perché sur le pont. Les pieds battant le vide. ses paupières lourdes qui luttent pour ne plus se clore. sa main qui tient faiblement la bouteille bientôt vide. son coeur qui tape la paroi de sa petite poitrine, de plus en plus faiblement. bercé par les booms, par le vent, par son chant. il est six heure. six heures et le matin vient frapper aux portes de ceux qui vivent. shabh ne vit pas, son corps s'abandonne au temps. son corps se laisse porter par les aiguilles qui sonnent les heures. elle murmure des paroles de chanson,
rehab. elle les murmure dans un balbutiement alcoolisé, les yeux rouges sans avoir pleuré. son corps est faible, sa tête bascule d'avant arrière. la faim lui ronge l'estomac et son coeur tout doux, tout lent la maintient en vie. la route commence à être éclairé par les premiers rayons du soleil.
But when I come back, you'll know, know, know
les reflets du goudron, la route tourne dans son orbite et la gravité s'envole avec les dernières gorgée de whisky. elle lâche prise, laisse la bouteille s'éclater sur le sol avec un ricanement étouffé. elle entend la casse au ralentit. perché sur un pont, elle se lève, titubante, à observer l'queens tourner.
I said, "no, no, no"
monsieur? Monsieur ça va ? paupières qui collent et cerveau qui tape son crane.
monsieur, c'est quoi votre nom? on vous ramène, où habitez vous? elle s'rend pas bien compte de c'qui s'passe. Y'a pleins de tête au dessus d'elle qui l'observe. elle a envie de dégueuler sur leurs chaussures. elle a bu et trop. elle a bu pour faire passer la nuit, le jour, la vie plus vite. elle réussi à ouvrir lentement sa bouche, la pâteuse qui l’empêche d'articuler.
shaabh..j'm'appelle shabh.. ok cha.chab? on te ramène dis nous où tu vis. T'as fait un beau coma qu'il la laisse dormir, qu'ils partent ces vautours autours d"elle. tous en vue d'attraper la charogne d'un malheur.
j'vis ici. j'vis là. et ils la comprennent pas. comment pourraient-t-ils.
j'vis dans la rue. et ils l'a relèvent à six bras. six gros bras pleins de jugements. les regards qui hurlent "pauvre mec" ou "pauvre fille" parce qu'ils en venaient à avoir des doutes en voyant ses longs cils et sa poitrine mal caché. ils la relève sans un mot, puis la laisse ici avec quelques brins de monnaie pour s'dire qu'ils ont fait une bonne action. shabh continuer d'errer, utilise les billets tout frais pour recommencer.
***
son corps tremble sous l'eau brûlante. la buée s'installe sur les parois de la douche. elle inspire, elle expire. elle souffle lentement. ses poils qui s'hérissent sur sa peau. des frissons qui parcourent sa nuque. elle inspire plus fort, plus un souffle chaud. les gouttes tombent sur sa peau jusqu'ici crade. sur sa peau marquée par la rue, les bleues, les cicatrices, la rage. elle se laisse glisser, se recroqueville comme une petite boule. l'eau continue de tomber, la purge. elle se sent toute petite. elle a l'impression d'être de retour dans ce petit linge tout blanc, son corps de bébé lovée dans les bras d'une nouvelle maman. elle a l'impression de ressentir à nouveau la tendresse sur son corps détruit. de réparer chaque membres. elle inspire. elle expire. elle souffle. ses bras l'entourent, elle se serre contre elle même. se donne de l'amour. s'accorde à craquer. saisis de tremblements, elle sent de nouvelles gouttes sur son visages. salés. humides. ses yeux pleurs enfin, elle y passe un temps infinis. a pleurer d'apaisement.
Nana a laissé une serviette chaude pendre sur le radiateur. elle l'attrape pour s'y emmitoufler. comme un petit esquimau. elle observe son visage terne, ses yeux rouges, passe une main dans ses cheveux rasés, enfin propre. quand elle sort nana l'attend avec un café brûlant, un pyjama neuf qu'elle lui tend simplement. et shabh lui tombe dans les bras, laisse son être s'étaler dans ce nouvel endroit. dans un endroit qui la couvrira enfin du froid.
merci... qu'elle lui dit le coeur enfin réchauffé. la rue appartient au passé.
***
Shabh a la rage du passé. Une colère démesuré qu'elle refoule dans la boxe, dans la moto, dans l’adrénaline. Y'a qu'les pétard pour vraiment la calmer. Elle se sent en trop, jamais vraiment à sa place. Ce monde, lui appartient pas, elle s'le dit souvent, s'le répète. Elle s'dit que maintenant qu'elle a un toit, elle devrait faire quelque chose de sa vie. Bouger. Changer. avancer. Grandir. Elle s’épuise sur un canapé d'un pote, à fumer joint sur joint en attendant la révélation, LE TRUC qui l'a ferait sortir de la merde. Elle roule, elle allume, elle fume, elle perd la notion d'la réalité. Son corps fondu dans le canapé.
***
les cheveux blonds, la gueule d'ange. sa main tend vers la sienne. Un sourire narquois sur ce visage fantôme. et la bave, le sang qui commence à couler de sa bouche. shabh se réveille en sursaut, la voit partout. La gamine du flic d'il y a quatre ans. La gamine à qui elle a offert un aller sans retour vers la morgue. Elle s'lève difficilement de son nouveau lit, enfile un survet' propre. Elle attrape sa sacoche à billets, poudre, pilule, cachet, weed, lsd. Elle sort discrètement sans réveiller son amie.
Les oiseaux viennent chanter sur son passage dans les rues. Elle s'pose dans un coin, il est six heures. On vient lui acheter d'la poudre. Elle ramasse un billet. Elle savoure amèrement sa liberté. Essaie de se convaincre que la rue reste meilleur qu'la taule. Elle pense à ses camarades derrière les barreaux. Elles lui manquent.
Errante gamine, elle s'retrouve devant une grande maison abandonné. Une énorme baraque en ruine. Elle entre par une fenêtre cassé, s'y glisse soigneusement. L'odeur est terrible. Les meubles restant sont renversé, cassé, mouillé par la pisse. Elle s'met à observer, à toucher les murs, à sentir le passé. Elle compte les billets dans sa sacoche.
je veux vivre ici. Je veux être là.
Son coeur tambourine. Elle attrape une clope et la glisse entre ses lèvres. La lumière est belle dans ce lieu. Elle s'y prend d'affection. Elle s'laisse passer la journée, à errer, à visiter la salle de bain désaffecté. A surprendre la chambre, le lit égorgée. Elle caresse les draps sales, les peluches détruites.
Ce lieu doit lui appartenir, elle en est certaine. Aucune plus belle métaphore que reconstruire un endroit brisé comme elle l'est. Elle va vivre ici, vendre pour se l'acheter.
De toute façon, t'as rien à perdre.