if tomorrow never comes - Suile

« Oh je ne m’en fais pas trop. Je suis sûre qu’elle trouvera une autre raison de se moquer ! » Elle est pleine de ressources Lily, je ne sais d’ailleurs pas où est-ce qu’elle cherche son inspiration. Je devrais lui poser la question, ça pourrait m’être utile quand j’ai une panne de créativité. Pour l’heure, elle a de quoi faire avec l’épisode de ce soir mais qui sait ce que demain lui apportera ? Elle aura peut être à nouveau l’idée farfelue de déguiser son père ? Mais alors j’espère être présente pour voir ça. Et prendre une photo, cela va de soi. A ce rythme, je vais pouvoir remplir un album et le garder précieusement pour le sortir aux réunions de famille. A côté, mon manque de talent d’imitatrice est presque banal et sans intérêt. Je ne peux définitivement pas rivaliser avec Suile, c’est impossible.

Je me demande bien ce qui l’a fait garder ces réunions secrètes si longtemps. Je sais qu’il n’est pas du genre à s’épancher sur un sujet, mais de là à me cacher un truc aussi important, j’avoue que j’ai un peu de mal à comprendre. Il a sans doute voulu prendre son temps, ne pas s’emballer si, au final, ce genre de réunion ne lui convient pas. « Je le sais bien. » Et sincèrement je ne lui en veux pas d’être resté mystérieux. C’est juste que .. si j’avais su ça plus tôt, ça m’aurait évité de cogiter pour rien. Je ne me serais pas montée la tête pour rien aussi. Mais ça je ne peux pas le lui dire, c’est évident. « Et donc.. tu vas y retourner ? J’imagine que c’est pas simple de parler comme ça à des inconnus. Ni écouter d’ailleurs.  » C’est une chose de rencontrer des gens qui ont vécu le même type de drame, c’en est une autre de vouloir partager leur souffrance. Quand on a déjà du mal avec la sienne, on est parfois hermétique à celles des autres. Au risque de paraître froid et sans cœur. Ou alors ça peut vous renvoyer la vôtre en pleine figure et pour le coup, ça empire encore les choses. Je comprends parfaitement qu’il ne soit pas encore arrivé au stade de se confier, c’est une étape difficile à franchir et devant de parfaits inconnus encore plus à mon sens. Quand il commencera à être à l’aise avec eux, il racontera peut être des petits bouts de récits. Juste de quoi leur faire comprendre qui il est et ce qui l’amène parmi eux. J’ai jamais pensé à m’inscrire à ce genre de réunions. Pour être honnête, avant ce soir, je ne connaissais même pas leur existence. Mais ça peut être une expérience à tenter, juste une fois pour voir l’effet que ça fait.

Je me lève pour me rendre à la cuisine. Je sais que mon comportement est étrange et qu’il va alerter Suile mais c’est plus fort que moi. J’ai besoin de ces quelques minutes pour souffler et évacuer toute cette inquiétude démesurée que j’ai accumulé dans la soirée. Je me sers mon verre d’eau et bois une longue gorgée. Je suis pas étonnée d’entendre sa voix près de moi, je n’ai juste pas la force de me retourner pour le confronter. Alors je prends son verre et le remplis aussi avant de le lui tendre. « Bien sûr pourquoi ça n’irait pas ? » Je réponds sans le regarder dans les yeux, me contentant d’observer par la fenêtre les ombres que forment les immeubles voisins dans la nuit. « T’as pas à t’excuser voyons. Je t’en veux pas du tout. T’as le droit d’avoir des secrets de toute façon. » J’en ai bien, moi aussi. Qu’il pense que je lui en veux pour ça me peine mais je ne peux pas lui expliquer ce que j’ai dans la tête puisque moi même j’ai du mal à tout comprendre. J’ai surtout besoin d’une bonne douche pour me remettre les idées en place et envoyer balader tous les films qui me trottent dans la tête depuis trop longtemps.

