemblait pas. Pas avec elle. Et je n’aimais pas être ce mec égoiste et autocentré avec elle. «… et je voulais me faire pardonner d’avoir disparu de la circulation comme ça. J’espère que tu me pardonneras K. » Je redresse la tête, un sourire contrit plaqué sur les lèvres. Seule Kristina a le droit à ce visage-là. Personne ne connait le Judah mal à l’aise et qui s’en veut. L’autre Judah est sur de lui en toute circonstance et assume ses moindres faits et gestes, même si ça le fait passer pour le pire enfoiré. Mais avec K, je ne suis pas ce mec sans coeur que tout le monde pense que je suis. Avec elle j’éprouve des choses et je laisse mes sentiments parler. Avec elle je peux être vraiment moi. « Ma vie a pas mal été bousculée dernièrement… mais tout me laisse à croire que la tienne n’a pas été de tout repos non plus. Qu’est-ce-qu’il s’est passé K. ? » je lui demande en entrant plus franchement dans l’appartement, refermant la porte derrière moi. Je retire ma veste tout en attendant que Kristina m’explique ce qu’il s’est passé, car je le sens. Si elle est capable de lire en moi comme dans un livre ouvert, il en est de même pour moi. Nous avons tous les deux développé ses facultés.

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En un instant, elle se sent mieux que jamais. En un instant, toutes les souffrances sont oubliées. Parce que Judah est là. Il est là, juste devant elle, se glissant dans ses bras. Et elle a presque l’impression qu’il n’est jamais parti. Qu’il n’a pas disparu, sans un mot. Elle a presque l’impression que rien n’a changé entre eux. Et c’est peut-être parce qu’au fond, c’est le cas. Peut-être que quoi qu’il fasse, tu ne pourras jamais lui en vouloir, Kristina. Peut-être que quoi qu’il fasse, tu ne pourras jamais être en colère contre lui. Peut-être aussi parce que tu sais que tu n’as pas été exemplaire, toi non plus. T’as tout mis de côté pour Katheryn. T’as tout mis de côté et tu n’as pas de regret, parce qu’il lui faut de l’aide pour aller mieux, mais Judah aussi, il a besoin de toi. Elle peut le voir, elle peut le sentir, mieux que personne. Son cousin, son frère, il a besoin d’elle. Il traverse une mauvaise passe, c’est l’impression qu’elle a, lorsqu’il la serre dans ses bras comme s’il cherchait à respirer de nouveau. Comme s’il cherchait une bouffée d’oxygène en elle. Et rapidement, il s’excuse. Il lui demande de le pardonner. De le pardonner pour cette absence, pour ces semaines sans nouvelles et sans explications. Ce qui est parfaitement inhabituel entre eux, parce qu’ils sont toujours aussi fusionnels que lorsqu’ils étaient enfants. Que lorsqu’ils étaient adolescents. Il est l’ainé, et il est pourtant celui qui reconnait ses torts face à elle. - Oh Judah… Arrête, je ne t’en veux pas. Tu le sais. Déposant un baiser sur la main de son frère, elle le laisse entrer à l’intérieur de l’appartement. Elle le laisse faire comme chez lui, parce que c’est chez elle ici, désormais. Et partout où tu vivras, il aura sa place, Kristina. - J’étais juste inquiète pour toi. Et je le suis toujours. Alors installe-toi sur le canapé et dis-moi ce qui se passe. Sa voix est douce, ses yeux sont emplis d’amour, parce que tout ce qu’elle souhaite c’est pouvoir le rassurer, Kristina. Mais vraisemblablement, il voit, lui aussi, que la jolie rousse est tiraillée. Et il voit juste, Kristina. Parce que tout n’est pas rose. Parce que tu dois affronter la maladie, alors que tu n’as que vingt deux ans. Parce que t’as peur de perdre la femme que tu aimes. Et elle ne sait pas comment parler à Judah. Elle ne sait pas comment faire, quoi dire, pour expliquer combien elle souffre. Alors elle se contente de parler, d’énoncer les faits, parce qu’à lui, elle ne peut pas mentir. - Moi… C’est compliqué aussi. C’est Katheryn… Elle est malade… Et les mots lui déchirent le cœur. Elle ne parvient pas à l’accepter. Elle ne parvient pas à l’encaisser. - Mais ça va aller… Elle est suivie, elle réagit plutôt bien aux traitements… On va s’en sortir… On. Parce que ce qui touche Katheryn te touche, toi aussi. On, parce qu’elle est l’amour de ta vie. Parce que tu serais incapable de vivre sans elle.

