Wake me up. (Peyton)

Un appartement. C’est le cadeau de Noël que lui a fait sa sœur. Elle ne fait pas les choses à moitié, Isabella. Et Peyton a toujours du mal à réaliser que cet appartement, il est à elle. En réalité, elle n’a jamais imaginé avoir un appartement, un endroit dont elle serait propriétaire. Du moins, pas de sitôt. Et ce pour la simple et bonne raison qu’elle n’est pas du genre à s’établir quelque part, Peyton. Elle voyage depuis ses dix-neuf ans. Elle a fait le tour du monde, et par conséquent, elle a vécu dans un tas d’endroits, tous plus différents les uns des autres. Mais jamais dans son appartement. C’est une première, et peut-être qu’Isabella lui a fait ce cadeau simplement parce qu’elle sait que cette fois, Peyton compte bien rester. Parce que c’est le cas, elle est revenue vivre à New-York. Elle compte rester ici avec sa famille pour de bon. Et pourtant, ce n’est pas tous les jours facile de l’accepter, mais elle fait de son mieux pour y parvenir. Surtout parce qu’elle a sa sœur. Sa relation avec Isabella est primordiale dans sa vie, et elle est tellement heureuse de l’avoir retrouvé. Elles vivent même ensemble, et uniquement toutes les deux, désormais. Et puis les jours précédents ont été horribles pour elles, avec Isabella à l’hôpital. Peyton s’est tellement inquiétée pour elle, elle a eu tellement peur de la perdre. Elle ne le supporterait pas. Et c’est pour cette raison qu’elle n’est pas prête à parler de sa maladie à Peyton. Parce qu’elle sait à quel point Isa aurait peur, elle aussi, en l’apprenant. Elle aurait peur de la perdre comme ils ont déjà perdu tant de membres de leur famille. Ils ne sont pas prêts à affronter cela, elle, Isabella, Miles. Pourtant elle sait qu’elle devra lui dire, un jour. Elle devra lui dire la vérité. Mais pas maintenant. L’heure est aux décorations pour l’appartement. Elle a donné rendez-vous à Isabella dans une boutique qu’elle a découvert il y a quelques semaines, en se promenant dans le Queens. Une boutique qui, elle le sait d’avance, ne plaira pas à Isabella. Mais à vrai dire, rien qu’en pensant à la tête de sa sœur, Peyton rit d’avance. Ce qu’elle veut, c’est apporter un bout de son tour du monde dans son appartement. Mais elle n’est pas folle, elle sait bien qu’elle ne pourra pas faire vivre sa sœur dans un endroit si… Particulier. Las Vegas, Berlin, Londres, Barcelone, Bombay… Sacré mélange. Arrivant devant la boutique, elle esquisse un magnifique sourire en voyant le visage de sa sœur. Elle est tellement rassurée de voir qu’elle va mieux. Coucou grande sœur ! S’exclame-t-elle, déposant un bisou sur la joue de la latina. Elle regarde ensuite l’intérieur de la boutique avant de lâcher un léger rire. Oui, c’est ici ! Est-ce que ça te plait ? Demande-t-elle en entrant à l’intérieur avec sa sœur. Elle sait très bien que non, à part peut-être un ou deux objet, Isabella n’y trouvera pas son compte, elle aussi. Et puis, Peyton ne compte pas vivre dans un souk, elle non plus. Elle laissera sa sœur et son bon goût naturel mettre un peu d’ordre dans tout cela. Tant qu’il y a un peu de couleurs, Peyton sera aux anges.