Pando

Je suis très complice avec Lily et ça se ressent mais de là à dire qu'elle me trouve parfaite ? Je pense juste qu'elle m'apprécie parce que je fais tout pour lui faire plaisir. Elle penserait la même chose d'une voisine ou d'une amie si elle passait autant de temps avec elle. « Arrête t'exagères ! » Je souris pourtant, j'en rougis presque de tous ces compliments. C'est agréable, je ne vais pas le nier. Même si je suis pas du même avis. « C'est toi son héros. Même si elle te mène parfois la vie dure, qu'elle fait des caprices pour te tester, c'est toujours toi qu'elle réclame quand elle a peur ou qu'elle a besoin d'un câlin. D'ailleurs, elle m'a chargé de te dire.. » je mime des guillemets avec mes mains pour montrer que ce sont ses paroles, à elle. « Ze t'aime papa, t'es le meilleur papa du monde entier. Et tu fais trop bien la voix du méchant ! » Imiter la voix de ma nièce est beaucoup plus simple que celle d'un vilain personnage, puis le petit cheveu qu'elle a sur la langue à cause de ses dents en moins est tellement adorable. J'ai du mal à ne pas rire en prononçant la dernière phrase. Finalement, il a peut-être raison. Je vais en entendre parler encore un moment. « Elle voulait même que je te fasse un bisou à sa place, c'est pour dire ! » Cette petite est complètement folle de son père et c'est normal. Il est le seul parent qu'il lui reste, il assume le rôle du père comme de la mère au quotidien et il assure carrément.

Je suis contente de l'entendre être motivé par ces réunions. Il n'a pas encore franchi le pas de la prise de parole mais ce n'est qu'un détail. Qu'il s'entoure de personnes dans le même cas que lui ne peut que l'aider à mieux appréhender la suite. Je fronce les sourcils en l'écoutant m'avouer ce qu'il ressent. « T'es pas le seul à souffrir, loin de là. Puis chaque histoire est différente. Qu'une personne retrouve le sourire quelques mois après un deuil ne veut pas dire qu'elle souffre moins qu'une autre qui met plusieurs années. Te mets pas la pression, Suile. Mais tu t'en sortiras, j'en suis persuadée. » Parce que c'est un battant. Qu'il a deux enfants qui vont le maintenir hors de l'eau le restant de sa vie. Que je serais toujours là pour le secouer si jamais ce n'est pas suffisant. Comme tous ses proches. « C'est vrai. Et c'est bien que tu ne l'oublies pas. Que t'es pas seul. » Les personnes qui se retrouvent seules du jour au lendemain ont beaucoup de courage de rester en vie et de se battre. D'autres abandonneraient la bataille pour moins que ça. C'est une belle leçon de vie et ce genre de témoignage ne peut qu'apporter un peu plus d'espoir à mon beau-frère.

Je ne sais pas ce qui me prend tout à coup, mais j'ai besoin de prendre mes distances. Je ne suis pas douée pour cacher mes émotions et Suile comprend très vite que quelque chose ne va pas. Mais je feins de ne pas savoir de quoi il parle. Si bien qu'il me demande si je m'inspire de lui dans ma technique. Ça a au moins le mérite de me faire sourire. Même si je ne croise toujours pas son regard. « T'es visiblement plus doué que moi. » Il arrive un peu mieux à cacher quand ça va pas, contrairement à moi qui devient gauche et fuyante. Je bois encore une fois, l'eau a la vertu de m'apaiser et de me donner l'illusion que ma gorge n'est pas sèche comme le désert. Je suis surprise qu'il me propose de l'accompagner aux réunions. Ça me fait même quitter l'observation de la fenêtre pour me mettre face à lui. « T'es sûr que c'est une bonne idée ? » Je me souviens parfaitement de ce qu'il s'est passé la dernière fois que je me suis confiée sur Jenny en sa présence. « Après ce qui s'est passé la dernière fois.. jsuis pas sûre que m'entendre parler de Jenny soit une bonne idée... » Si je viens assister à un groupe de paroles, j'aurais envie de m'exprimer. Au moins un peu pour voir si ça fait vraiment du bien de se confier à des inconnus. Je n'entrerais pas dans les détails mais je risque d'aborder quelques anecdotes sur ma soeur, c'est certain. La dernière chose que je souhaite, c'est de mettre Suile mal à l'aise. Maintenant qu'il a trouvé une thérapie qui lui convient, ce n'est pas le moment de tout gâcher.

