bitch we're poetic.
eden & juliette
Affreuse litanie abreuvant la destruction interne. La maladie ronge, grouille, dévore de ses vers la moindre source de lumières prête à éclore. Au bout des lèvres, au fond des yeux, rien ne persiste bien longtemps, vite piétiné par l'affreux désespoir qui, comme un cancer, détériore les organes, les os, les muscles. Elle tient debout grâce à une divine puissance qu'elle a mit des années à forger, là, tenu au bras d'un fiancé peu avare de paroles ce soir, elle sirote un vin sans goût, sans saveur. Pourtant, Juliette s'est parée du meilleure des créateurs, la pâleur de la peau où se distingue la soie bleue nuit d'une robe aux étoiles mordorées, une vraie couche céleste rappelant qu'elle seule règne sur les ténèbres. La reine a poussé le vice jusqu'à coincée une tiare d'or au creux de ses mèches couleur charbon, sondant la pièce d'un regard obscurci par une colère invisible aux yeux des simples mortels. Et ses yeux qui se posent toujours sur ce même visage, traits dessiné à la mèche d'un pinceau béni par la déesse Aphrodite, sculpté dans la plus belle pierre. Juliette méprise la beauté de cette muse inspirant les plus horribles bêtises à son frère. Frère absent. Frère radié du paysage. Frère qu'elle cherche mais qui ne comble plus le vide. C'est sa faute, à elle. Laideur falsifier des plus beaux sourires, des éclats de rires clairs comme un cristal qu'on fait chanter d'un coup de cuillère, opales rieuses sous des paroles qu'elle doit pourtant mépriser.
Eden, belle Eden, toi et moi seules savons à quel point tu es loin de l'angélisme qui charme les plus pieux. Les doigts se resserrent au creux du coude, brève pression qui ne suffit qu'à attirer l'attention d'un Valentin interrompant sa conversation, œillade curieuse que Juliette ignore. Il n'est rien. À peine une ombre à laquelle elle s'accroche pour ne pas sombrer. Solitude ravalée, ignorée, déni flagrant d'un désastre qu'elle a elle-même orchestrée. Sans savoir, elle a déjà un pied dans le tombeau. Constance suinte d'une extase sans pareil, slalomant entre les convives, pressant des mains, caressant des joues, en embrassant d'autres dans une hypocrisie parfaite trompant tout le beau monde, sauf elles. Emile qu'elle aperçoit parmi les visages sans détails, des seconds rôles dans une énorme mascarade où le rideau n'est pas prêt de tomber. Valentin murmure des mots au creux de l'oreille, lèvres déposées contre sa tempe dans un geste d'une tendresse falsifiant bien toute l'indifférence malsaine qui les relie. Rien d'autre qu'un contrat, un lien signé par le papier. Du vide. Il s'éloigne et ses doigts se trouvent refroidis d'une présence envolée. Les coupables remontent contre les ondulations obscures qui entourent son visage au masque indestructible. Une seule fissure, rien qu'une et on verrait enfin qu'elle est au bord d'un précipice.
juliette. L'appel est quasi lointain, pénétrant le brouillard de ses pensées enivrées au manque jamais comblé. Incomplète la Sartier. Malgré elle, elle pose ses yeux sur l'intruse, l'éternelle indésirable à qui elle a pourtant partagée de vraies conversations il lui semble, brefs souvenirs d'une connivence fragile mais belle et bien présente. Autrefois, elles étaient tolérables l'une à l'autre. Aujourd'hui, j'aspire à t'émietter peu à peu, à t'évincer du trône qui ne te revient pas.
Eden. Joli soupçon d'une douceur graveleuse, flagrance d'un sourire absent, méprise des apparences et des regards qui doivent lorgner leur duo. Elle observe les manies, le jeu d'actrice pleine de clichés, partant du bout de ce doigt où s'enroule une mèche d'or
(qu'est-ce qui t'angoisse Eden ?) à ce sourire cadenassé adressé pour tromper le monde
(tu sens, comme la sécurité de ta place t'échappe ?). Léger signe de tête désignant un recoin éloigné des curieux, quelques pas échangés pour une distance rapidement prise. Toujours pleine de sagesse.
j'ai eu écho de tes fourberies. Simple haussement d'un sourcil, modeste mimique remplie à elle seule de toute l'arrogance que contient le corps. C'est là qu'elle décide de sourire, d'esquisser le plus doux et mielleux qu'elle puisse lui offrir. Souffre donc, le sang commence à peine à couler.
Mes fourberies ? L'innocence au bout des lèvres, la douceur d'une langue bien limée pour unique offrande à l'attaque.
Tu n'as encore rien vu et tu lèves toujours un peu trop les yeux à mon goût. Désapprobation évidente dans cette dénégation de la tête, mouvement crachant son dédain qu'elle laisse glisser sans atteindre le cœur en constant arrêt, suppliant, sanglotant, gémissant mais toujours en silence, bien caché des immondices aux regards bleus clairs.
qu'est-ce-qu'il se passe little miss sunshine, je te fais de l'ombre ? Le rire qui achève la mystification de leur grande pièce de théâtre, son propre rire rejoignant le sien dans un écho de poignards qu'elles rêvent de planter en plein cœur.
Tu crois exceller en acting quand tu n'es pas mieux qu'une pauvre figurante au sein de ta propre existence. Pauvre, pauvre petite Eden perdue dans son trop grand jardin. Apaisée du simulacre d'un badinage doucereux, elle ne cesse pourtant pas de sourire.
Je crains que non. Comme tu le vois, je suis plus chatoyante que jamais malgré ta présence. Elles jettent le mirage, à travers leurs sourires et leurs postures, d'une discussion banale entre belles-sœurs heureuses de se découvrir à nouveau. Des mensonges aux cœurs battants. Ses yeux la détaillent, l'écorchent du bout de ses chaussures aux pointes bien limées de ses ongles.
On dirait que l'enfant est boudeuse. Qu'est-ce qui te contrarie à ce point ? L'air faussement inquiet, creusant les iris comme on tente de crever un œil.
Un jour, c'est une promesse, je t'arracherais le cœur à mots nus de tout mensonge. Tu n'es prête à rien Eden, ce n'est que le début de ta fin.@eden aleïev