Est-ce qu’elle va rester ici ? Est-ce qu’elle va rester ici indéfiniment, Peyton ? C’est une question qu’elle ne s’est jamais réellement posée encore. Par crainte, sans doute. Par crainte de devoir admettre qu’elle doit renoncer à la vie qu’elle a toujours mené. Par crainte de devoir choisir entre ce qu’elle la jeune femme qu’elle est devenue et ce qui a toujours été son chez elle. Pourtant, elle réalise qu’elle est réellement bien, ici. Réellement. Qu’elle a retrouvé sa famille et que cela compte bien plus que tout pour elle. Elle réalise aussi que sa sœur et son frère ont besoin d’elle, plus qu’elle ne l’avait imaginé. Mais ce qui lui fait le plus peur, au fond, c’est l’idée même de penser qu’il y a des choses qu’elle n’est plus autorisée à faire, aujourd’hui. Des choses comme voyager, comme faire un saut en parachute, comme courir un marathon. Ce qui lui fait peur, en réalité, ce n’est pas de choisir cette vie à New-York, mais de renoncer à tout ce qu’elle a toujours aimé faire. Alors elle ne se pose pas la question, elle se contente d’apprécier sincèrement le cadeau que lui a fait sa sœur. Un cadeau qui implique qu’elle va pouvoir passer encore plus de temps avec elle, surtout. Mais aujourd’hui, elle se doute bien que la journée ne sera pas idéale pour Isabella. Ce lieu qui ne lui ressemble pas du tout, un lieu que sa petite sœur veut absolument lui faire découvrir. Mais lorsqu’elle entendre à l’intérieur avec elle, elle ne peut qu’éclater de rire en voyant les réactions de sa sœur. Elle ne se formalise pas, Peyton, et elle n’est pas du genre susceptible. Elle a totalement conscience qu’elles sont bien différentes toutes les deux. Elle la laisse pourtant découvrir, mais après ce rire qu’elle n’a pu contenir, elle doit bien s’exprimer à son tour. Bon, tu peux te détendre, je savais que tu détesterais ! Elle la connait, sa sœur. Elle sait qu’elle est maniaque, mais aussi très conventionnelle. Elle sait qu’elle aime lorsque tout est bien rangée. Elle sait aussi qu’elle a des goûts raffinés. Alors ici, dans ce lieu aux milles destinations, elle n’est pas à sa place. Je suis juste venue prendre deux trois objets qui pourront me rappeler mes voyages, mais après c’est promis, tu pourras décorer ! Un sourire aux lèvres, elle n’a pas d’inquiétudes quant à la décoration de sa sœur. Elle sait que l’appartement sera propre et épuré. Et puis au fond, pour Peyton, cela n’a pas vraiment d’importance. Le principal est qu’elle s’y sente chez elle, à sa place. Elle a vécu dans tellement d’endroits différents qu’elle n’est pas réellement regardante.

Peut-être qu’aujourd’hui, c’est Isabella qui a le plus besoin d’elle. Mais au fond, c’est aussi grâce à elle que ce n’est pas le contraire. C’est grâce à elle que Peyton est une jeune femme si épanouie, aujourd’hui. Parce qu’avec tout ce qu’elle a vécu, tout ce que sa famille a vécu, c’était bien loin d’être gagné. Mais Isa, elle a toujours été là. Elle n’a jamais abandonné, elle ne l’a jamais abandonné. Elle lui a toujours tout offert. Elle a toujours tout fait pour qu’elle soit heureuse. Tout fait pour lui apprendre la vie. Et évidemment, c’est aussi lorsqu’elle est partie voyager qu’elle est devenue celle qu’elle est aujourd’hui, mais sans Isabella, cela n’aurait jamais été possible. Elle a su maintenant un équilibre dans la vie de Peyton. Elle a su maintenant un équilibre lorsque tout s’effondrait. Presque comme dans une bulle, une bulle protégée du reste du monde. Isabella l’a tellement couvé, tellement protégé, que peut-être qu’elle a oublié de le faire pour elle-même. Alors aujourd’hui, Peyton veut être là pour d’elle. Elle veut prendre soin de sa sœur comme la latina l’a fait par le passé. Les rôles s’inversent un peu, dans un sens, bien qu’Isabella sera toujours sa grande sœur. C’est aussi pour cette raison qu’elle