there's you in everything i do (finose)

ouais, normal, qu’elle dit. normal. ça résonne dans ma tête parce que pour une fois, elle ne contredit pas tout ce que je dis, et j’avoue que je trouve ça plutôt surprenant. au fond de moi j’aurais peut-être voulu qu’elle me contredise en fait. qu’elle me dise que j’en ai une de famille, de fortune, une petite famille recomposée, mais j’en ai une quand même. qu’elle me dise que notre bande d’amis c’est ça ma famille, qu’ils me laisseraient pas partir. surtout pas elle.
mais j’me fais des illusions, et surtout, je l’enfouis bien au fond de moi, cette pensée d’un bref instant.
elle regarde vite l’adresse suivante, se dégage vite de mon bras et en fait, tout passe trop vite pour que j’ai le temps de réagir en quoi que ce soit. elle parle d’y aller à pieds, elle parle de bouffer, elle se remet à sourire et ça, ça a bien le don d’illuminer mon visage comme jamais.
un sourire de rose et tout est oublié.
alors je la suis sagement, moi aussi un sourire aux lèvres.
- oublie pas que tu m’dois un café!
je me remets à ses côtés, enjoué à l’idée d’aller manger un bout ensemble, mon bras retourne instinctivement autour de ses épaules pour continuer le trajet, comme une habitude. comme si, au passage, mon bras n’avait pas accepté de se faire rejeter un peu plus tôt. ou peut-être que c’est moi qui n’ait pas accepté ça. non. c’est sûrement mon bras tout seul. ça ne peut pas être moi, impossible.
- on mange quoi? puis, on va pas manger pendant deux heures.. on fait quoi après? on va faire un laser game? ou un paint ball. t’en dis quoi d’un paint ball?
d’accord, on n’aura peut-être pas le temps, je l’admets. mais moi, je trouve que c’est quand même une plutôt bonne idée, un paint ball. ça nous défoulerait un peu. enfin, surtout elle, tendue comme elle a l’air, et nerveuse comme elle est à l’idée de me trouver la parfaite colocation.
- hé au fait, puisque c’est si proche du trou à rats dont on vient de sortir.. pitié dis-moi que c’est moins cher au moins.
et un peu moins trou à rats éventuellement. quitte à devoir me loger, j’aimerais mieux ne pas avoir à sortir mon salaire entier juste pour avoir un toit sur ma tête. parce que si c’est ça, j’peux aussi avoir le toit de ma voiture en alternance avec celui de rose. même celui de mylan, s’il m’emmerde pas trop.

il la rattrape en deux trois pas, lui rappelant qu'elle est chargée de leur prendre les cafés, des fois qu'elle aurait oublié - alors qu'il ne lui laisse jamais oublier les paris perdus, jamais. une fois, sûre de son coup, elle avait eu le malheur de parier qu'elle se pointerait au lycée avec des vêtements de fin choisis par ses soins. l'un des pires jours de sa vie. seule la promesse qu'il devrait porter les siens si elle venait à gagner l'avait poussée à accepter.
il cale son bras autour d'elle, et elle le maintient là où il est en posant sa main dessus. il lui pose un tas de questions, il les enchaîne, tel un gosse qui a bouffé trop de sucre. un petit rire échappe ses lèvres en l'écoutant lister les propositions avec incrédulité. comment il est passé du menu du jour à un paint ball?
- un paint ball, pourquoi pas un bowling aussi? on aura pas le temps, la dernière visite et à genre trente minutes en voiture. on visite, on mange, on revisite, et après je t'embête plus.
pour aujourd'hui, ajoute-t-elle dans sa tête.
- j'ai envie de pizza... dit la blonde d'un air songeur, en train de faire une liste de ses pizzerias préférées pour savoir laquelle se trouve dans le même quartier.
il la sort de ses pensées en lui posant des questions sur la prochaine visite, et même si ça sonne encore un peu comme une plainte, ça n'en reste pas moins une marque d'intérêt. finley hossman porte de l'intérêt à la prochaine visite. amen.
