cause it's you and me (meg)

le jour de son renvoi ✺ assise sur le muret anthracite réchauffé par un soleil de plomb, lola sanglote. à chaque larme coulant le long de sa joue, un peu de la tension qui noue ses épaules s'évanouit. autour d'elle, les étudiants de nyu s'agitent, bien trop absorbés par leur propre vie pour s'occuper d'elle. et ça l'arrange parce qu'être invisible - en ce moment précis - c'est tout ce qu'elle demande. aujourd'hui de toute manière, elle a déjà bien trop retenu l'attention et ça n'a pas joué en sa faveur. loin de là. pourtant, ce n'est pas dans ses habitudes, si la portoricaine attire les regards c'est pour ses remarques spirituelles ou son rire communicatif, pas pour ce genre de choses. elle n'arrive d'ailleurs toujours pas à comprendre ce qui a pu lui passer par la tête : il n'y a pas une once de violence en elle - pas même un brin - alors pourquoi ? impuissante, son inconscient rejoue la scène encore et encore comme si elle essayait désespérément de saisir, de décrypter un code qui lui est inconnu. c’était un jour comme les autres : elle sortait de fisher hall, riait à gorge déployée. sauf qu’on l’a interpellé, de la plus mauvaise des manières. on lui a hurlé que les gens de son espèce ne devraient pas être ici, qu’ils mériteraient tous de finir au fond d'un caniveau et que ça arriverait bien, un jour ou l’autre. ce genre de remarques, ça ne l’atteint pas en temps normal lola : elle sait qu'ils ne sont pas tous aussi ouverts qu’ils  le devraient et c’est bien pour ça qu’elle ne rentre jamais dans leur jeu. ils n’en valent pas la peine, elle en est convaincue. mais cette fois-ci, tout a été différent ; dans un coin de sa tête y’a une image qui lui est apparu - une image qu’elle essaie pourtant d’occulter de toutes ses forces. elle a vu rico dans ce caniveau et ça l’a mise dans une colère noire parce que ça reste une possibilité, même si elle ne veut pas l’envisager. parce que son cousin est bel et bien parti sans laisser de traces - sans donner de nouvelles. alors elle s’est jetée sur la garce qui l'a injurié, littéralement. lola - ce soleil que tout le monde adore - s’est laissée guider par une rage qui lui est à l'accoutumée étrangère. et elle en a dû en payer les conséquences. oui, parce qu’elle vient de se faire renvoyer de l’université, à cause de ça. ça a été immédiat, brutal. elle se retrouve dans l'obligation de à dire adieu à tous ses projets et pourtant n'arrive pas à quitter l'enceinte de l'université, elle ne peut s'y résoudre. elle reste là, pantelante, la larme à l'oeil. alors, avant d'encore une fois raviver ce souvenir qui ne pourra - qu'inévitablement - mener au même dénouement, elle saisit son téléphone à la recherche d'un appui salvateur. sans même y réfléchir, c'est vers meg qu'elle se tourne : ça lui semble logique, évident même. après quelques textos énigmatiques, elle lui demande de venir la chercher. son index vient appuyer sur la touche envoyée alors qu'elle renifle un peu trop fort. quelques secondes s'égaraient et - sans surprise - son amie accepte de la retrouver parce qu'elle est toujours là meg, parce qu'on peut compter sur elle quoiqu'il arrive. et pendant un bref instant, elle se demande ce qu'elle va penser de la lola qui lui fera face : de celle qui pleure au lieu de rire, de celle qui vient de faire le mauvais choix au lieu de briller. une seule certitude vient l'apaiser : la confiance pleine et entière qu'elle accorde à chacune des filles. il n'y a jamais eu de jugements entre elles, ça n'est pas le genre de la maison. alors elle ne bouge pas d'un poil lola, pas jusqu'à ce qu'elle aperçoive son amie s'approcher d'un pas rapide, visiblement inquiète. "c'est ce qu'on appelle le glamour." désignant son visage d'un geste vague de la main, la portoricaine tourne la situation en dérision parce que c'est ce qu'elle fait toujours : c'est comme ça qu'elle fonctionne, comme ça qu'elle avance. "j'me verrais bien en couverture de vogue ou de cosmo peut-être." elle rit faiblement : les yeux vitreux et le nez rougi sont du dernier chic c'est bien connu.