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Kristina & Judah

Nous ne sommes pas chez ma cousine, mais chez celle avec qui elle partage sa vie. J’entre comme si je connaissais les lieux par coeur - ce n’est pas la première fois que je viens ici et je connais bien Katheryn. « J’étais juste inquiète pour toi. Et je le suis toujours. Alors installe-toi sur le canapé et dis-moi ce qui se passe. » j’acquiesce d’un mouvement de tête et l’écoute, déposant ma veste sur le dossier du canapé avant de prendre place. Les coudes posés sur les genoux, je me frotte les mains, ne sachant pas vraiment pas où commencer. En réalité, je n’ai pas vraiment envie d’ouvrir la conversation sur mes problèmes qui peuvent paraitre tellement dérisoires quand on y pense. Je redresse finalement la tête pour plonger mon regard dans le sien, lui intimant silencieusement de parler la première. Car je suis loin d’être dupe. Je connais K. par coeur. Et à ce moment précis, même si son visage semble serein, même si ses yeux sont emplis d’amour et de tendresse et que ses lèvres sont étirées en un doux sourire… je sais que tout ne va pas bien dans la vie de Kristina. Pourquoi aurait-elle fait silence radio de son côté si tout roulait dans sa vie ? « Moi… C’est compliqué aussi. C’est Katheryn… Elle est malade… » J’écarquille les yeux en même temps que mon coeur rate un battement. « Malade » se mot résonne en moi et m’attire dans les abimes. Je ne veux plus jamais entendre ce mot. La maladie, c’est ce qui a emporté ma mère et c’est ce qui a causé ce trou béant en moi. Je refuse que Kristina connaisse une telle souffrance. Je fronde les sourcils en attrapant la main de la jolie rousse, la serrant dans la mienne, grande, protectrice. « Mais ça va aller… Elle est suivie, elle réagit plutôt bien aux traitements… On va s’en sortir… » Kristina parle d’une seule et même voix lorsqu’elle évoque la maladie de Katheryn et mon coeur se serre un peu plus. Car si pour moi l’amour n’est qu’illusion, pour Kristina je sais qu’il est bien réel. Katheryn est celle qui l’a rend vivante. Katheryn est son monde et je sais que Kristina est le sien. Parfois, ça me redonne foi en l’amour. Mais j’ai l’impression que pour moi, il ne sera jamais réel. De toute évidence, je dois mettre une croix dessus avec ce qu’il se passe actuellement dans ma vie. Je tire un peu sur la main de ma soeur pour la faire s’asseoir à mes côtés. Nous avons tous les deux besoins de nous retrouver, je veux qu’elle comprenne que je suis - et serai - toujours là pour elle, bien que je ne sois pas toujours capable de le montrer. « Je suis désolé K… Je suis vraiment désolé d’apprendre ça. Vous ne méritez pas ça. Katheryn ne mérite pas d’être malade. » J’enserre ses épaules d’un bras, la calant contre mon flanc avant d’embrasser son front. « Qu’a-t-elle ? Depuis quand le sais-tu ? » j’ai besoin de savoir, besoin de m’intéresser de nouveau à la vie de ma cousine, et de mettre quelques instants mes problèmes personnels. Je voudrais tant aider ces deux jeunes femmes mais pourtant, à ce moment précis, je me sens terriblement impuissant. « Où Katheryn est-elle suivie ? Est-elle en capacité de payer tous ses traitements ? » je sais que K. comprend parfaitement où je veux en venir. Je veux qu’elle sache que si jamais la femme qui partage sa vie, celle qui a capturé son coeur et qui le fait battre, a besoin d’une aide financière, je serai là pour les épauler. C’est le moindre que je puisse faire. A l’époque, j’aurais aimé que quelqu’un prenne ma mère sous son aile et l’aide à aller mieux avant qu’elle ne décide de se passer la corde au cou.