- beaucoup moins cher, lui assure-t-elle. entre 300 et 400 je crois. j'espérais que l'autre était un peu plus cher pour une bonne raison, parce qu'il avait pas l'air dégueu sur les photos, mais bon on nous a clairement menti.
le type avait sûrement du utiliser les photos qui avaient été prises de base, quand l'appart ressemblait encore à un logement décent. malin.
ils marchent pendant quelques minutes, pendant lesquelles rose extirpe son portable de sa poche pour jeter un coup d’œil aux notes qu'elle a prises.
- celui là aussi il est bien placé! y avait pas mal d'infos sur l'annonce. ils sont que deux colocs je crois, ils en cherchent un troisième. et c'est pas très loin... ah ben, c'est là, dit-elle en s'arrêtant abruptement.
elle cherche le bon nom sur l'interphone et y sonne, jetant un petit coup d’œil par dessus son épaule.
la porte s'ouvre en quelques secondes et laisse apparaître une jolie brune, qui leur fait un grand sourire. surprise par la vitesse avec laquelle ils sont reçus, rose fait un petit pas en arrière.
- bonjour! leur dit la jeune femme d'une voix claire. c'est pour la visite?
- bonjour, oui, enfin c'est pour lui, fait savoir la blonde en faisant un petit signe pour désigner fin.
elle force un sourire poli pendant que la jeune femme se présente au brun. peut-être pas selena gomez, mais on en est pas loin, se dit la blonde.

quand on vit comme ça, simplement, souriants, collés, mon bras autour de ses épaules, j'me dis que je vis ma meilleure vie, que je n'échangerais tout ça pour rien au monde, que jamais je ne troquerais rose contre qui que ce soit, que j'ai avec moi tout ce dont j'ai besoin. et ces moments-là effacent toutes mes envies d'ailleurs, tout ce qui pourrait me pousser à quitter la ville, à faire ma vie ailleurs, à tout abandonner. tout est effacé et seul le présent reste, seul lui pour nous laisser entrevoir des espoirs d'avenir, pour nous donner du bonheur à la pelle et faire battre nos coeurs.
mais ne nous emballons pas, tout est purement amical, évidemment.
- un bowling, ça, c'est une excellente idée! tu vois que t'as des bonnes idées, quand tu veux.
mais non, évidemment, on n'a pas le temps. évidemment, ça serait trop beau, sinon.
par contre, rose qui cesse de m'embêter, ce mensonge beaucoup plus gros qu'elle, moi, j'y crois pas une seule seconde. impossible. elle serait complètement incapable d'arrêter de m'embêter, c'est pas dans sa nature, c'est pas dans ses habitudes, et j'suis persuadé que c'est pas dans ses envies non plus.
alors on continue d'avancer comme ça durant plusieurs mètres, mon bras autour de ses épaules, sa main qui me tient presque fermement contre elle, les sourires encore et toujours présents.
je l'écoute sagement, le prix du loyer me semble beaucoup mieux et clairement plus abordable que le précédent. reste à voir maintenant s'il est aussi miteux que celui dont on sort, auquel cas autant rentrer directement chez rose et abandonner ici. mais la suite des informations me donne quand même envie de le voir, cet appartement, étrangement. elle a au moins pu avoir des informations, et c'est déjà ça.
elle s'arrête, subitement, sonne, et moi je reste collé à elle. non, j'ai aucune envie de la lâcher maintenant que j'ai réussi à l'attraper sans qu'elle me repousse ou qu'elle glisse d'entre mes bras. la porte s'ouvre bien rapidement, et je reste assez surpris de la personne qui se tient juste devant nous. je reste tétanisé, en fait, un léger sourire au coin des lèvres, un peu moins léger quand elle parle et que mon cerveau me sonne l'alerte d'une douce voix mélodieuse.
je laisse rose s'occuper de tout, à peine capable de hocher la tête pour confirmer ce qu'elle dit. puis elle rentre, nous fait signe de la suivre, et j'attends rose pour la suivre, quelques secondes après m'être penché discrètement à son oreille pour chuchoter, enjoué comme un gosse.
