I Am Thou, Thou Art I ft. Annalisa

Le bédo écrasé contre le bitume, Sora observe l'enseigne qui s'trouve devant lui. Un salon de tatouage. Marqué à l'encre indélébile quelque chose de significatif, comme l'parfait prolongement de toi-même. Il a longtemps hésité avant de se laisser tenter. Il voulait avoir quelque chose à raconter, une leçon que la vie lui a appris. Au fond, un tatouage, c'est un peu comme un serment que tu te fais à toi-même. Un dessin que tu t'apprêtes à graver à vie et qui t'accompagne jusqu'à la fin. Fallait pas qu'il se lance dans tout ça sur un coup de tête, comme il le fait bien trop souvent dans à peu près tout ce qu'il entreprend. Une profonde inspiration, suivie d'une lente expiration. Le chimiste chasse les quelques doutes et appréhensions qui l'ont accompagné le long de la route en même temps qu'il range son casque audio qui jouait du Led Zeppelin. Il pousse finalement la porte d'entrée du magasin et se rend à l'accueil, dans un sourire courtois. - Bonjour, j'viens pour faire un tatouage. Il hoche la tête d'un air entendu, balançant son regard un peu partout dans le salon, à l'affût de détails flippants ou de cris de douleurs. - Bien sûr que c'est pour un tatouage. Je veux dire... Je suis pas ici pour faire mes courses, il y a déjà les supérettes pour ça. Sora s'rend compte des conneries qu'il raconte, alors pour s'faire taire, il se racle bruyamment la gorge. Un silence plus tard, il reprend la parole en se pinçant les lèvres. - Fin voilà, c'est ce que j'disais, je viens pour un tatouage. Dit-il, pour synthétiser. De toute évidence, ça se voyait à peine qu'il était pas du tout à l'aise avec ce qu'il s'apprêtait à faire, même si l'envie y était.

Sora peine à cacher son amusement soudain. On dirait que ça se voyait plutôt pas mal que c'était une première pour lui, ce qui ne lui laissait que peu de doute sur l'allure peu assurée qu'il projette en ce moment. Il lui semble qu'au grand jamais quelqu'un lui avait paru aussi impressionnante que la tatoueuse, sans doute la résultante de la raison de leur rencontre. Le chimiste serre la main d'Annalisa, plutôt hésitant en humidifiant ses lèvres. Elle lui apparaissait très sympathique, ce qui tranchait déjà avec l'image biaisé qu'il se faisait des tatoueurs. - Enchanté, Sora, Sora Reeves. Drôle de manie que de toujours préciser son nom de famille. Il y peut rien, ça lui venait de son métier de professeur, simple déformation professionnelle.  Sora fait d'ailleurs une drôle de tête lorsque la tatoueuse lui propose de monter à l'atelier, le lieu du crime. Son imagination travaille pour lui, son subconscient lui projettent de nombreuses images d'outils de tortures, des aiguilles à la taille astronomique. Il s'efforce à chasser toutes ses pensées négatifs et suit la vendeuse, remarquant bien après le tutoiement. Cela ne lui pose aucun problème, que du contraire, au fond, ça lui permet d'être un peu plus à l'aise. Il rentre finalement dans l'atelier, laissant son regard scruter attentivement toutes les œuvres accrochées. Les détails des travaux, l'harmonie des couleurs, cela relevait bien plus de la véritable artiste que de la tatoueuse du dimanche, exécutant sans broncher les demandes extravagantes de ses clients. Sora s'installe face à Annalisa à qui il sourit timidement, légèrement gêné. Il partait un peu à la découverte d'un monde qu'il connaissait pas, une attitude un peu rock & roll qu'il arborait déjà pourtant dans l'âme, même si son style lui, demeurait plutôt classique. Il plonge le regard dans le livre posé sur la table, conquis par les merveilles qui émanent les pages. Le regard relevé, il finit par dire, d'un ton nettement plus assuré. - Je n'étais pas... certain de vouloir le faire avant de venir. Mais plus à présent. Je veux dire... Je serai vraiment honoré de pouvoir être le support d'une de vos créations.   C'est comme ça qu'il voyait le deal. La possibilité d'encrer à jamais quelque chose de significatif, c'était aussi accepter d'être parti intégrante de l'oeuvre d'une artiste. Il retrouve son courage et laisse donc son regard détailler sa tatoueuse, les cheveux flamboyants, le visage enfantin... - Savez-vous ce qu'est un Persona en psychanalyse ?   demande-t-il finalement, les prunelles accrochés dans celle de son artiste. La question peut sembler soudaine, mais elle faisait sens dans le projet de tatouage auquel Sora avait mûrement réfléchi. Ce tatouage, il avait une sensation d'évasion, c'était le point final, sa manière à lui de se dissocier du personnage qu'il a longtemps joué après le décès de son père.

@annalisa de bertolis