somnium. (viktor)

brûlure dans le creux de ton dos, poupée automate qui marche dans l’immense salle de réception, poussée par son bourreau dissimulé. elle est là, bien présente, la main autoritaire, couveuse, te transperçant de toute part. sa chaleur se diffuse, traverse le tissu, brûle tes organes, convulse tes veines, pour ressortir sur le plat de ton ventre. l’épiderme tremblante, bonne, mauvaise. euphorique et peureuse. elle paraît tendre, protectrice et possessive dans l’amour alors qu’elle n’est qu’un rappel d’une réalité dévastatrice cachée. aglaé, maudite des enfers du dessous. mane, promesse d’un enfer terrestre.
corps toujours malmené dans une robe sang, couleur attribuée, sans un pas de travers d'une marche en talons que tu as appris dans l’après-midi, la tête pourtant haute. la lueur brillante de l’affront dans le fond d’un regard, tu accueilles d’une main sûre la coupe qu’il te tend. juste une. l’ordre orageux provoquant qu’un haussement de tes épaules avant que la marche reprenne. les yeux curieux d’un monde qu’elle ne connaît pas ou peu, t’explores afin d’imprimer le plus d’informations. rêve éveillé, la découverte plus belle que l’imagination, tu profites des instants rares,
comme une condamnée à mort vivant ses derniers instants, son dernier repas arrivant sous ses yeux,
comme si la vie pouvait s’arrêter à tout moment. chose précieuse et interdite, tu n’es pourtant pas indispensable, peut-être que demain tu ne seras plus là. l’erreur de trop. un coup de trop que le docteur des douze lunes ne pourra rattraper. cruelle tentatrice, dangereuse sorcière éveillée par le roi de l’enfer de retour six pieds sous terre. nymphe lécheuse des flammes, brûlante de sa langue enflammée les fidèles inoffensifs.
pauvre pécheurs, sauvés, si le malheur ne s’abat pas sur eux pour la mort donnée à une maudite.
tu restes là, compris ? voix de l’entre deux qui te sort de la contemplation et des pensées. mi-ange, mi-démon, mane, archange de satan mythifié dans la secte comme l’élu, fait passer pour l’ange, juda. tu vas où ?
poupée que l’on range sur l’armoire, plante verte d’un décor trop riche d’or et de soie, aucune réponse de ta part. aucun oui, un non qui rêve de passer la barrière de tes lèvres pourtant, un non dans le regard provocateur mais aucun mouvement, seulement les pas qui terminent leur marche sur un côté de la salle.
jveux t’avoir dans mon champ de vision ok ? ça hurle dans son regard, l’avertissement qu’il te lance. la gentillesse de ses mots soufflés contre la dureté de ses doigts sur toi. ça serre plus fort ton bras comme pour une dernière pression pour que tu te souviennes encore de lui dans les minutes et heures suivantes, comme pour une dernière marque pour que l'empreinte demeure à jamais. invisible sur ta peau d’ivoire cachée sous la manche de ta robe, comme de nombreuses autres. sienne pour des jours, des mois et des années à venir. fardeaux pour des secondes, des minutes et des heures éternelles encore à tenir.
les doigts finissent pas glisser dans une caresse, terreur d’un bourreau instable entre violence et tendresse. le regard indéchiffrable plongé dans le tien quelques secondes puis il se retourne, te rend une liberté qui n’existe en réalité pas. vision d’un dos que tu suis jusqu’à le perdre. oisillon tombé du nid dans le désert des vautours, tu t’es claquée au sol pour te retrouver seule. poussée du confort d’un lieu unique où tu n’as connu que lui, ton regard erre sur les visages. l’étrangeté s’étire dans tes membres, tout comme le doute. tu ne sais si c’est une nouvelle manière de te tourmenter. un test où on te laisserait au milieu d’inconnus, libres, capables de te détourner du chemin. un test où ton amour de liberté prendrait le pas sur la raison. celle qui te protège, te force à cacher tes armes et désirs. louve tapie dans sa tanière, les crocs muselés, un pelage marqué par les irrégularités qu’elle lèche en attente de la guérison, en attente de l’occasion en or.
pas ce soir, répété à un coeur battant.
pas cette nuit, répété aux membres tremblants d’envie.
pour les souffrances endurées lors de la tentative, tu n’es pas prête. pas encore.
un soupir pendant que tes yeux croisent et décroisent ceux des autres. ils pourraient l’être, espions bien habillés et mata hari sous les cils recourbés pour le compte de la secte, tu te détournes. pas ce soir aglaé.
à ta coupe, t’y portes tes charnues hésitantes. sur l’épiderme rapeuse de ta langue s’y glisse le nectar à bulles que tu goûtes pour la première fois de ton existence. grimace à la charnière des pulpeuses, ton regard se perd finalement sur l’orchestre jouant leur plus belle sérénade de la soirée. dans une douce tentation, t’entends ce que tu souhaites. tu t’imagines ce que tu rêves, une maudite fuyant la réception, une jeune fille échappant à son bourreau, à ses bourreaux, au son d'un violoncelle. les cheveux couleur blé s’envolant au gré de ses mouvements et de sa course folle, le cœur palpitant et le corps libre déboulant dans les rues de new-york city pour disparaître dans la nature,
salomé où es-tu ?

@viktor hoenikker