- j'croyais que selena gomez c'était pour la quatrième visite?
oui, j'suis heureux, plus qu'heureux, même. ça dépasse mes attentes. c'est encore plus satisfaisant que l'autre qui fumait librement ses joints.
le problème, c'est que je sais pertinemment qu'en sortant d'ici, je serais pas aussi doué pour décrire l'intérieur du logement, la disposition des meubles et la décoration, que pour décrire la tenue de la charmante petite brune, la façon dont elle dévoile ses courbes, ses cheveux soyeux et son sourire à damner.
j'y suis pour rien. fallait juste pas m'emmener ici.

encore une fois c'est à elle de prendre les choses en main, parce que fin semble tout bonnement incapable d'aligner trois mots devant leur interlocutrice. elle le regarde se présenter et après un court silence -marquant sûrement le moment où la lumière s'est éteinte dans son cerveau- décide de prendre les devants.
- moi c'est rose, ajoute-t-elle.
- enchantée, suivez moi je vous en prie.
visiblement fin et elles ont pensé à la même chose, si on en croit la petite remarque qu'il glisse à l'oreille de la blonde alors qu'ils s'apprêtent à marcher derrière la demoiselle. elle se retient de lever les yeux au ciel pour ce qui doit être la cinquième fois de la journée et pose un doigt sur ses lèvres, lui indiquant silencieusement qu'il ferait mieux de se taire. il ne manquerait plus qu'elle les entende et pense qu'il ne soit pas capable de réfléchir avec autre chose que ses parties génitales.
elle aurait pas entièrement tort.
ils prennent un petit ascenseur sur quelques étages avant d'arriver devant la porte, que la belle brune ouvre avant de se décaler pour les inviter à entrer. ils entrent dans un grand salon éclairé, qui laisse rose un peu bouche bée.
- l'appartement a été rénové il y a trois ans, les informe la jeune femme.
effectivement, ça se voit, se dit-elle en jetant un œil autour d'elle. ça contraste tellement avec le trou à rats qu'ils viennent de visiter que ça en est presque risible.
- y a deux autres personnes qui vivent ici, c'est ça? s'enquit rose en s'avançant vers une autre pièce. elle entend la brune lui confirmer et se tourne vers elle, apercevant du coin de l’œil que fin est toujours planté là comment un con. il la regarde avec des étoiles dans les yeux.
ça lui arrache une petite moue, à peine visible. elle continue de poser des questions à la jeune femme, espérant la distraire à la fois. celle-ci les invite à faire le tour des lieux, confirmant la première impression de la blonde: il est pas mal du tout, cet appart.
- et voilà la chambre, dit-elle en les guidant vers la dernière pièce.
on a fait plus grand comme chambre, mais elle est pas trop mal.
- t'en penses quoi? demande rose en se tournant vers le brun.
dans sa tête, elle évalue le pourcentage de risques que leur accompagnatrice ne la prenne pour une folle si elle se met à frapper fin devant lui. parce que si elle le voit encore en train de la mater, elle va pas se gêner. déjà parce que ça se fait pas, les meufs se sentent jamais à l'aise quand elles sentent des yeux posés sur elles, et il est loin d'être discret. mais surtout parce qu'il est en train de faire ça devant elle alors que ça fait cinq jours qu'elle se casse la tête pour lui trouver un toit. s'il
y a quelqu'un qu'il devrait regarder avec des yeux de biche, c'est rose, un point c'est tout, se dit-elle en fronçant les sourcils. un peu de gratitude merde.