Pando

C'est étrange de plaisanter maintenant avec l'homme qui me mettait dans tous mes états quelques minutes plus tôt. Ça prouve bien que j'ai un gros problème et que je n'arrange pas mon cas en m'acharnant à le côtoyer. Sauf que je ne peux pas m'en empêcher. Pour lui, pour les enfants. Je préfère devenir totalement folle que m'éloigner de ce trio que j'aime plus que tout. Je vais bien finir par apprendre à me maîtriser, non ? Je suis encore à fleur de peau suite au décès de ma soeur, c'est pour ça que je réagis comme ça. Ça ne peut être que ça. Je vais me réveiller un matin avec le coeur léger et apaisé. Il faut que j'y crois pour que ça se réalise. Sinon je vais droit dans le mur. Je n'ai pas envie de les entraîner dans ma chute. Surtout pas eux. Les enfants sont encore innocents, inconscients de tous les tracas des adultes. Tant que le drame le plus important de leur journée se résume à l'absence de leur dessin animé préféré à la télé, on peut s'estimer chanceux. Le temps des questions arrivera à un moment donné. D'ici là, j'espère qu'on aura trouvé toutes des réponses à donner. « Oh certainement. Elle a de la suite dans les idées cette petite. » Incroyablement intelligente pour son âge, elle me surprend chaque jour un peu plus avec ses remarques qui sortent de nul part. Comme quand elle me dit qu'elle aimerait devenir astronaute en regardant le plafond étoilé de sa chambre, juste avant de dormir. Parce qu'elle veut les voir, ces étoiles. Et espère y croiser un autre astre qui s'est éteint l'an passé. J'en suis encore toute remuée d'ailleurs. Je garde cette anecdote pour moi, je n'ai pas envie de miner le morale de Suile, relativement enjoué pour une fois.

Je constate à chaque minute qui passe qu'il progresse. Que ces réunions lui ont déjà fait beaucoup de bien alors même qu'il n'a encore rien dit. Juste d'être entouré d'autres personnes en souffrance le fait relativiser et voir les choses autrement. C'est un excellent début. J'aimerais bien connaître le même progrès de mon côté. Mon coeur semble faire beaucoup de résistance dernièrement et c'est de plus en plus difficile à dissimuler. Suile le remarque en tout cas et le dit clairement. Il n'hésite pas à utiliser ma soeur pour ponctuer ses dires. Je suis pas étonnée qu'elle ait tenté de le faire s'ouvrir un peu plus au fil des années. Il est du genre mystérieux et c'est dur de savoir ce qu'il pense quand il reste silencieux et les yeux dans le vague. « Je sais, elle m'en parlé parfois. C'est drôle parce que j'étais pareille, sauf qu'elle arrivait à lire en moi comme dans un livre. C'était dur de garder quelque chose secret avec elle. » La seule chose qu'elle n'a jamais découvert, c'est mon attirance pour son mari et heureusement ! Je m'en serais voulu toute ma vie si notre relation en avait pâti.

Je suis curieuse de voir le fonctionnement de ces groupes de parole, je ne vais pas le cacher. Je ne pense pas pour autant que c'est une bonne idée que j'accompagne Suile. Pas maintenant. Je pense qu'il doit d'abord progresser seul avant de me greffer à sa thérapie. Il ne semble pas du même avis et insiste pour que je vienne. Il m'assure que l'épisode de la dernière fois ne se reproduira pas parce qu'il sera préparé cette fois. J'ai envie de le croire mais j'ai bien trop peur du contraire pour être aussi enthousiaste que lui. Il s'est rapproché de moi en parlant et mon coeur l'a senti. Il s'est mis à battre plus fort. Mes mains sont à nouveau moites autour de mon verre que je décide de poser dans l'évier une fois vide, pour ne pas le laisser tomber. Sauf que pour ça, je me rapproche moi aussi, puisque l'évier se trouve juste à côté de Suile. Mon bras frôle le sien et je fais mine que tout va bien alors que ce simple contact m'électrise. C'est moi qui vais finir par aller voir une psy à ce rythme. « Je.. j'ai envie de voir ce que c'est, si. » Je tousse pour retrouver ma voix normale. J'ai l'impression d'avoir avalé un cactus. Je devrais m'éloigner de nouveau mais mes pieds refusent de bouger. Mon bassin se pose contre le plan de travail pour être confortable. Je regarde tantôt le sol, tantôt la pièce en général. Ça n'empêche pas mon corps entier d'être tendu en sachant qu'il se trouve à quelques centimètres seulement de moi. « Si jviens, je veux que tu me promettes une chose. » Je prends mon courage à deux mains et lève les yeux vers lui. « Tu n'abandonneras pas si jamais je provoque encore une crise. » Je sais qu'il va m'interrompre en disant que ce n'est pas ma faute, que je ne suis pas responsable, alors que si. Qu'il le veuille ou non, ce sont mes paroles, ma façon de parler, qui lui ont fait ça la dernière fois. Rien ne dit que ça se reproduira mais je veux être certaine qu'il n'abandonnera pas pour autant à cause de ça. Je lève donc la main pour l'empêcher de parler et poursuis « C'est une possibilité. Je veux être sûr que tu ne laisseras pas tomber à cause de ça. S'il te plaît. »