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Judah, il ne l’a jamais jugé. Il n’a jamais jugé sa relation avec Katheryn. Lorsque sa mère a tout fait pour les séparer, lui a été présent, comme une épaule. Il n’a pas tenu compte du fait qu’elle était son enseignante, du fait qu’elle était mariée et bien plus âgée que la rousse. Non, tout ce qu’il a vu, lui, c’est l’amour que lui porte Kristina. Tout ce qu’il voit encore aujourd’hui, c’est cet amour qu’elles partagent. Cet amour qui ne cesse d’être mis à mal, encore et encore. Cet amour qui persiste, intact, à chacune des crises qui s’installent sur leur chemin. Et aujourd’hui, tu as le cœur brisé, Kristina. Le cœur brisé parce que la femme que tu aimes souffres terriblement. Mais tu sais également que ton amour lui donne la force de se battre. Que c’est pour toi et uniquement pour toi qu’elle lutte aujourd’hui. Parce qu’elle était prête à se laisser mourir, Katheryn, avant que Kristina ne revienne dans sa vie. Mais il n’en est plus question aujourd’hui, elles sont ensemble pour le meilleur et pour le pire. Et le fait que Judah comprenne, le fait qu’il ne tente pas de la dissuader, lui fait un bien fou. - Elle a un cancer… Je le sais depuis qu’on s’est retrouvées… En réalité, c’était pour cette raison qu’elle m’avait quitté, elle voulait me protéger… J’ai fini par le découvrir. Et comme une évidence, tu t’es rapprochée d’elle à nouveau, Kristina. Tu as retrouvé la femme de ta vie et tu t’es imposée à elle, pour qu’elle ne t’écarte pas des ses soucis. Elle se glisse dans les bras de son frère, profitant de son étreinte, profitant de ses baisers qui lui réchauffent le cœur. - Oui, ne t’en fais pas, elle est dans une clinique et tout se passe bien. Merci pour ton soutien… Elle n’a aucun doute, Kristina. Elle sait qu’elle peut compter sur lui, toujours. Elle sait qu’il ferait n’importe quoi pour elle, et que si elle lui demandait d’aider Katheryn, il le ferait. - Tu sais ce qu’a fait ma chère mère lorsqu’elle a appris la nouvelle ? Elle est venue ici, elle a hurlé devant Katheryn que je devrais la quitter parce qu’elle se sert de moi comme garde malade… J’avais tellement honte, j’étais tellement écœurée… Diane a été odieuse avec Katheryn, comme toujours. Mais cette fois, elle est allée beaucoup trop loin. Elle s’en est prise à une femme malade, faible devant elle, et elle n’a pas hésité une seule seconde à la malmener davantage. - Enfin… Ce n’est pas important. L’important c’est que toi tu sois là. Dis-moi ce qui se passe pour toi. Après tout, il fait toujours tellement pour elle. Il est toujours tellement présent, qu’elle lui doit bien de l’être en retour. Et parce que comme une sœur, tu t’inquiètes pour lui, Kristina. Tu t’inquiètes et inquiéteras toujours pour lui.