je suis.. carrément ébloui. pas moins. elle est magnifique, et en plus on a le droit de la suivre jusqu’à son appartement? c’est beau. ou c’est plutôt juste normal, étant donné la raison pour laquelle on est là.
putain, les visites. il faut que je me ressaisisse, là, que je me concentre. au moins un minimum. juste histoire que je ne passe pas pour un muet ou un débile complet.
mais j’peux quand même pas m’empêcher de faire remarquer la légère ressemblance avec selena gomez, à rose. c’est pas de ma faute, c’est elle qui m’avait parlé de la chanteuse avant même qu’on soit arrivés ici, alors forcément, ça m’est revenu. et quand rose pose son doigt sur ma bouche, j’ai un frisson qui me traverse toute la colonne vertébrale. impossible de savoir si c’est juste le geste de rose, si c’est elle qui induit ça par son simple contact, ou si c’est plutôt la vue de la potentielle future colocataire ajouté au contact. impossible.
arrivés à l’intérieur, je reste autant bouche bée que rose. wow. c’est presque aussi beau que chez elle. presque. et le canapé à l’air quasiment aussi confortable que le sien. quasiment, parce que j’y ai juste pas encore fait ma place, c’est tout.
mon regard se redirige rapidement vers la fille après avoir balayé le salon des yeux rapidement. je sens le regard de rose sur moi, et je choisis délibérément de l’ignorer. je le fais exprès, parce que je sens son jugement, j’entends presque ses pensées, qui doivent dire un truc comme, fin, t’abuses, arrête de baver comme ça. un truc du genre.
alors j’dois bien reconnaître que j’ai pas tant écouté la conversation, j’ai pas écouté ce que rose a demandé, si ce que la fille a répondu. j’ai à peine suivi le mouvement et regardé ce qu’il se passait autour de nous.
la chambre est pas immense, mais.. on s’en fiche, non? c’est juste pour dormir, de toute façon. et du moment qu’il y a un lit, c’est tout ce qui compte. au pire, y aurait éventuellement son lit à elle.
ce que j’en pense? j’en pense que si t’avais pas été là, j’aurais probablement sauté sur l’occasion pour user de mes charmes, la faire craquer et qu’elle finisse dans mes bras, voilà ce que j’en pense.
- c’est pas mal, vraiment pas mal. j’hoche la tête pour appuyer mes mots. je m’y verrais bien, pour être honnête.
ouais, ça c’est le moins qu’on puisse dire, que je m’y verrais bien.
je regarde rose et lui fais un sourire satisfait, un peu heureux, et surtout à la recherche d’approbation. parce que son avis compte quand même, même si parfois j’ai beau dire le contraire, et que si elle est catégoriquement contre, j’le prendrais pas, cet appartement.
je redirige rapidement mon attention vers la fille, lui souris et sors mon téléphone.
- j’vais quand même y réfléchir, on a d’autres endroits à visiter, mais je te tiens rapidement au courant. tu.. pourrais me laisser ton numéro, pour que je te recontacte?
et je lui tends le dit téléphone pour qu’elle s’ajoute dans mes contacts, si ça lui convient.
je la recontacterais, c’est certain. peut-être pas pour l’appartement dans un premier temps, mais c’est sûr que je la recontacterais. sûr et certain.

l'appart est top, elle peut pas le nier. c'était déjà prometteur sur les quelques photos qu'elle avait vu en ligne, mais pour quelque chose dans leur budget -enfin, le budget de fin- ils ont clairement dépassé leurs espérances. c'est neuf, lumineux, bien placé, et à quelques minutes en voiture de chez rose, tout y est. alors pourquoi est ce qu'elle se sent si réticente à l'idée qu'il emménage ici?
fin sort son téléphone, son plus beau sourire et surtout sa voix de charmeur, celle qu'il utilise toujours quand il veut obtenir quelque chose. cette voix elle la connaît par coeur, c'est la sonnette d'alarme qui lui fait savoir quand il a une nouvelle idée débile avec laquelle il veut tenter de la convaincre. mais c'est aussi celle qu'elle l'entend utiliser quand elle le voit flirter avec une femme. parfois, elle s'amuse à l'imiter avec nika, quand il a le dos tourné et son attention sur une demoiselle en soirée. elle le regarde demander le numéro de la jeune femme, et sa moue s'accentue, sans qu'elle n'en soit consciente.
le visage de la belle s'illumine d'un sourire et elle acquiesce, prenant le téléphone qu'il lui tend. elle semble y entrer un numéro et le lui rend.