elle a appelé meg sans plus y réfléchir parce que ça lui semblait évident. c'est son double, celle qui l'a connu par coeur avant même de se lier d'amitié avec elle. elle la comprend sans qu'elle n'ait à s'expliquer et c'est ce dont elle a désespérément besoin maintenant. son choix était limpide mais ça ne l'est peut-être pas pour son amie. nombreux sont les problèmes de la portoricaine mais elle n'a pas oublié ceux de meg pour autant. elle a beau tout faire pour feindre la normalité, lola remarque ce qu'elle cache. elle voit ses yeux hantés, son ton grisâtre et son air distant. ça ne va pas et elle le sait. mais elle n'en parle pas, jamais. pire, elle s'éloigne. pourquoi tu te confies pas ? pourquoi tu fuis meg ? lola, ça la rend folle et elle ne sait pas quoi faire pour arranger les choses. parce qu'elles s'enveniment, irrémédiablement. et c'est sans doute pour ça que la voir débarquer devant elle malgré tout la touche à un point inimaginable. t'es là, tu seras toujours là. pourtant, elle ne le lui dit pas, elle se contente de plaisanter comme elle le fait toujours. ainsi, une boutade au goût amer passe ses lèvres et meg n’en semble que plus soucieuse. "lola..." les yeux perlés de larmes, elle sourit comme elle le fait toujours. parce que même s'il sonne faux, il ne la quitte jamais ; c'est comme s'il était greffé à son visage : inamovible, impérissable. "qu’est-ce qui s’est passé ?" les mains réconfortantes de meg viennent prendre les siennes et lola hausse les épaules. comment résumer la situation ? comment lui expliquer ce qui a bien pu lui passer par la tête ? les sentiments qu'ils l'assaillant depuis quelques temps échappent complètement à son contrôle alors mettre des mots dessus lui semble infaisable. elle n'arrivera pas à parler de rico ou de ce qui lui a fait penser à lui, elle en est certaine. j'peux pas te le dire, j'peux pas. elle dégage l'une de ses mains lola et ses doigts délicats viennent essuyer négligemment le coin de ses yeux. alors, elle se décide à parler. "j'ai fait une connerie... enfin ça j'crois que je te l'ai déjà dit..." trop préoccupée pour se soucier de son apparence, elle renifle bruyamment et malgré tout, elle reste belle. elle est toujours magnifique lola, elle n'a même pas à essayer. son nez rougi et ses yeux dans le vague n'y changeront rien. dieu sait qu'elles sont perdues pourtant ses prunelles : ça lui semble tellement plus facile de regarder l'abstrait lointain, comme s'il pouvait l'aider à s'échapper si tout devenait trop dur. elle s'imagine s'enfuir là-bas, loin de la réalité. loin de ma réalité. "j'ai... j'ai..." les mots n'arrivent pas à franchir ses lèvres, un peu comme si ses cordes vocales avaient brusquement cessé de fonctionner. elle reste là, bégayante. ça ne lui ressemble pas pourtant et meg le sait très bien. lola, c'est le genre de fille qu'il faut obliger à se taire et encore, ce n'est pas tâche facile. un de ses professeurs lui a même dit qu'Hercule aurait eu plus de facilité à réaliser ses douze travaux qu'à exiger son silence. oui, elle est bavarde - mais pas aujourd'hui, pas pour discuter ce sujet délicat. c'est au dessus de mes forces. dépitée, elle baisse la tête et les secondes s'égrènent jusqu'à ce que brusquement, elle relève les yeux vers meg. "j'vais te dire ce qu'il s'est passé mais promets-moi de pas m'demander pourquoi." on en revient toujours à rico et à ce qu'elle ne veut pas admettre. elle ne veut pas à avoir à le mentionner, elle ne veut pas psalmodier ses pensées. parce que c'est bien ce qu'on dit, non ? lorsque l'on prononce quelque chose a voix haute, tout devient réel ? "prométemelo, en serio." elle lève un auriculaire suppliant pour jurer comme elles le faisaient étant gamines. une promesse du petit doigt elles appelaient ça. aussi futile que cela puisse paraitre, elle en a besoin lola : ce vieux rituel a quelque chose de sacré, il la ramène à la pureté de leur innocence.