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Kristina & Judah

Ma mère m’a toujours dit que c’était dans les moments de troubles, les moments douloureux et ceux qui imposent le silence, que l’on reconnait la vraie famille - qui n’est pas forcément celle du sang d’ailleurs. C’est dans ces moments sombres que l’on se rend compte des personnes pour qui nous comptons vraiment. C’est marrant comme mon père n’a jamais été à mes côtés durant ces épisodes, ces points clés de ma vie. Il en était, en réalité, très souvent l’instigateur. C’est malheureux de se dire que nous ne sommes pas la personne la plus importante aux yeux de son propre père. Mais j’ai appris à vivre sans lui. A avancer sans lui. Et c’est grâce à Kristina qui elle, a toujours été à mes côtés. Qui a su me guider dans mes moments de doutes. Qui m’a épaulé, même lorsque je ne faisais pas les bons choix, sans jamais me juger mais en disant toujours le fond de sa pensée. C’est K. le pilier de mon existence - depuis que ma mère m’a quitté. J’en ai conscience. J’en ai toujours eu conscience d’ailleurs. Et c’est pour ça que je m’en veux terriblement de ne pas avoir été à ses côtés dans ses moments de trouble à elle. D’avoir mis de côté sa vie, qui est aussi la mienne, pour me concentrer sur les événements de ma propre existence. Je m’en veux d’avoir été un sale égoïste. « Elle a un cancer… Je le sais depuis qu’on s’est retrouvées… En réalité, c’était pour cette raison qu’elle m’avait quitté, elle voulait me protéger… J’ai fini par le découvrir. » la nouvelle tombe comme un couperet. Je cesse de respirer. Un putain de cancer. Je ferme quelques secondes les yeux et me pince l’arrête du nez de ma main libre. Fait chier. « Merde K, je suis désolé. Je comprends mieux aussi sa réaction. Et d’un côté… c’est bon de sa part d’avoir voulu te protéger de ça. Mais votre amour… l’amour que tu lui portes, il ne peut que lui faire du bien. Je suis persuadé qu’il peut réparer des tas de choses K. Puis… Katheryn est une battante, elle va s’en sortir. » je plonge mon regard dans celui de ma cousine et je lui souris. Ce sourire d’encouragement qui lui dit : tiens bon, tout ira mieux, tu verras et je suis là pour toi, quoi qu’il arrive. « Oui, ne t’en fais pas, elle est dans une clinique et tout se passe bien. Merci pour ton soutien… » Je suis soulagé d’apprendre ça. Si Kristina me dit que tout va bien, c’est que c’est le cas. « Ok. Mais si jamais vous avez besoin d’aide… n’hésite pas K. Tu sais que je peux vous aider ! » Je fais déjà des dons pour les recherches et certains hôpitaux de la ville, mais parfois je me demande si mon argent sert vraiment aux patients. Alors de savoir qu’un de mes proches est en détresse, je brûle de pouvoir l’aider pour les frais. « Vraiment ! » Je soupire et continue de lui caresser tendrement le bras. C’est comme si j’avais besoin de lui montrer que je suis vraiment là, comme pour lui demander pardon d’avoir fait le mort.

« Tu sais ce qu’a fait ma chère mère lorsqu’elle a appris la nouvelle ? Elle est venue ici, elle a hurlé devant Katheryn que je devrais la quitter parce qu’elle se sert de moi comme garde malade… J’avais tellement honte, j’étais tellement écœurée… » je soupire en secouant la tête. Diane peut tellement faire preuve de dureté. Avant, elle n’était pas comme ça. Mais aujourd’hui son coeur est aussi dur et froid que de la pierre. « Putain, Diane déconne complètement. Mais tu sais qu’elle a toujours eu du mal avec votre relation. Elle ne la comprend pas. Alors pour elle, la maladie de Katheryn, c’est un prétexte de plus pour détruire votre relation. » Je pince les lèvres contrit. « J’espère que Katheryn n’a pas pris en compte ses paroles. Diane cherche juste à vous séparer. L’important c’est ce que vous ressentez Katheryn et toi. Personne ne se sert de l’autre. Vous vous aimez, tout simplement. Peut-être qu’un jour ta mère le comprendra. Ou peut-être pas. Mais tant pis pour elle. C’est elle qui passe à côté du bonheur de sa fille, malgré les embûches sur le chemin… » Diane et mon père ont un point commun : la froideur. « Enfin… Ce n’est pas important. L’important c’est que toi tu sois là. Dis-moi ce qui se passe pour toi. » Je tourne la tête vers elle, lui offrant un sourire crispé. Je me tends un peu. L’espace de quelques instants, en écoutant les soucis de ma soeur, j’en avais oublié les miens. Ils sont certes moins grave que le cancer de Katheryn… « Je suis fiancé et je vais être papa d’ici quelques mois… » je fixe le regard de ma cousine, attendant la moindre réaction. K sait que je n’aime personne, amoureusement parlant, et que jamais au grand jamais je ne voudrais m’engager de mon plein grès - depuis l’histoire avec cette salope d’Elena - et encore moins avoir une descendance…