- voilà. je vous ai laissé le numéro de mon père, c'est le propriétaire de l'appartement. il n'y aura qu'à lui passer un coup de fil si vous avez d'autres questions.
la blonde le regarde reprendre le téléphone tristement, réprimant un petit sourire.
- ah, du coup vous louez une des chambres? demande rose, légèrement curieuse.
- oh non, non, je l'aide simplement à arranger les visites car il est en voyage cette semaine. attendez, je file vous chercher un formulaire.
la jeune femme quitte la pièce, les laissant tous les deux. la main de rose vient taper le haut de la tête de fin, légèrement, par réflexe.
- oohhhh tu me laisses ton numéro pour que je te recontacte? marmonne-t-elle dans une parfaite imitation de son numéro de charme. est ce que t'es capable de te concentrer plus de deux secondes hossman, ou c'est vraiment trop de demander? tu me saoules.
il est chiant, franchement il est chiant. elle est obligée de le traîner à travers la ville pour qu'il se décide à trouver un toit, et plutôt que de faire la visite proprement il essaye de pécho.
- tu crois que je suis venue avec toi pour te voir gratter des numéros? tu peux pas garder tes conneries pour les soirées? lui dit-elle avec colère.
déjà qu'en soirée ça l'amuse moyen, mais alors là, sous son nez? elle sent la moutarde lui monter au nez. elle se retient pour ne pas continuer, consciente de la présence de leur hôte, qui revient dans la chambre quelques secondes plus tard.
- et voici, dit elle en leur remettant un exemplaire, ignorant apparemment les voix qu'elle a pu entendre depuis la pièce voisine.
la blonde sourit et regarde le formulaire qu'elle a sous les yeux pendant que la jeune femme se lance dans quelques explications. loyer, caution, carte d'identité, rib... trois dernières fiches de salaires.
ah.
depuis combien de temps il bosse chez costco déjà?

confiant et plein d’espoir, subjugué par sa beauté envahissante, je sors mon grand jeu de charmeur, le joli sourire, la voix douce, la promesse d’un appel dans un futur proche, pour décrocher son numéro de téléphone. et je crie silencieusement victoire dans ma tête quand elle attrape mon téléphone avec un sourire pour lequel je me mettrais à genoux. je reste humble en surface, mais j’ai déjà envie de parader comme un paon, plein de fierté d’avoir réussi mon coup.
jusqu’à ce qu’elle parle. ascenseur émotionnel, je tombe de dix étages d’un coup, sans corde de sécurité. je me retrouve au trente-sixième dessous, déçu, beaucoup trop déçu de sa réponse. le numéro de son père? qu’est-ce que j’suis censé en foutre, de ça, moi? je lui rends un sourire poli et range mon téléphone dans ma poche aussi vite que je l’en ai sorti.
j’suis déçu. beaucoup trop déçu pour que rose ne le remarque pas. elle vit même pas ici, rien.
et aussitôt qu’elle sort de la pièce, qu’elle me laisse avec cette sorcière qui me sert d’amie, rose ne peut pas s’empêcher de se foutre de ma gueule, évidemment. et ça passe de travers, ça reste coincé dans ma gorge, désagréable. mais comme si c’était pas déjà suffisant, elle en rajoute une couche, elle m’engueule, me fait la morale.
je tourne ma tête vers elle, regard légèrement noir. plutôt gris, gris foncé en fait.