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C’est tellement douloureux. Tellement douloureux de voir sa Lola pleurer, de la voir souffrir. C’est plus douloureux que sa propre souffrance. C’est plus douloureux que ses propres démons. Parce qu’il n’y a rien de plus dure pour Meg que de voir les rares personnes qu’elle aime souffrir. Et Lola, elle en fait partie. Lola, elle en est même la première. C’est son double, c’est sa sœur, c’est sa jumelle, c’est sa vie. Lola, c’est pourtant celle qui ne pleure jamais. Comme elle. Chacune à sa façon. Lola qui camoufle par le rire. Meg par la force. Elles souffrent, toutes les deux, et les rires disparaissent. Les rires disparaissent pour laisser place aux larmes. Et t’es pas sûre d’être la meilleure personne pour gérer la peine de qui que ce soit, Meg. Qui que ce soit, sauf Lola, peut-être. Lola qui semble avoir confiance en elle, malgré son absence des dernières semaines, malgré l’éloignement. Lola qui semble toujours croire en elle. Et elle n’imagine pas. Elle n’imagine pas à quel point cela fait du bien. A quel point son cœur se réchauffe, en voyant qu’elle n’est pas qu’une pourriture, dans les yeux de sa meilleure amie. Fatiguée de voir cette colère dans son propre regard. Fatiguée de voir cette haine dans son propre regard. Fatiguée de voir tous ces fantômes, beaucoup trop présents autour d’elle. Et leurs mains sont liées, tout comme leurs cœurs. Et l’inquiétude la ronge, en voyant Lola si faible, si mal. Celle qui ne fait que sourire, d’ordinaire. L’inquiétude qui la ronge, et les pensées se bousculent. Dis-moi, dis-moi si quelqu’un t’as fait du mal, dis-moi si quelque chose t’as bouleversé. Et elle peine, elle peine à parler, elle peine à lui dire, à tout lui expliquer. Alors d’un geste, elle attire Lola dans ses bras, la serre quelques secondes avant de reprendre. - Viens, on va s’asseoir. Et elle l’entraîne sur un banc un peu plus loin. Elle est prête. Prête à tout entendre. Prête à tout accepter. Peu importe cette connerie dont elle parle. Peu importe ce qu’elle a fait. Elle sera toujours de son côté, toujours là pour elle, pour la protéger. Pourtant, la brune semble avoir besoin d’une assurance supplémentaire. Son petit doigt attrapant le sien, elle répond sans attendre. - Te lo prometo Une promesse, c’est sacré. Et même si elle sait qu’elle aura besoin de comprendre, même si elle sait qu’elle aura besoin de connaître les raisons du mal être de Lola, elle promet de ne rien demander. Pour elle. Elle le fait pour elle. - Tu sais bien que tu peux tout me dire. Comme avant. Comme toujours. Et même si les choses changent, l’amour persiste. L’amour sera toujours le même, entre elles. Elles, comme les doigts d’une même main. Elles, comme une seule et même personne. Depuis toujours et pour toujours.

