l'encre de tes yeux. (Farhan)

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{ l'encre de tes yeux }
crédit/ tumblr ♛  w/@Farhan-Ul-Haq Qureshi

Il flotte dans l’air ce parfum frais si particulier. Celui qui appelle à la pureté. Les cierges allumés près de l’extérieur des lieux viennent contrebalancer cette sensation de fraîcheur dans une ambiance beaucoup plus chaleureuse. Ce serait presque intimiste s’il n’y avait pas tant de monde. L’église est bondée de personnes, plus ou moins tristes, plus ou moins silencieuses. Sûrement un peu de famille, parmi toutes ces connaissances professionnelles, une famille qui mériterait un peu plus de calme pour un jour pareil. Isabella, elle, est profondément silencieuse. Respectueuse des lieux mais, surtout, des circonstances. Loin d’être pieuse ou pratiquante, elle n’est même pas certaine de croire en Dieu bien qu’elle ait grandi dans une certaine foi. Mais sa mère a disparu alors qu’elle n’avait que quatorze ans, de quoi la faire douter de l’existence d’un pouvoir supérieur présent pour protéger tout un chacun. Ce n’est pas le genre d’endroit où elle se sent bien. Ni le genre de moment qu’elle vit bien. Elle a connu des pertes trop douloureuses, des souffrances trop ancrées en elle, pour supporter facilement des obsèques. Mais elle est là par respect, par courtoisie. Par politesse pour l’homme qu’elle a connu, le collègue de travail qu’il a été. Une partie révolue de son passé qui revient soudainement. Elle a la sensation que son travail au sein de la maison d’éditions remonte à une éternité. C’était au temps où elle était plus naïve sur sa profession, sur cet univers, mais aussi sur ses ambitions. Elle n’est plus vraiment la même depuis, plus la même depuis cette époque. Elle se perd malgré elle dans ses pensées durant la cérémonie. Son regard qui se pose parfois sur l’assemblée, elle croit l’apercevoir plusieurs fois. Peut-être qu’elle le cherche inconsciemment du regard. Mais elle tombe toujours sur le visage d’un autre. Les hommages du prêtre terminés, chacun est invité à rejoindre l’arrière de l’église par la famille pour une commémoration un peu moins solennelle. Elle pénètre les lieux à son tour, avec déjà l’idée en tête de ne pas s’attarder. Elle ne comprend pas comment un tel moment peut poursuivre l’instant si chargé d’émotions qu’ils viennent de vivre. Elle a l’impression d’être soudain au milieu d’un événement mondain, banal, aussi normal que tous les autres. Cela lui donne froid dans le dos. Son regard se pose sur l’une disposée sur une table tout au fond de la pièce. Comme une invitation à un hommage ultime à celui dont il ne reste que des cendres. Elle ne se sent pas très bien. Une inspiration plus tard, la jeune femme se retrouve assaillie par les questions. D’anciens collaborateurs envahis de curiosités, des collègues du passé qui viennent renouer. Elle essaie, Isa, elle essaie plusieurs minutes durant. Mais elle finit par s’excuser.

Besoin de t’isoler,
Besoin de respirer.

Elle se retrouve à l’extérieur de l’église. L’air rafraichissant en cette fin d’après-midi vient tout de suite la revigorer. Elle a, de nouveau, le sentiment de retrouver un brin d’oxygène. Jusqu’à ce que le souffle lui soit coupé. Il est là.

Il est là.

Il est là, après tout ce temps. Il est là, comme un fantôme du passé. Plus encore que le serait celui qui vient de les quitter. Elle a la sensation que son cœur, de battre, s’est arrêté. Elle est venue en sachant qu’elle pourrait le revoir à tout instant. Mais elle n’imaginait pas être remuée autant. Les prunelles noires qui s’intensifient un peu plus, elle garde pourtant le port aussi fier. Aussi assurée que d’ordinaire. Le visage neutre, peut-être même un peu trop neutre, pour de telles circonstances. – Bonjour Farhan. le salue-t-elle, de sa voix douce habituelle. Rien, en regardant la Latina, ne pourrait laisser imaginer toutes les pensées qui la submergent instantanément. Tous les souvenirs qui viennent la frapper de plein fouet.

Tous les moments partagés,
Leurs corps enlacés,
Les baisers échangés,
La passion envolée.

Toute une relation qui a volé en éclats.
Pour un anneau qui n’est même plus à ton doigt.

Farhan-Ul-Haq Qureshi. Il est de ces personnes que l’on n’oublie pas. De celles qui laissent une trace indélébile. De celles qui vous marquent.

Et il t’a marquée, Isabella.