yeah, your mother was cheaper (caesar)

Un rôle. Un rôle pas mal dans un truc. Avec la disney channel, mais whatever. T'es toute content, tu jubiles au téléphone avec ton agente, surtout avec ce qu'elle ne te dit pas, pour être certaine que tu vas accepter. Rien à faire de disney ou quoi. Tu veux jouer, toi, tu ne craches sur rien. Pas désespérée, c'est juste que t'as confiance, que tu peux tout faire, tout jouer, rendre n'importe quel truc médiocre, bien mieux. Donner de la gueule à ce qui n'en a pas. Pas pédante, juste assez confiante. Cette confiance qui s'effrite alors que tu vois les heures de la veille s'achever, qu'il faudrait aller dormir, pour être en forme, demain. Pour être au top, pour rencontre l'équipe, les collègues, retrouver le réalisateur et bien s'amuser, parce que merde, t'adore ça, jouer. Tu révises ton texte, couchée sur le ventre dans ton lit, les pieds battants joyeusement au fil des répliques. Tu sais pas avec qui tu vas jouer, ça te stress un peu, tu cherches sur internet, y'a rien d'annoncer, nul part sur qui seront tes collègues. Des gens connus ou pas. Ça te stress et t'arrives pas à dormir. T'écris toutes tes inquiétudes sur ton portable, à Nash, avant de tomber de fatigue, il est peut-être trois heures.

Pas assez dormis, tu te réveilles quand même avec un sourire, avec l'excitation avant de te préparer. Méditation, étirements, réchauffement de la voix, petit déjeuner léger, de bonne humeur, tu dansouilles en donnant des croquettes à tes chats, en enfilant n'importe quoi, parce qu'on va te changer, te coiffer, te maquiller. Tu files dans le taxi, celui qui t'emmène au studio, celui où on te reçois, t'emmène à ta loge, celle que tu ne partages même pas, mais enfin, y'a un espace commun de l'autre côté, entre les différentes loges, des différents acteurs. On ne tarde pas à venir te chouchouter, t'habiller, te refaire une jolie gueule, te donner tes airs de filles alors qu'on boucle ta crinière blonde. Y'a du bruit, des voix derrière, lorsqu'on cogne et que tu dis oui, que y'a un assistant qui entre, un autre acteur qui pénètre dans ta loge et tu ne vois que son reflet dans le miroir. Ton coeur s'arrête un peu quand ton regard croise celui du beau connard.

« Donc voici Sasha Frances, qui jouera Kimmy, et qui sera donc ta partenaire pour les scènes d'aujourd'hui. Sasha, Caesar Shapiro, qui interprétera Adam.» Oui, non, ouais, tu le connais déjà. Les lèvres entre-ouvertes, tu te retournes doucement quand le coiffeuse relâche tes mèches. Lui, il se souvient de toi ? C'est ça qu'elle a oublié de te dire, ton agent, que tu serais avec lui, huh ? Ton petit coeur se débat, tu vas peut-être t'évanouir sous la panique et ça fera encore plus gonfler son égo surdimensionné. Cette fois, les contrats sont déjà signés, vous êtes là, il ne peut pas faire sa drama queen et refuser de jouer avec toi, parce que ta gueule ne lui reviens pas, ou tu sais pas trop quoi. Tu l'as encore de travers dans la gorge. Pauvre gars. Il a pas l'air réel, quand tu clignes de yeux. Juste un cauchemar, juste un mauvais souvenir. « Um... Salut.» Que tu articules finalement, sans tendre la main, sans rien, sur tes gardes, face aux insultes imminentes. Tu sais pas comment les gens font pour l'apprécier. Pour aimer bosser avec lui. Pauvre gamines qui sont probablement amoureuses de lui, qui n'ont aucune idée à quel point il leur fait une mauvaise entrée en matière de la masculinité. Finalement, c'est une journée plus compliquée que ce que t'avais en tête.

C'était pas le rôle de ta vie, c'était certain. Pas avec un disney que t'allais remporté l'orscar pour lequel t'avais déjà préparé ton discours en remerciant tout les connards qui t'on mis des bâtons dans les roues. Tu n'avais pourtant aucune idée que y'aurais l'un de ses connards, de ses heureux élus qui serait là, aujourd'hui. T'aurais dû y penser pourtant, Disney niquait la carrière de la starlette depuis des années. Seulement, disons que très peu de tes pensées allaient vers celui qui t'avais brutalement rejetée sur un film indie auto-produit où ils étaient si excités d'avoir Shapiro que le choix n'avait pas été difficile. Bye bye Sasha. Pour ça que ton coeur s'arrête un peu quand tu le vois débarquer, espère qu'il t'a oubliée. T'étais pas si importante dans sa vie, oui ? Pas comme si t'étais encore connue, pas comme si tu lui avais jamais fait quoi que ce soit.

Il ricane, le beau con, file son portable à un porteur de café qui l'entoure avant de faire sa petite crise. Il aime sûrement ça. Ça doit le griser de voir tout le monde se plier, obéir, se pencher pour attacher ses lacets comme s'il ne pouvait pas le faire lui-même. Ça monte à la tête, hein ? Toi, t'es différente. T'es ce genre d'actrice qu'on veut ravoir sur les plateaux, qui rigolent avec les éclairagistes, qui fait qu'on passe une bonne journée, professionnelle, passionnée, même pour un Disney ou une pub de shampooing. Tu t'en veux, tu veux jouer, même avec un petit con comme lui. Lui, n'est pas d'accord, le vocifère alors que tu clignes des yeux, fixe la maquilleuse qui roule des yeux alors que tu reposes ton regard sur lui, cherche ce que t'as pu lui faire pour qu'il te déteste autant. Caitlin reviens, lui fait fermer la gueule et t'as un sourire en coin. Il a pas le choix, cette fois, hein ?

Non, vous n'avez pas le choix. Surtout qu'on vous entraine sur le plateau avant qu'il ne soit trop tard, que l'ambiance soit pire et/ou que l'un de vous deux se soient barrés. Tu te refais un sourire pour rencontrer l'équipe, un peu surprise lorsqu'il t'adresses la parole. Pourquoi il te parle, hein ? Tu fronces un sourcil, mais tu rigoles doucement, le rejet presque oublié.

« Oh comme ça, on improvise ?» Que tu demandes avec ce petit air naïf que tu feins, parce que tu ne sais pas pour quelle genre de petite conne il te prend, si c'est le travail du CCM qui fait que t'as l'air idiote ou quoi. Tu te retrouves à sa hauteur, ton tour de l'ignorer, de fixer devant. « Très professionnel, Shapiro.» Que tu le nargue en lui adressant une brève œillade. « T'inquiètes, je connais le mien et le tien aussi, je te le soufflerai. » On vous arrête, vous met l'un devant l'autre, vous passant des fils sous les vêtements, des moniteurs cachés à l'intérieur des jeans lorsqu'on s'acharne à cacher vos micros. Vous avez presque l'air de bien vous entendre, avec vos sourires. « Tu vois, t'aurais dû accepter de bosser avec moi avant, j'aurais pu te sauver de quelques catastrophes filmographiques.» Que tu le taquines, fait peut-être un peu mal à son égo. Sûrement pas plus qu'au tien, deux fois de suite, sans aucune raison valable.