agitée comme elle ne l'a jamais été, elle passe sans arrêt la main dans ses cheveux. toutes les sensations qui l'assaillent la chamboule plus que de raison et elle se trouve dans l'incapacité de les gérer. elle a beaucoup de qualité lola mais elle n'est certainement pas la plus posée de toutes - c'est même l'euphémisme du siècle. elle a toujours laissé ses émotions la contrôler et non l'inverse ; alors, en cet instant, elle n'est qu'un ras de marré dévastateur qui menace de tout engloutir sur son passage. "viens, on va s’asseoir." sa douleur se reflète dans les yeux d'une meg emplie d'emphatie. elle souffre de la voir peinée et c'est ce qui fait d'elle sa plus proche amie. lola n'a jamais rencontré quelqu'un d'aussi loyal, elle envie sa droiture à tout épreuve. "d'accord." sa voix parait beaucoup plus frêle que d'habitude - dépouillée de l'assurance qui la caractérise pourtant à la perfection. elle soupire lola et se lève pour suivre meg jusqu'au banc de bois où elles s'assoient. elle se met alors à triturer la bague qui orne son pouce. elle en porte beaucoup - ainsi que des bracelets - et celle qu'elle ne cesse de faire tourner lui a d'ailleurs été offerte par meg à son dernier anniversaire. "te lo prometo." le regard jusqu'alors détourné, il retrouve le sien quand leur doigt se rencontre et pendant quelques secondes, lola étudie son visage. elle a l'air sincère, vraiment sincère. "gracias." soulagée, elle lui accorde un faible sourire. pour autant, elle ne peut cesser de tripoter sa bague fétiche. l'anxiété la ronge de l'intérieur, elle se demande ce qu'elle va bien pouvoir de faire de sa vie maintenant. elle a l'horrible sensation d'avoir ruiner toutes ses chances d'avenir et ça lui retourne l'estomac. "ce qui s'est passé, c'est que..." elle s'apprête à continuer mais juste avant que les mots ne sortent de sa bouche, elle se crispe un moment. les épaules nouées, elle laisse le silence s'étirer. "tu sais bien que tu peux tout me dire." son visage se détend et elle n'hésite plus un seul instant avant de lui dire toute la vérité - du moins la partie qu'elle veut bien admettre. "j'viens de me faire virer." elle éclate d'un rire sans joie parce que la situation est d'un ridicule à pleurer. l'imaginer elle, être remerciée de la faculté relève de l'impossible. lola a un plan - un plan qu'elle respecte scrupuleusement depuis des années. et elle s'est toujours donnée à fond pour qu'il l'amène à la réussite ; oui, les sacrifices qu'elle a dû faire n'ont pas été bénins. son père a refusé de lui parler pendant plus d'un mois lorsqu'elle lui a annoncé ne jamais tenir à reprendre ses parts du restaurant. il évitait même son regard. comment j'ai pu ? comment j'ai pu tout faire foirer comme ça ? "pour bagarre." elle répète, pour l'effet dramatique. "j'me suis fait virer pour bagarre." à la façon dont son dos est courbé, on remarque la honte qui l'éprend. sa mine devient encore plus troublée lorsqu'elle s'explique : "j'me suis jetée sur un nana et je l'ai frappé." elle s'éclaircit la gorge. "plusieurs fois." à s'expliquer de la sorte, elle se sent encore plus misérable lola et comme pour chasser ce sentiment, elle passe sa main sur son visage déformé par la préoccupation. la grimace emplie de désarroi qu'elle lui offre ensuite lui donne un air adorablement ébranlé. "on a dû nous séparer." la tête se baisse, le soupir qui lui échappe n'en finit plus. "mon dieu que j'suis stupide..." une nouvelle vague de culpabilité l'assaille et elle recoiffe ses cheveux de plus en plus ébouriffée en arrière. j'ai tout foutu en l'air.