Pando

L'esprit vif et malin de Lily vient sans aucun doute de Jenny. Depuis toute petite elle cherchait constamment la solution à tous les problèmes. Elle n'acceptait pas la défaite ni quand quelque chose n'était pas sous son contrôle. Donc forcément, quand on gardait des chose pour soi, elle faisait tout pour trouver de quoi il s'agissait. Autant dire que les surprises étaient compliquées à organiser. Que ce soit pour son anniversaire ou son enterrement de vie de jeune fille. Une vraie catastrophe. Elle fouinait partout pour trouver des indices, quitte à menacer ses proches pour avoir le code des téléphones et jeter un oeil aux conversations. Une vraie folle ma soeur. Cette folie me manque aujourd'hui. Ce n'est pas Suile qui va creuser si je me montre secrète. Et tant mieux dans un sens, parce que je ne me vois pas lui dire la vérité de toute manière. Ça avait déjà été suffisamment dur de cacher ça à Jenny à l'époque. Je me mettais en couple à chaque fois qu'elle me posait trop de question sur mon célibat. Juste pour qu'elle me fiche la paix et qu'elle ne découvre rien.

J'ai vraiment envie de me rendre à ces réunions de personnes endeuillées. Juste pour voir ce que c'est et si ça peut me faire du bien, à moi aussi. L'ambiance doit être chargée en émotion à chaque séance mais à force, ça doit être libérateur effectivement. De partager son ressenti, ses souvenirs et ses doutes quant à l'avenir sans la personne aimée. Mais avant d'accepter d'accompagner Suile à un de ces rendez-vous, je tiens à lui faire promettre une chose. Maintenant qu'il a trouvé quelque chose qui le motive, qui lui fait du bien et qui le fait doucement redevenir lui-même, je refuse de tout gâcher. Je ne veux pas qu'il abandonne si quelque chose devait mal se passer. Par peur du jugement, par honte ou mal-être. C'est important pour moi qu'il me promette ça. Pour que je l'accompagne en étant sereine au moins sur ce point. Je soupire de soulagement quand il me le promet. « Merci. » J'ajoute rien, tout me semble dit en fait. Je me gratte le crâne d'un doigt, fuyant à nouveau son regard.

« J'imagine que t'es fatigué.. » par la réunion, la journée en général. Moi aussi je suis crevée mais plus émotionnellement que physiquement cette fois. Je me souviens d'avoir emmené quelque chose pour lui, je me rends donc à mon sac et prends l'enveloppe kraft que j'avais plié à l'intérieur. Je le rejoins et la lui tends. « C'est.. hm.. tu sais, le tatouage que Jenny voulait faire. » Ce fameux dessin qui avait provoqué la crise de panique de Suile au parc. Ce secret que je partageais avec ma soeur avant de vouloir lui en faire part de façon innocente. Avant qu'il ne se mette à l'ouvrir, je l'arrête « L'ouvre pas maintenant. » J'ai un peu peur de sa réaction quand il le verra. Je préfère donc qu'il le fasse quand je serais partie. A savoir dans quelques minutes. Je tousse une nouvelle fois, gênée de lui donner la véritable raison. « Je suis fière du résultat mais jpense que tu devrais être seul pour le découvrir. Tu sais.. au cas où.. » Au cas ma présence réveille encore des trucs en lui et le mette mal à l'aise. Au cas où il ait envie de pleurer en voyant le rendu qui le bouleversera. Ou juste parce qu'il veut faire ça en communion avec sa femme, tout simplement. Je n'ai pas non plus envie de lui expliquer que la forme du tatouage, cet objet qu'on distingue facilement sur le dessin, vient de moi. Que lorsque Jenny m'a demandé un tatouage pour ses enfants, je ne me voyais pas faire un truc sans inclure l'homme qui a contribué à tout ça. Cette guitare représente sa passion pour la musique, c'est beaucoup plus subtile que si elle s'était tatouée son prénom ou son nom de famille. Un sorte d'hommage que je voulais lui rendre sans qu'il ne le sache. Et que Jenny a tout de suite adoré. « Du coup, jvais y aller, ok ? » Je bouge dans tous les sens, un peu perturbée par tout ça. Je veux mettre mon verre dans l'évier jusqu'à ce que je me rende compte qu'il y ait déjà. Je me recoiffe vite fait avec mes doigts, signe de nervosité, et retourne dans le salon pour récupérer mes affaires.