ne parvient pas à lui parler de sa maladie. Qu’elle ne parvient pas à lui parler de son insuffisance cardiaque. Pour la simple et bonne raison qu’elle ne peut pas se résoudre à voir sa sœur souffrir à cause d’elle. Esquissant un sourire amusé à ses paroles, elle écoute le reste avec attention. Elle connait par cœur cette nostalgie, celle qu’elle voit dans les yeux de se sœur chaque fois qu’elle parle de leur mère. Et Peyton ne peut que sourire à nouveau en l’entendant. Elle attrape sa main dans la sienne avant de lui répondre. Je crois que je m’en souviens. C'était toujours la fête à la maison. Elle contemple ce tapis, et quelques souvenirs remontent. Quelques souvenirs de son enfance, de leur enfance. Elle sait qu’elle ressemble à sa mère, Peyton. Isabella le lui a dit bien souvent. Le côté excentrique, paraît-il. Pourtant, c’est Isabella qui l’a entièrement élevé. Ça doit être dans les gênes. Elle est contente de ressembler à sa mère, même si elle ne l’a que très peu connue. Elle est également contente de pouvoir rappeler à sa sœur la femme qui les a mises au monde. Toutes les images qu’elle a de sa mère sont identiques. Chaque fois, c’est une femme souriante, heureuse, qu’elle voit. Une femme qui s’amusait toujours d’un rien. Et c’est vrai qu’elle lui ressemble, elle a certainement hérité de son insouciance. Soudainement, Peyton reprend alors la parole. C’est ce tapis que je veux ! Affirme-t-elle, comme une petite fille. Et ce cadeau, il sera autant pour elle que pur sa sœur. Est-ce que ça te conviens ? Au fond, elle connait déjà la réponse. Elles se sont retrouvées toutes les deux, elles vont vivre ensemble, comme avant, alors recréer un bout du petit cocon qu’elles avaient avant sera peut-être encore mieux pour elles.

C’est peut-être un tort, mais elle n’a jamais vraiment cherché à se rappeler de son enfance, Peyton. A vrai dire, si elle est partie il y a quatre ans de cela, c’était pour oublier. Oublier tous les mauvais souvenirs, tout ce qui a pu être brisé. Elle est partie pour s’émanciper de cette souffrance. Alors oui, elle a préféré garder les meilleurs moments uniquement. Les beaux moments. Et peut-être que c’est erroné, peut-être qu’elle n’aurait pas dû réagir de la sorte. Mais au fond, c’est le seul moyen qu’elle a trouvé pour s’en sortir. Pour se construire. Seulement, elle a réalisé un peu trop tard qu’elle avait été égoïste, Peyton. Egoïste, parce qu’Isabella n’a pas eu la chance d’en faire de même. Elle n’a pas eu l’occasion de pouvoir oublier. Non, elle, elle s’est retrouvée confrontée à la réalité dès son plus jeune âge, et c’est une réalité qui ne l’a jamais quitté. Une réalité dure, une réalité difficile, qui a certainement fait d’elle la femme qu’elle est aujourd’hui. La femme forte et assurée. Peyton, elle l’est aussi. Mais d’une toute autre manière. Elle a été préservée, en quelque sorte. Alors qu’Isabella a toujours dû tout assumer seule. Et elle le réalise, Peyton. Peut-être trop tard, mais elle le réalise. Et c’est pour cette raison qu’aujourd’hui, maintenant qu’elle est revenue, elle tient à être là pour elle. A être présente pour elle. Parce qu’au fond, peut-être que sa maladie aura apporté quelque chose de bon. Retrouver sa famille. Les seules personnes qu’elle a toujours aimées. Les seules qui ont toujours compté. En entendant les paroles de la latina, Peyton se serre un instant contre elle, un doux sourire sur les lèvres. Elle parvient à lire l’émotion dans la voix d’Isabella et cela la touche énormément. C’est grâce à toi. Se contente-t-elle de dire. Elle en est persuadée. Elle ne serait pas la même aujourd’hui sans sa grande sœur. Et c’est pour ne pas l’oublier qu’elle décide de choisir ce tapis, symbole de tout ce qu’elles ont vécu ensemble. Tout ce qu’elles ont partagé. Et puis, cela fait plaisir à Isa et c’est