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Lola, le soleil lorsqu’elle était la force. L’enthousiasme lorsqu’elle était le pragmatisme. Le rêve lorsqu’elle était la détermination. Lola, Meg, deux caractères complémentaires. Lola, Meg, deux caractères qu’elles ne sont plus, désormais. Lola ne sourit plus. Meg ne se bat plus. Elles sont abîmées, toutes les deux. Ecorchées. Mais elle prie, Meg, elle prie pour que sa meilleure amie ne souffre pas autant qu’elle. Pour que ce ne soit qu’une tristesse passagère. Une illusion qui s’envolera au petit matin. Elle prie. Mais elle doute. Elle doute parce qu’elle connait Lola, elle la connait mieux qu’elle ne se connait elle-même, mieux que personne. Et elle sait que sa sœur ne se mettrait jamais dans un tel état pour quelque chose qui ne serait pas primordial. Parce que le soleil, c’est elle. Et tout dans son comportement indique qu’il n’y a rien d’habituel. Tout indique qu’elle souffre. Des larmes sur ses joues à la culpabilité dans son regard. De son dos vouté à la façon dont elle joue nerveusement avec sa bague. Elle s’est saignée, pour pouvoir la lui offrir, cette bague. Des heures de travail en double durant des semaines, parce que Lola est un diamant, parce qu’elle est son bijou, parce qu’elle mérite le meilleur. Parce que Lola, elle représente ce qu’elle a de plus précieux en ce moment. Parce que Lola, c’est la famille dont elle a cruellement manqué. Celle qui l’a aimé, envers et contre tous. Celle qui l’a aimé, quoi qu’il puisse arriver. Aujourd’hui, elle peut lui rendre la pareille. Aujourd’hui, elle doit lui la pareille. Alors elle reste assise sur ce banc, prête à l’écouter. Au fond, elle sait qu’elle pourrait tout entendre. Parce que leur amitié surpasse tout. Leur amitié, c’est le genre d’amitié que rien ne peut détruire. Et si Lola lui avouait, maintenant, qu’elle venait de tuer quelqu’un, Meg l’aiderait sans nul doute à cacher le cadavre. Pourtant, les paroles de la brune sonnent comme un coup de massue. Elle ne s’attendait pas à cela, Meg. Surtout pas venant de Lola. Lola, la joie de vivre. Lola, la gaieté incarnée. Comment a-t-elle pu en venir à se battre, elle ? Alors qu’elle a toujours été celle qui retenait Meg et son sang beaucoup trop chaud. Comment a-t-elle pu se faire renvoyer de l’université, elle ? Alors qu’elle est celle qui a déjà sa vie toute tracée. - Quoi mais qu’est-ce… Le naturel revient au galop lorsqu’elle se souvient de sa promesse. De celle qu’elle lui a faite, quelques minutes seulement auparavant. La promesse de ne pas poser de questions. La promesse de l’écouter sans broncher. Mais comment l’aider, comment la rassurer, si elle ne sait pas ce qui se passe, hein ? C’est tellement difficile, de se sentir impuissante, une fois de plus. Pas vrai, Meg ? C’est tellement douloureux de sentir que cette fois encore, tu ne pourras pas soulager quelqu’un que tu aimes. - Lola, je sais que tu ne veux pas que je te pose de questions… Mais il n’y a rien de plus que tu veuilles me dire… ? Son regard vide se pose sur le visage de sa meilleure amie. De ce visage qui ne ressemble en rien à celui qu’elle connait. De ce visage qui n’est plus si joyeux. - Je te connais, mi hemarna. Je sais que tu ne ferais pas ça sans raison. Et elle ne veut pas la forcer à parler, alors qu’elle en est bien incapable elle-même. Mais elle veut être là pour elle. Être présente pour elle. Quoi qu’il puisse arriver. Parce que Lola l’a appelé, elle, et ce n’est pas un hasard.

