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 (iskandar&sybil) champ de carnage.

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Message Sujet: (iskandar&sybil) champ de carnage.   (iskandar&sybil) champ de carnage. Empty Jeu 25 Juil - 9:01

champ de carnage
iskandar & sybil

« Son œuvre de ruine et de mort était faite, la mouche envolée de l’ordure des faubourgs, apportant le ferment des pourritures sociales, avait empoisonné ces hommes, rien qu’à se poser sur eux. C’était bien, c’était juste, elle avait vengé son monde, les gueux et les abandonnés. Et tandis que, dans une gloire, son sexe montait et rayonnait sur ses victimes étendues, pareil à un soleil levant qui éclaire un champ de carnage, elle gardait son inconscience de bête superbe, ignorante de sa besogne, bonne fille toujours. » Nana, Emile Zola.

Lames d’acier plongées au fond du cœur.
Tu es parti à l’aube des temps, sans même te retourner.
Lames glacées piégées à l’intérieur.
Tu as rejoint l’abîme dans lequel tu es le seul à pouvoir errer.

Les couloirs se resserrent sur les émanations de sa silhouette. Ils l’écrasent, la rendent à la solitude du gouffre qui s’ouvre sous ses pieds. Impression indocile, tatouée sur son sein, sur le cœur qui bat une mesure trop lente. Un balbutiement, pour une étreinte avortée. Un soupire, pour tout ce qui fut condamné. Il n’y a plus personne pour la protéger. Ni parure, ni arme. Juste des lignes continues, invisibles, tracées avec les ongles sur le crépit blanchâtre. Personne, non, personne. Ni lui, qui croit pouvoir prétendre être là. Ni elle, qui ne sait plus faire autrement que se condamner à l’inatteignable posture. Ni eux, qui geignent, qui murmurent. Des non-dits que l’on susurre aux oreilles de la curiosité malsaine des autres pour la nourrir, pour l’écœurer. Les émotions rentrées, pétrifiées dans le ventre. Magma ignoble, dont l’imaginaire invente ce que cela coûte. Mais qui ignore, oui, qui ignore. Illusion vaincue. Illusion déçue. Les doigts qui tremblent, plongés au fond du cuir. La terreur silencieuse qui s’infiltre dans les veines et croit pouvoir prétendre elle aussi. La pulpe gratte, la pulpe rêve de saigner. Se rappeler encore, ce que cela fait. Pour oublier les bureaux vides, désertés, et l’impression qui grimpe en mélopée.
Soyez à l’heure demain.
C’est ce qu’il a dit. Par principe, par habitude, elle ne l’a pas écouté. Elle n’est jamais à l’heure Sybil. Elle ne sait qu’être en avance, ou bien en retard. Ponctualité arrachée au besoin inconscient d’imprévisibilité. Elle ne veut pas qu’on sache par où elle arrivera. Il faut ménager l’effet de surprise, partout, à chaque instant. C’est ce qu’elle se dit. C’est ce que font les fauves, prêts à dépecer. Ça n’est qu’un mensonge de plus, pour enterrer les nuits ponctuées de troubles. Cris vaincus. Larmes déchues. Douleurs fantômes que l’écrin onirique façonne pour lui rappeler le prix que cette vie qu’elle trimballe a coûté. Ça n’est pas grand-chose. C’est tout en réalité. Son pas est moins martial que d’habitude sur le lino noirâtre des bureaux. Elle se souvient des mots nus, des maux crus. De l’étreinte qu’elle rêva de vomir dans la nuit, de celle qui ne fut jamais. Espoirs éventrés sur le mur qui suinte, évanouis en volutes blanchâtres, finalement écrasés sur le macadam en souffrance. Un poison s’est infiltré dans son cœur. Humeurs gangrénées. Vile charogne que la nuit a recrachée, amère, désincarnée.
Soyez à l’heure demain.
C’est ce qu’elle fait. A quelque chose près. La veille elle s’est perdue dans le dédale des rues. Elle a poursuivi sans but des fils tentaculaires invisibles, tracés dans le noir. Spectre solitaire, que la nuit a regardé se taire. Des mots étreints, des mots éteints. Etouffés par l’impression naissante d’un éveil. Une aliénation ironique de toutes les paroles prophétiques prononcées. La punition des menaces proférées. Seule sur le sable recouvert d’écume, elle a senti un instinct endormi caresser ses bras, enlacer son corps. Une sueur glacée l’a traversée de part en part. Lorsqu’elle s’est retournée, il n’y avait que la nuit pour recueillir le témoignage de sa présence. Personne d’autre … Non personne. Tandis qu’elle arpente les couloirs connus par cœur, la même impression l’étreint. C’est l’instinct que la survie a façonné, qui brusquement, à la vue des bureaux de l’équipe inoccupés, vient lui confier à l’oreille ce qu’au plus profond d’elle elle anticipait sans doute déjà. La ruche se meurt, la ruche est morte. Machinalement elle pose son sac à main sur le piètre bureau qu’on lui a attribué. Adjacent à celui de Cohle.
« Bonjour Sybil, vous allez bien aujourd’hui ? »