Pando

Je n'ai pas envie de partir. J'apprécie sa présence. Un peu trop. Malgré mon comportement qu'il doit trouver étrange, c'est toujours ce que je ressens. Et ça ne changera pas. Jamais. Mais je ne sais pas trop quoi dire ou faire de plus ce soir. Je lui ai donné l'enveloppe contenant le projet de tatouage de Jenny. Je pars du principe que la curiosité va prendre le dessus sur le reste et qu'il voudra voir le dessin rapidement. C'est pour ça aussi que je décide de partir. Pour lui permettre de rester seul avec ses pensées et ses souvenirs. Je me rends au salon pour récupérer mon sac et il me suit une nouvelle fois. Je m'attends à ce qu'il me raccompagne à la porte et qu'il me souhaite une bonne soirée. Mais à la place, il me prend dans ses bras. Je suis tellement surprise que je ne bouge pas. Puis mes mains se posent sur ses flans, sans pour autant le toucher totalement. En fait, mes doigts effleurent à peine son t-shirt mais c'est déjà plus que ce que je n'ai obtenu jusque là. Mes narines respirent son parfum masculin et je ferme les yeux quand il dépose un baiser sur le haut de mon crâne.

Je ne sais pas d'où ça sort, ce moment de tendresse surprenant, mais ça me laisse sans voix. Un peu sonnée même. J'aimerais rester dans cette position plus longtemps. Pouvoir profiter de sa chaleur pour apaiser mes craintes. De ses bras pour me réchauffer quand j'ai froid. Mais tout ça est impossible. Il se détache déjà, après m'avoir remercié pour ce que je fais pour lui. Ça me touche énormément bien sûr. J'ai les émotions qui font des tourbillons dans mon corps et c'est dur de résister à la tentation. Il est si proche et pourtant si loin. Que suis-je sensée faire au juste ? « C'est normal. » Ma main s'enroule autour de la hanse de mon sac à main, que je viens de mettre sur mon épaule. C'est plus un cabas qu'un sac en réalité. Il contient toute ma vie. Des choses essentielles comme le porte monnaie, le téléphone portable ou les clés de voiture. Mais aussi mon matériel de travail, des dessins, des crayons et des photos. Il n'est pas léger et ce qu'il y a dedans est en désordre mais c'est ce qui me plaît. Il reflète parfaitement mon état d'esprit actuel.

« Je sais Suile. » que je dis en soupirant. Inutile de mentir plus longtemps, il a bien compris que je cherche à prendre mes distances. Il doit sans doute se poser tout un tas de questions. Je m'en veux de lui rajouter des soucis supplémentaires, surtout qu'il n'y est pour rien. Je ne veux pas qu'il croit que c'est sa faute ou celle des enfants. Je ne peux pas pour autant lui dire la vérité. « Mais crois moi, il vaut mieux que je parte. » Je ne veux pas être de mauvaise compagnie. Je ne veux pas non plus faire une bêtise. Sa présence si proche de moi ne m'aide pas à penser clairement et s'il recommence à me prendre dans ses bras, je doute de pouvoir me détacher aussi facilement de son étreinte cette fois. Je baisse une nouvelle fois les yeux en soupirant, tentant d'atténuer le bruit en me mordant la lèvre. Je déglutis pour essayer d'éloigner la boule que j'ai dans la gorge. En vain, bien entendu. « Je m'occupe des enfants quand tu veux. Il te suffit d'appeler. Puis tu me dis quand tu veux que je vienne. Aux réunions, jveux dire. »

Pando