- c’est bon, t’as fini? fous-moi la paix, laisse-moi vivre! qu’est-ce que ça peut bien te foutre que je lui ai demandé son numéro? t’es jalouse?
t’es jalouse, rose? non, parce que si t’es jalouse, tu peux le dire, et c’est à toi que je sortirais toutes mes pick-up lines un peu pourries, un peu niaises, même juste pour te faire rire. il te suffit de le demander et je m’exécuterais.
quoi que. peut-être pas là, tout de suite. parce que maintenant, tu m’as mis en colère, alors il faudra attendre que ça retombe au moins un peu.
elle revient, le canon de beauté, tend le formulaire à rose, et se lance dans des explications. et alors là, c’est la déception la plus complète. parce que la vérité, c’est qu’au final, il m’intéressait moi, cet appartement. il m’intéressait vraiment. pas si mal placé, joli, pas cher. il était cool. mais non. évidemment, il lui faut les trois dernières fiches de paie. et moi, j’ai pas ça.
- super, merci, et bonne journée.
je tourne les talons, mains dans les poches, laisse rose derrière moi sans vérifier si elle me suit ou pas, et m’en vais. je me montre tout seul la sortie jusque devant le bâtiment.
j’suis saoulé, j’en ai marre, et si j’me barre pas tout de suite, c’est juste parce qu’on a pris la même voiture, avec rose, et que je tiens d’abord à la ramener chez elle avant de me barrer de mon côté.

le retour de flamme ne se fait par attendre, ou plutôt la réaction de fin, qui a pas l'air ravi du savon qu'elle est en train de lui passer. ça se passe en quelques secondes, c'est le peu de temps qu'il lui faut pour se braquer. des fois elle oublie à quel point il est sanguin, mais elle peut difficilement parler. ils avaient du mal à les gérer, au foyer. ils passaient les 3/4 de leur temps ensemble, quand tout à coup, sorti de nulle part, l'un se mettait à crier, l'autre à jeter des trucs. une fois, l'une des surveillantes qui bossait là bas en a eu marre de leurs crises. elle leur a interdit de se tenir à moins de cinq mètres de distance, pendant deux semaines. étrangement, ça les a calmé. étrangement aussi, ils n'ont pas vraiment respecté les règles imposées. non pas que rose avouerait avoir arpenté quelques couloirs dans l'espoir de lui tomber dessus.
du coup, une fois encore, elle a réussi à l'énerver. mais qu'il s'énerve n'a rien d'étonnant à la limite, ça arrive bien trois fois par semaine. ce qui attire davantage l'attention de la blonde, c'est surtout ce qu'il lui balance avant de quitter la pièce.
- jalouse?! répète la blonde d'une voix perçante. jalouse de quoi, qu'il flirte avec plus de gens qu'elle? ça c'est pas difficile, rose est déjà pas du genre à aller vers des inconnus, alors aller les draguer, en plus de ça? elle est bien trop timide pour ça. ça fait trois ans que marla essaye de la pousser à rencontrer du monde, et elle n'a eu que quelques maigres victoires. ou alors, jalouse qu'il drague quelqu'un?
ça lui fait l'effet d'une petite claque. elle y a absolument pas pensé, mais maintenant que c'est le cas elle meurt soudainement d'envie de savoir si c'est ce qu'il sous entendait. parce que si c'est le cas, faut qu'elle lui réponde, qu'elle lui dise qu'il s'est sûrement pris la porte en rentrant et que c'est pas le cas. parce que c'est quand même pas le cas, si?
mais trop tard, il est déjà parti, la laissant avec la brune. il a l'air tellement tendu qu'elle est un peu étonnée de ne pas l'entendre taper des pieds jusqu'en bas.
- jalouse... répète-t-elle à voix basse avant de pousser un petit rire incrédule.
- pardon?
- quoi? non, rien! dit-elle en reportant son attention sur la jeune femme. dîtes, j'ai quelques questions encore...
[...]
elle quitte le building une dizaine de minutes plus tard et met un temps avant de se souvenir qu'ils sont venus ici en marchant, et qu'elle ne risque donc pas d'apercevoir la voiture de fin garée quelque part. fin est toujours là cependant, posé juste un peu plus loin. elle le rejoint en quelques enjambées et lui plaque le formulaire qu'elle a reçu là haut contre la poitrine, un peu plus fort qu'elle ne l'aurait souhaité.