Elle tique, presque immédiatement. La gamine ne lui adresse jamais la parole d’habitude. Elle a essayé une fois, le premier jour. Sybil l’a ignorée. Un accord tacite est né entre elle et tous les membres de l’équipe ce jour-là. Ils pouvaient s’épargner des civilités inutiles en ce qui la concerne. Alors elle la dévisage, au point de la gêner. Elle se nourrit de l’empathie malsaine qu’elle dégage, jusqu’à la regarder se décomposer. L’impériosité de sa nature s’’éveille dans un soubresaut, et elle s’avance, fond sur la stagiaire sans aucun scrupule.
« Qu’est-ce qui se passe ? Où sont-ils, tous les autres ?
- Dans … Dans la salle de visionnage … On … On a reçu quelque chose … Ce matin …Très tôt. »
Le plat de sa main frappe inconsciemment la table alors qu’elle se redresse. Elle lui coupe la parole, sans préambules. Elle sait déjà ce vers quoi elle se dirige. Ou tout du moins, ses instincts en ont l’idée. Maligne, incongrue. Cruelle aussi, si cruelle. Ils sont tous là, derrière la porte. Elle sent leur présence. Ils ne parlent pas. Ils se taisent pour une fois, eux qui ont toujours tant de choses à dire. Il n’y a que des bruits en fond sonore. Et une voix … Une voix. Un timbre qu’elle sait, mais qu’elle ne reconnaît pas. Un timbre qui murmure des bribes de phrases que la folie inspire. Des mots insensés, des mots sans but. Des mots qui tremblent, au fond de la gorge. Sybil ouvre la porte à la volée. Elle sent leurs regards qui se pose sur sa silhouette, les prunelles qui se statufient sur l’image qu’elle renvoie. Elle ne les voit pas. Elle les distingue à peine. Son attention se porte directement sur l’écran et les images qui défilent. Silhouette recroquevillée dans le noir pourrissant, les jambes nues, sales, repliées sur le ventre. La tunique blanchâtre qui colle sur les plaies mal cicatrisées des omoplates, transpire de tout ce mal être qu’elle éprouve. Et la faim … La faim dévorante. La faim dont elle se souvient, comme si elle datait d’hier. La faim que l’on apprivoise pour la première fois, parce qu’on a toujours eu la chance de ne pas en avoir l’habitude. La faim qui rend faible. La faim qui rend fou. Ils ont mis sur pause, comme pour la préserver. Mais elle y était … Elle y était. Il n’y a plus rien à préserver.
« Remettez en marche. »
Il s’exécute, face à la vindicte de la phrase. Il ne sait pas comment faire autrement. Elle sait ce qui arrive ensuite. Comme le mauvais scénario d’un film d’épouvante, on se doute toujours des mécaniques mises en place, des souffrances infligées. Dans son horreur, l’homme n’est pas si créatif, quand on y pense. Il n’y a que des copies de ce qui fut déjà inventé. Le grésillement s’installe alors. La copie est assez mauvaise. Elle le soupçonne de l’avoir faite ainsi à escient. Une trappe s’ouvre sur le bas de la porte close. Des restes sont balancés, comme l’on jette les ordures aux cochons pour qu’ils les fassent disparaître. Elle sent encore dans chaque fibre de son corps l’élan de ses membres qui tendent vers cette piètre nourriture. La difficulté de se mouvoir quand les jambes sont trop faibles pour vous soutenir, qu’il faut ramper. Se tirer d’une seule main sur le sol puisque l’autre, maintenue contre le ventre, est déjà brisée. Se précipiter par crainte qu’elle ne disparaisse. Ramper et sentir la terre sous les ongles. La terre partout, jusque dans les restes pourrissants que l’on avale avec l’avidité du désespoir, comme une bête. Une bête décharnée et avide, qui ne prend pas le temps de savoir ce qu’elle dévore, qui mâche en ignorant la texture, l’odeur, le goût du sang et de la terre, partout, en chaque chose. Elle se souvient encore. Elle se souvient de tout. C’est sur sa langue, coincé au fond de sa gorge. C’est dans son ventre que l’effroi du souvenir retombe, jusqu’à lui vriller les tripes. Et la honte l’enveloppe, l’étreint, la cajole. Immuable, intacte. La même que ces jours où il l’affama pour lui prouver qu’elle serait prête à tout pour être épargnée de la faim. Qu’elle mangerait n’importe quoi, même un charnier. Humanité pourrissante, étalée devant les yeux étrangers. Chaque bouchée est une torture. Chaque gémissement qu’elle pousse, en déchirant les ordures avec ses dents, est une blessure qui se rouvre à l’orée de son corps. Un frémissement la traverse. Elle se souvient encore … Toujours. Ça n’est pas terminé. Ça n’est pas le pire. La scène est longue, la scène est lente. Le malaise est partout, tout autour. Il est à l’intérieur, lorsque la silhouette assise au milieu de sa geôle termine son repas. Qu’elle réalise à rebours, ce à quoi elle vient de s’abaisser. Et qu’elle pleure, secouée par des spasmes d’effroi, face à cette humanité enfuie, enfouie. La honte de n’être plus qu’une bête que l’on affame. La honte de n’être plus qu’un monstre que l’on nourrit avec les déchets des hommes. Et qui s’en contente … Qui ne peut faire autrement.
Lames empoisonnées pour nourrir toutes les aigreurs
Tu es resté à la marge, sans savoir effleurer le doute
Lames émoussées venues estropier la délicate candeur
Tu as tout abandonné, sans deviner ce que cela coûte.

