le bourdonnement tumultueux des moteurs vrombissants, des moteurs excités à l'idée de s'user. les basses trop fortes qui calquent leurs battements sur ceux du cœur de l'habitant, à moins que ce ne soit l'inverse. bass enserre le volant de sa bagnole fraîchement repeinte entre ses mains calleuses, effleurant la courbe du cuir avec un amour déstabilisant. les voitures, c'est le seul autre truc que les nanas à pouvoir le faire bander. bass, il ira jamais rien faire de dégueulasse avec une voiture – paraît que certains tarés font ça – mais bass, il trouve qu'y'a pas grand-chose de plus sexy qu'une belle caisse.
oh, à moins que… une belle caisse, avec une déesse à l'intérieur. une déesse coincée entre ses cuisses, les mains et le minois occupés à le caresser.
il tourne la tête de droite à gauche pour chasser les images érotiques qui butinent son esprit comme une centaine d'abeilles en mal de fleurs goûteuses. les mains se resserrent ; le cuir crisse. la course commence, le moteur s'emballe. les roues laissent des scarifications dans le macadam déjà usé, les freins hurlent au supplice. et la vitesse rend le monde plus flou ; et les palpitations du cœur de bass entament une nouvelle danse salace. bass hurle quelques insanités dans l'habitacle confortable de sa voiture vintage alors que son bolide avale la route avec appétit.
bass ne sera pas premier. mais bass se sera suffisamment bien battu pour avoir droit à quelques attentions des gamines court vêtues. être premier, bass, ça ne l'intéresse pas. être premier, c'est juste bon à frimer. être premier, c'est souvent la place des tricheurs qui ont déjà fait beaucoup de réparage avant et ont emprunté des routes déviées.
bass, il aime bien gagner… mais faut savoir perdre quelques fois pour mieux apprécier les moments où la victoire lui fait frémir les narines. et ce soir, c'est un soir à défaites. mais il s'en fout, bass ; il a qu'une hâte, c'est de retrouver cal pour récupérer son portefeuille oublié comme un con la nuit d'avant. et depuis, bass, il a la dalle. ça fait au moins douze heures qu'il a rien avalé.
alors dès que la course se termine, dès que les flirts se tarissent auprès de ces femmes intéressées par le profit et par l'argent – qui se maquillent comme une voiture volée et dévoilent des atouts dénués d'intérêt parce que déjà trop souillés – bass se fait la malle. mais avec un chouïa de frustration.
il arrive devant chez cal, les bottines rencontrant avec fracas le sol abîmé. il toque à la porte avec impatience, le poing s'écrasant avec violence contre le bois. et il ne sursaute qu'à peine lorsque la voix vient briser cet océan de brutalité à peine contenue.
- Il est pas là. J'ai essayé. Il a dû se trouver une conquête hier soir. Il est pas encore rentré.
il se retourne, ne réprime aucunement le sourire enjôleur qui vient nimber ses lèvres comme une couche épaisse de goudron. isabel. elle est belle, isabel. la peau teintée, le teint sulfureux, des rêves envoyés plein à la tête de ces puceaux scandaleux.
bégééééé, il aimerait scander pour son pote qui est parvenu à ramener une gazelle dans ses draps. mais il réprime ses remarques machistes et déplacées devant la belle ; dans le seul et unique but de lui plaire. d'avoir l'air un peu moins con, d'avoir l'air un peu moins détestable. parce que les nanas, elles aiment bien lui donner un petit sobriquet : « connard ! ». alors que bass, tout ce qu'il veut, c'est aimer à en crever…
mais juste une soirée.
- Pizza ? J'ai commandé trop grand. Je devais partager avec Cal. Mais du coup, c'est soit toi, soit le sdf en bas de l'immeuble. Ça fait pas tellement de différence, mais t'es plus près.
il rit légèrement avant de venir poser son délicat fessier à ses côtés dans un haussement d'épaules. il papillonne des cils quelques instants exagérés avant de rétorquer :
- woah ! tu me compares à un sdf… arrête isabel, j'suis à deux doigts de jouir. ce compliment me touche tellement…
il place une main sur son cœur dans un geste théâtral écoeurant. mais au fond, bass, il espère qu'il va la faire rire… ou au moins un peu sourire.
- j'pensais que t'étais le genre de nana à privilégier les pauvres et les opprimés aux gars comme moi… sérieux, j'suis touché.
il lui adresse un clin d'œil avant de piocher une part de pizza dans son carton ouvert et de l'engouffrer – pas franchement de manière élégante – dans sa bouche. il croque, mâchouille, et lui adresse un sourire agrémenté de sauce tomate.
- si j'peux me permettre… t'es très jolie ce soir.
il essuie ses mains sur son pantalon pour être un minimum propre, avant d'effleurer du bout des doigts la cuisse d'isabel. bass, il est comme ça ; il peut pas s'empêcher de vouloir sauter sur tout ce qui ressemble un minimum à une femme – et dans le noir, après avoir bien bu, les surprises sont nombreuses… mais isabel, c'est pas qu'une femme qu'il aimerait avoir dans son lit et oublier. isabel, c'est la voisine de cal, et isabel elle mérite un peu plus d'attention.
n'empêche que bass se connaît ; le jour où elle acceptera de se donner entièrement à lui – comme cette pizza – elle sera considérée ensuite comme persona non grata et oubliée aussi vite.
c'est quand même dingue de ne pas pouvoir poser de nouveau ses yeux sur une nana qu'il a déjà dénudée, qu'il a déjà aimé le temps d'une soirée.
mais c'est bass nobody, et personne n'a encore réussi à rectifier le tir de sa vie bancale.
mais c'est bass nobody, et p'têtre bien qu'il n'attend que celle qui lui fera oublier toutes les autres.
qui lui fera attendre les matinées au lit, à aimer encore et encore ce corps qu'elle lui offrira.