some kind of heaven (isabel)

some kind of heaven (ISABEL)

Sombre crépuscule tombé depuis longtemps sur les rues du quartier. Triste voile amer sur une ville éphémère. Âme solitaire en ce monde de bêtes féroces, en ce monde de femmes infâmes, où les hommes ne sont que poussières parmi les ténèbres. Il marche, seul, et s'enfonce dans les dédales de ruelles. Visage paralysé, les lèvres tremblent au gré du palpitant. Horrible mélodie qui résonne en son sein, fait écho aux Enfers qui crépitent dans son esprit de folie. Car la caboche est hantée par les souvenirs d'antan, surgissant des méandres du passé à chaque battement de cils. Un coup de poignard dans le cœur, les tripes se répandent au sol alors qu'apparaît le triste tableau d'une famille broyée dans une illusion passagère. Alors l'homme fuit pour enfuir ses images qu'il enterre d'une gorgée d'ivresse.

Les traits pâles, le regard est vidé tandis que se dessinent les contours d'une bâtisse connue. Honteux, le corps se fige sur le macadam. La vague à l'âme, il s'oublie quelques instants et les joues écarlates, replonge dans la détresse. En quête de tendresse, suppliant aux caresses. La carcasse pénètre les lieux, tremblante, frêle. Allure pathétique, miroir d'un vieillard aigri, cassé, détruit. Un arôme familier emplit les poumons - celui des clopes, de l'alcool, de sueurs. Le doux parfum des clubs de strip-tease, qu'il songe, alors qu'il s'enfonce dans l'obscurité. Les yeux se plissent, découvrent un horizon teinté de pourpre et de noirceur. Des corps qui frétillent devant quelques messieurs en proie à la rancœur. Phalanges effleurant les tissus de velours, le corps se dépose lourdement sur un siège reculé. Dans l'ombre et la pénombre, tentant de se cacher vainement de tous.

Créature délicate qui s'avance, les pognes attrapent le verre et avale le liquide doré en quelques douloureuses gorgées. L'incendie brûle sa gorge, secoue les organes et il crache des toux. Pathétique homme, une clope retrouve ses lèvres fines comme un réflexe qu'il avait longtemps cherché à taire. Une autre époque, un mariage et une femme odieuse. Le cœur se serre, les traits se déforment face au mépris. L'image s'efface vite, remplacé par le corps de poupée d'une demoiselle qui s'agite. Quel âge, putain, quelle vie, alors que l'esprit et ses mécanismes le mènent à songer à sa propre chair. Ses filles.

Les phalanges frottent ses deux billes sombres. Fatigué, épuisé, l'orchestre qui frappe son torse est las. Soupir léger qu'il crache du plus profond de son être, l'œillade cherche désespérément une femme à laquelle s'ancrer avant qu'il ne coule. Avant qu'il ne sombre vers les ténèbres. Là, face à lui, une douce créature de chair, beauté écarlate qu'il dévisage et qui fait crépiter son cœur. Sublime dame, innocente poupée qu'il désire du plus profond de son être. Les lippes se tordent en un sourire timide, discret. « Bonsoir. » qu'il ose lui hurler au travers la mélodie trop forte, trop laide, qui résonne entre les quatre murs.