Et elle reste là, Sybil. A la frontière mutique des mondes. Là où le temps, les images et les souvenirs se distillent. Elle demeure dans cet entre deux qui ne l’épargne pas, qui la détient, qui les rend invisibles, tout autour d’elle. Debout et droite, la honte en étendard, sur sa peau albâtre. Le monstre qui rit à l’intérieur, qui se frotte les mains et se repaît des sensations troubles éprouvées par ces autres. Ils n’ont plus grand-chose à dire tout à coup, ces connards. Ils se taisent, ils se taisent. Ils ne disent plus rien pendant qu’elle crie à l’intérieur et qu’en fond sonore, une comptine s’élève. C’est l’animal qui chante, c’est la bête qui fredonne. Un air venu d’un autre temps, d’un autre âge. Les airs désincarnés d’une enfance de passage.
Dh'fhàg mi 'n so 'na shìneadh e,
'Na shìneadh e, 'na shìneadh e
Gu'n d'fhàg mi 'n so 'na shìneadh e
'Nuair dh'fhalbh mi 'bhuain nam braoilegan
*.
Et la bête se tait. La bête s’éteint. Nourrie, repue, sur l’écran devenu noir.

*:




@Iskandar Cohle   (iskandar&sybil) champ de carnage. 3476085353    
(c) DΛNDELION
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