derrière elles, lola entend résonner le tic-tac de l'horloge murale de fisher hall - un bruit de fond continuel qu'on vient normalement oublier... sauf dans les moments comme celui-là, lorsqu'elle semble tout à coup faire un raffut de tous les diables. l'attention de la magnétique ne peut s'en détacher ne serait-ce qu'une seule seconde ; dans son esprit, le bruit créé par l'infernal cliquetis s'intensifie à chaque instant un peu plus - menaçant de la rendre complètement chèvre. il vient même couvrir la voix enrouée de sa confidente qui ne lui parvient plus que comme un lointain murmure. "quoi mais qu’est-ce…" meg s'interrompt brutalement et pourtant, l'habituelle curiosité de la portoricaine n'en est pas titillée. parce qu'elle n'a - à présent - plus rien de commun avec ce qu'elle est, la solaire n'écoute pas - pas vraiment. comme dans un étant second, elle se contente de fixer l'horizon, l'air absent. les larmes et les traits déformés par la honte effacés, elle reste là - pantelante. "lola, je sais que tu ne veux pas que je te pose de questions... mais il n’y a rien de plus que tu veuilles me dire..?" la bague sans relâche triturée - le regard vide - elle ne fait pas plus attention à ce que son amie raconte. seulement, cette fois, elle sent son regard sur elle, insistant. c'est lui, qui la ramène à la réalité - du moins, autant que faire se peut. prise d'un sursaut, elle se tourne vers elle, l'air contrit. "oh lo siento. ¿qué?" l'espagnol ressort, comme toujours lorsqu'elle se trouve perturbée. et la perturbation n'est pas minime, non. maintenant que, peu à peu, l'adrénaline quitte le corps meurtri par la bagarre, le poids de la vérité ne vient l'écraser que plus encore. les pensées cauchemardesques qui l'assaillent suivent une sinistre boucle qui semble à jamais se répéter. et bien vite, une terrible prise de conscience lui glace le sang : le renvoi qui vient d'irrémédiablement compromettre son avenir est bien le dernier de ses soucis. parce que ce n'est pas la mine sévère du doyen qui vient réellement troubler son esprit tourmenté. c'est celle rieuse de rico. celle inquiète de tony. celle torturée de salva. parce que c'est ça le véritable problème. tout le reste n'est que fâcheuses conséquences d'un état d'esprit, fatalement engendré par la disparition de celui dont elle tait l'histoire. et le conscient bataille l'inconscient. l'un se veut rassurant, il rationalise alors que l'autre - enfoui - connaît la vérité qu'elle ne peut admettre. pour son propre bien, il faudrait cesser la lutte, admettre enfin l'évidence. mais elle n'est pas cette force lola, elle ne l'a jamais eu. ce n'est pas une battante, ce n'est pas meg. contrairement à son amie de toujours, jamais elle ne va pas au devant des problèmes, elle les fuit au contraire comme la peste. et c'est pour cette raison que malgré leur proximité, malgré la confiance qu'elle lui porte, la fascinante ne pourra se résoudre à lui avouer ce qui réellement l'anéanti. "je te connais, mi hemarna. je sais que tu ne ferais pas ça sans raison." le regard privé de son éclat habituel, elle fixe quelques secondes son amie en silence. elle ne sait comment lui expliquer ce qu'elle-même ne peut psalmodier. pourtant, elle mérite une explication. elle le lui doit pour toutes ces fois où elle a été là, toutes ces fois où elle s'est montrée d'un soutien sans faille. encore plus aujourd'hui, là qu'elle répond à l'appel et ce malgré les démons qui la dévorent de l'intérieur. parce qu'elle les voit lola, elle les voit se pencher sur son épaule pour la torturer un peu plus chaque jour. meg, elle s'éloigne et pourtant - en ce moment - elle est là. avec elle. alors, oui, elle a le droit de savoir. mais les mots - détenteurs de la vérité suprême - ne peuvent se former dans l'esprit embrouillé de la belle latina, ils restent désespérément comprimés en un amas confus de pensées destructives. le conscient impose toujours sa loi. alors, pour donner à son amie la réponse qu'elle ne peut lui refuser, elle se retrouve à rationaliser la situation, à trouver une excuse. ses méninges créent une échappatoire, une histoire qui n'est pas véritablement mensonge, pas véritablement vérité. "c'était pas sans raison." la voix éteinte, elle s'explique d'un ton las - comme robotisé. "j'étais déjà sur les nerfs et la gringa a fait une remarque qui m'a pas plu." jusque là, tous les mots qui passent ses lèvres ne sont que retranscription fidèle. jamais elle ne pourrait mentir à meg ; pourtant, elle sait manier le mensonge lola, c'est même l'une de ses grandes qualités. et elle n'a jamais eu aucun scrupule à s'en servir : amis, familles, elle a maintes et maintes fois manipulé les faits à son avantage. ils en ont tous été victime. tous sauf meg. c'est la grande exception, celle qui lui porte un respect trop grand pour qu'elle puisse s'y résoudre. "c'était raciste meg." encore une fois, aucun mensonge ne vient pervertir son âme solaire. "mais j'ai vraiment pas envie d'en parler. et tu m'as promis." vidée de toute énergie, elle s'exprime toujours de ce ton morne qui caractérise à la perfection ceux qui ont trop pleuré. ceux qui ont trop souffert. tu m'as promis meg. m'obliges à parler de tout ça, me fait pas souffrir plus.