tout ce qui compte pour Peyton. Elle n’a pas envie qu’elle soit la seule à porter le poids de leur histoire, même si au fond, elle n’est certainement pas prête à le faire, elle non plus. Attrapant à son tour le tapis, elle échappe un rire avant de dire. Viens, on y va ! Apportant le tapis jusqu’à la caisse, elles payent pour finalement s’en aller. Elle ne veut pas infliger à sa grande sœur quelques minutes de plus dans ce magasin qui ne lui ressemble tellement pas. Au fond, elle se fiche de la décoration de leur appartement. Tout ce que veut Peyton, c’est qu’elles soient bien ensemble. Une fois dehors, elle reprend la parole. Maintenant je te suis. Commençant à marcher à ses côtés, il y a bien autre chose qu’elle souhaite aborder. Son travail. Elle ne veut plus continuer à travailler dans l’entreprise de Luke, pas après ce qu’il s’est passé. Mais elle ne veut pas non plus vivre aux crochets de sa sœur, qui, elle non plus n’a plus de travail. Isa, par rapport à mon boulot… Je pense que ce n’est pas une bonne idée que je continue à travailler là-bas. Le travail lui plait, c’est certain. Mais elle ne peut pas être sous les ordres de l’homme qui a fait tant de mal à sa sœur. La famille, c’est sacré.

Elles ne se ressemblent pas, c’est indéniable, mais c’est peut-être justement parce qu’elles ne se ressemblent pas qu’elles sont finalement si complémentaires, toutes les deux. Entre elles, cela n’a toujours été qu’amour et complicité. Elles n’ont jamais connu les rivalités entre sœurs, les disputes incessantes ou bien les jalousies malsaines. Peut-être parce qu’elles ont un si grand écart d’âge, et que, de ce fait et de par leur passé, Isabella s’est toujours sentie obligée de veiller sur la petite Peyton. Après tout, il est certain que sans elle, elle ne serait pas devenue la jeune femme si légère qu’elle est aujourd’hui. Son caractère est ce qu’il est, mais sans le cadre familial que lui a offert sa grande sœur, elle aurait vraiment pu mal tourner. Elle a été protégée, elle n’a manqué de rien alors qu’elle aurait pu finir en foyer, en famille d’accueil. Elle a parfaitement conscience de tout ce qu’elle a eu, de tout ce qu’elle doit à Isabella, et c’est pour cela qu’aujourd’hui elle profite de la vie à cent pour cent. Et elle est tellement heureuse de pouvoir vivre de nouveau avec la belle latina, comme avant, comme lorsqu’elle était adolescente. C’est quelque chose qui lui a toujours un peu manqué, car malgré son indépendance, elle a toujours besoin d’Isabella et Miles dans sa vie. C’est quelque chose qui est ancré en elle. Il n’y a rien qui compte plus que sa famille. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle ne se voit pas continuer à travailler avec Luke, ou du moins, dans son entreprise. Ce n’est pas sa place, et un jour ou l’autre il reviendra. C’est ce qu’elle explique à sa sœur, qui, comme à son habitude se fait du souci pour elle. Un doux sourire apparaît alors sur le visage de Peyton. - Alors d’une part, tu n’as pas à être désolée Isa. C’est grâce à toi si j’ai trouvé ce travail à l’origine. Parce qu’encore une fois, elle a fait tout ce qu’elle a pu pour elle, pour l’aider, pour son bien-être. Et c’est nécessaire de le lui rappeler, parce qu’Isabella a toujours tendance à douter, surtout en ce qui concerne ses frères et sœurs. - Et puis tu sais que je vais rebondir. Tu n’imagines même pas le nombre de boulots que j’ai fait ces dernières années ! Affirme-t-elle en riant. Elle n’a jamais eu de réelle vocation Peyton, si ce n’est vivre. Et puis maintenant, elle sait ce qu’elle est capable de faire, elle sait dans quoi elle pourrait s’orienter si elle veut retrouver un travail qui ressemble à celui qu’elle a actuellement. - Et toi ? Tu sais ce que tu veux faire ? Parce qu’elle aussi, elle a perdu son travail à cause de toute cette situation.