- ça, tu le gardes, dit-elle sèchement. elle se met machinalement à marcher vers là où ils ont laissé la voiture. au cas où ça t'intéresse, je suis restée là haut pour poser un peu plus de questions, tu sais, des fois que, je sais pas, l'un de nous serait à la recherche d'un appart de toute urgence dit-elle d'un ton sarcastique. non pas que t'en ai quelque chose à foutre apparemment, mais moi si, c'est bien pour ça que je voulais qu'on fasse des visites aujourd'hui.
elle sait franchement pas ce qui la retient de lui dire de se démerder tout seul. ou plutôt si, elle le sait, et ça l'énerve encore plus.
- ça te stresse pas, de te dire que tu vas encore retrouver sans toit? putain fin, t'as vingt-cinq ans, on est plus au lycée. tu comptes faire ça tout ta vie? parce que si c'est le cas tu me le dis, j'arrêterai de me rendre malade à chaque fois que je pense à ce qu'il pourrait t'arriver et je fais comme les autres, je m'y fais!
elle s'arrête soudainement de marcher et prend une grande inspiration. parce qu'il faut qu'elle essaye de se calmer, parce que c'est en train de lui échapper, ça déborde de ses lèvres et ça va dans tous les sens. et y a trop d'émotions, et c'est pas ce qu'elle veut. elle se masse les tempes deux secondes et porte son regard sur le brun pour la première fois depuis qu'elle est sortie.
- elle m'a dit que si t'avais pas les trois dernières fiches de paie, tu pouvais donner celles d'un garant, dit-elle un peu plus calmement.  

elle m’a gonflé, rose. j’en reviens pas à quel point elle m’a gonflé. comme avant, quand on était gamins. qu’on était collés ensemble constamment, que tout se passait bien, jusqu’à ce que ça dégénère, qu’on s’envoie bouler, qu’on s’engueule et qu’on se fasse séparer. mais là, y a personne pour nous séparer. alors je préfère partir de moi-même avant que ça éclate pour de bon devant cette pauvre fille qui n’a rien demandé à personne.
je sors complètement, je profite de l’air un peu plus frais de l’extérieur pour me remettre les idées en place, ou du moins essayer. à l’attendre. et les minutes sont longues, jusqu’à ce qu’elle arrive. qu’elle arrive en pétard, elle aussi.
pourquoi t’es en colère, rose? c’est à moi de l’être, pas toi.
ses mots parviennent à mes oreilles et font s’enfuir le calme qui commençait à m’envahir. subitement, juste par le papier qu’elle me colle violemment dessus, juste par ses paroles trop sèches.
je le garde? pourquoi faire? pourquoi je le garderais? en souvenir de cette visite pourrie? pour me rappeler que je ne pourrais pas le prendre à cause de mon manque de stabilité, peut-être.
mais je me mets quand même à la suivre, à marcher derrière elle, à un bon mètre de distance, les mains dans les poches.
- non, ça me stresse pas! t’as qu’à arrêter de t’en rendre malade, j‘t’ai rien demandé, moi.
je ne t’ai jamais demandé de t’inquiéter, de te plier en quatre pour me trouver un logement, encore moins de te rendre malade pour moi.
si moi je le vis bien, t’as qu’à en faire de même.
- un garant? oh mais c’est une super nouvelle, ça! j’aurais qu’à demander à mes parents alors, y a plus de soucis!
tu sens, l’ironie, le sarcasme dans mes mots, rose? un garant, t’en as d’autres des comme ça? parce que moi, j’en ai pas, de garant. sérieusement, réfléchis trente secondes putain, tu vois bien que c’est impossible, que cet appartement j’pourrais jamais l’obtenir.
je fais une boulette du formulaire qu’elle m’a donné et le jette dans la première poubelle que je trouve.