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Les aveux l’assaillent. Les aveux viennent briser son cœur. Lola a été renvoyée à cause d’une bagarre. A cause d’une réaction violente. Trop violente. Mais elle sait, Meg, elle sait sans aucune hésitation que cette idiote a forcément provoqué sa sœur, pour qu’elle réagisse de la sorte. Elle la connait par cœur, elle la connait depuis des années, et elle ne l’a jamais vu avoir un quelconque geste de violence. Envers qui que ce soit. Et puis t’entends ce qu’elle te dit. T’entends le mot. Raciste. Lola a subit des injures racistes. Et elle sent déjà son cœur exploser, Meg. Le sang chaud qui bouillonne encore un peu plus. A cet instant précis, elle n’a qu’une envie. Se jeter sur cette fille à son tour et lui faire passer l’envie de poser une fois encore les yeux sur Lola. Au fond, c’est ce qu’elle aurait souhaité. Pouvoir être là, et réagir à la place de Lola. L’empêcher de faire une connerie pour cette fille sans cervelle. Parce que c’est toi, les poings, Meg. C’est vous, cette façon de procéder. Si seulement. Si seulement cela pouvait n’être que cela. Parce qu’elle voit bien que c’est plus profond. Elle voit bien que cette remarque l’a touché en plein cœur, et que ce n’est pas à cause de cette fille. Lola, elle a le cœur ensoleillé, peu importe ce qu’on peut lui dire. Peu importe ce qu’on peut penser d’elle. Il y a cette souffrance dans sa voix qui l’alarme, cette tristesse dans ses yeux qui l’inquiète. Pourtant, elle a promis. Elle a promis et Lola le lui rappelle. Foutue promesse de ne pas poser de question. Foutue promesse de passer sous silence ce que tu rêverais de lui dire. De lui demander. - Lola… Je suis désolée… Tellement. Tellement qu’elle ne peut pas l’imaginer. Tellement qu’elle serait même incapable de l’exprimer. Incapable de parler. Elle est tellement désolée qu’elle a envie d’hurler, de tout effacer. - J’ai envie d’exploser cette petite conne. Peut-être que t’es toujours là, un peu, au fond, Meg. Peut-être que t’es pas uniquement cette putain de carcasse sans vie. Peut-être que ton mordant réside encore au fond de ton cœur. C’est ce qu’elle voudrait, oui. La retrouver et lui faire regretter d’exister. Mais cela n’aidera pas Lola. Rien de ce qu’elle peut faire aidera Lola, en réalité. Elle ne peut qu’être là pour elle. Elle ne peut que lui montrer à quel point elle l’aime. A quel point elle la soutient. - Est-ce que tu es certaine que… C’est définitif… ? La brune a peut-être encore une chance de ne pas voir ses rêves s’envoler. La brune a peut-être encore une chance de se voir réintégrer. Si seulement elle pouvait parler au doyen. Si seulement il pouvait lui laisser une nouvelle chance. Parce qu’elle n’est en rien responsable de ce qui est arrivé. Parce qu’elle a été poussée à bout, et que tout le monde a le droit de craquer. - Est-ce que tu as pu expliquer ce qui s’est passé… ? Pragmatisme, Meg. Puisqu’elle ne veut pas ouvrir son cœur, seules les pensées logiques sont les bienvenues.