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Parler à Judah, se confier à lui sur la situation avec Katheryn, sur ce qu’il y a de plus douloureux dans sa vie, c’est tout naturel. C’est tout naturel parce qu’il a toujours été là. Présent. Et il le prouve, une fois de plus, en écoutant ses problèmes. En lui proposant même son aide. Une aide qu’il est prêt à apporter à la femme qu’elle aime, si elle le désire. Et t’es touchée, Kristina. Plus que tout. Parce qu’il fait pour toi ce que ta propre mère est incapable de faire. Touchée, parce qu’il se comporte avec toi comme le grand frère que tu n’as jamais eu. Plus encore, comme la figure masculine qui a disparu de ta vie à l’instant même où ton père a quitté la maison, pour ne plus jamais revenir. Et elle lui en est reconnaissante, Kristina. Elle lui en sera toujours reconnaissante, d’avoir pris ce rôle, un petit peu malgré lui. De veiller sur elle, toujours, comme une famille. Et aujourd’hui, elle est également reconnaissante envers Judah d’accepter aussi bien la femme qu’elle aime. De la traiter comme un membre de la famille. - Oui… Je sais qu’elle l’a fait pour moi… Elle n’a pas l’habitude de gérer ses problèmes avec quelqu’un, tu sais… Mais moi, tout ce que je veux c’est être avec elle. Qu’elle soit malade ou non. L’essentiel, c’est qu’elle le comprenne aujourd’hui. Faible sourire, elle a bon cœur, Kristina. Elle a toujours été aimante, elle a toujours su se dévouer pour les personnes qu’elle aime. Et elle n’a pas pensé, ne serait-ce qu’une seule seconde, à laisser tomber Katheryn à cause de son cancer. La rousse se serre dans les bras de Judah, profitant de cette étreinte qui lui manque, chaque fois qu’il n’est pas là. - Merci pour tout. Elle ne peut que le remercier. Le remercier d’être ce qu’il est. D’autant plus lorsque le sujet se porte désormais sur Diane. Cette mère qu’elle ne voit désormais plus que comme un monstre. Oubliant qu’elle n’a pas toujours été ainsi. - Je sais. Elle n’accepte pas Katheryn, elle ne l’acceptera certainement jamais. Mais attaquer une femme malade, franchement c’est… Tu aurais dû voir la scène… Et tu ne voulais déjà plus d’elle dans ta vie, lorsqu’elle a fait renvoyer Katheryn de l’université, seulement après cette esclandre, c’est pire que tout. Tu ne pourras jamais oublier avec quelle violence elle l’a traitée, Kristina. Tu ne pourras jamais oublier combien Katheryn se sentait mal, face à elle. Sa mère n’est plus dans sa vie. Elle n’en fait plus partie. Mais Judah, oui. Et c’est Judah qui l’intéresse, désormais. C’est Judah, qui demeure son seul et unique lien de sang. Alors lorsqu’elle entend ses paroles, elle tombe de mille étages, Kristina. Sous le choc, elle ne peut que s’exclamer. - Pardon ?! Mais… Tu m’expliques ? Comment ne peut-elle pas être au courant de quelque chose de si important. Ce si grand bouleversement dans sa vie. Un mariage. Un bébé.

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