- à chaque fois que je me retrouve sans boulot ou sans logement ou peu importe, tu te mets à stresser pour pas grand chose et tu me prends la tête! à chaque fois c’est pareil! pourtant tu sais que je m’en sors à chaque fois, et qu’y a pas de raison de t’angoisser ou de me les briser, mais non, tu peux pas t’en empêcher, hein?
mon ton est dur, sec, et surtout bien saoulé. depuis le temps, elle devrait avoir compris comment je marche, comment on marche. que moi, c’est loin de me stresser et qu’elle devrait en faire autant. qu’après, elle m’énerve, on se met sur la gueule, et ça finit plus ou moins mal.
- t’en as un toi, de toit, t’as un boulot stable aussi, alors arrête. c’est pas toi qui va éventuellement galérer, alors ça suffit!

sa réponse aura au moins le don de la calmer, ou du moins la faire baisser d'un ton. parce qu'au delà d'être énervée, elle est déçue. déçue de l'entendre lui dire qu'il en a pas grand chose à faire, déçue d'entendre qu'il a pas besoin de son aide, finalement. qu'il en veut peut-être pas. elle déglutit difficilement et détourne le regard, parce qu'il la connaît bien trop, parce qu'il va le voir, fin qu'il l'a blessée. et c'est la dernière chose dont elle a envie actuellement, elle préférerait encore retourner dans le premier appartement qu'ils ont visité et s'asseoir en silence à côté du type étrange, sur le canapé.
mais peut-être que c'est pas plus mal, que ce soit sorti. c'est vrai, il lui a rien demandé, mais dans le fond elle espérait qu'il accepte simplement son aide et lui laisse prendre les rennes, pour essayer de lui trouver mieux. elle veut pas qu'il ait cette vie fin, qu'il change d'endroit tous les mois, qu'il soit jamais capable de se projeter, jamais se fixer d'autres projets que celui de savoir où il dormira le lendemain. et c'est pas juste parce qu'elle veut qu'il évolue, c'est parce que s'il le faisait, il évoluerait avec elle, et elle aurait pas cette désagréable impression de le laisser derrière elle pendant qu'elle prend le contrôle de sa nouvelle vie. ils ont grandi ensemble, ils ont fréquenté les mêmes endroits, rencontré les mêmes personnes, et maintenant... elle angoisse à l'idée qu'ils prennent pas le même chemin.
mais peut-être que c'est mieux comme ça. parce que comme il l'a clairement dit, ça devrait pas être son choix, ça devrait pas reposer sur elle. c'est à lui de le vouloir. et là, il veut pas.
- t'as rien compris. moi je les ai, les fiches de salaire. ça fait onze mois que je bosse là-bas. ça fait onze mois que j'ai un boulot stable et un logement ouais, et je le dois qu'à moi, ajoute-t-elle sombrement, des fois qu'il aurait oublié. c'est pas la grand mère de daisy qui lui a payé les études de journalisme, c'est pas non plus elle qui lui a trouvé un boulot. même si oui, c'était plus simple d'économiser en ayant un toit où dormir, mais ça ne change rien à toutes ces années passées à persévérer.
se porter garante, c'est pas quelque chose qui l'aurait inquiétée. il galère peut-être à conserver une certaine stabilité, mais s'il y a une chose qu'elle sait sur lui c'est qu'elle peut lui faire confiance. qu'il se permettrait jamais de la lui faire à l'envers, de la laisser se retrouver dans une situation où elle doit payer à sa place.
- tu sais quoi, laisse tomber, dit-elle d'un ton las. si t'es heureux comme ça, j'ai compris, j'arrête de stresser.
non, pas la moindre chance. ça la stressera toujours, comme ça l'a toujours stressée. s'il suffisait juste d'arrêter de se rendre malade, comme il le lui a balancé, si c'était aussi simple... elle le ferait. parfois elle aimerait bien, ça lui éviterait bien des frayeurs. mais là elle est vexée, alors elle préfère se convaincre qu'elle le laissera se débrouiller. et puis peut-être qu'en le convaincant lui, elle pourra s'en convaincre elle-même.
elle se remet à marcher, comme pour lui montrer sa volonté d'avancer, d'abandonner le sujet.