figure de l'ombre.

traits de caractère / Avare de paroles, c’pas le plus bavard bastos, il économise à foison sa salive pour mieux la déglutir quand la colère lui plante un couteau au ventre. C’est un adepte du silence et du néant, mais bizarrement il pourrait t’écouter des heures parler sans jamais te couper. Le truand à la bonne oreille, celui qui finira la conversation en écrasant son mégot sur l’sol. Il aime être détesté, peut-être parce que d’penser qu’on puisse l’apprécier ça le fait flipper. Y’a la carapace au dessus de la peau, la violence qui l’habite et qui l’auto-détruit. C’pas un tactile, ni même un adepte du relationnel, ça l’fait frissonner à la première caresse sur le corps. Il prend, il profite et il s’barre, le bonheur à court terme et éphémère c’est sa meilleure concession. L’seul dead qu’il gère c’est la solitude et l’désir de se retrouver. Y’a pas beaucoup d’têtes sur le tableau, y’a même plus grand monde, des personnalités qui vont qui viennent parce que le sale gosse sait pas s’attacher à ce qui est important. Il vit dans les regrets, ou peut-être même les remords, y’a pas un jour où il tourne pas en rond dans son lit défait à s’demander ce que sa vie aurait pu être s’il avait été moins con. Faut bien l’avouer qu’il s’en passe des putain de trucs dans sa tête, c’est un film d’épouvante en 4K imaginaire, mais l’sourire placardé sur son visage il détourne toutes les attentions. Finalement vaut mieux l’détester, l’apprécier c’est se programmer à se faire brûler à feux doux. Et on trouvera peut-être en lui un fond de générosité, un talisman de pureté collé au coeur, encore faut-il s’accrocher et se débattre dans le tourment de sa nocivité.

ce père-là
Il était plutôt sympa celui-là, ou plutôt pas trop méchant. Le style non expressif, rarement l’bon mot pour réconforter les gosses mais y’avait comme une aura autour de lui qui faisait planer que tout irait bien. Une aura trop vite démantelée avec un verre d’trop dans l’nez combiné à l’échec des courses. C’était souvent dans la gueule d’la mère, puis il a trouvé comme un pêché mignon pour le fils. Moins d’vagues, moins d’bruits, moins de tout. Bastos qu’avait la gueule de l’emploi, on disait qu’il s’était encore battu avec le marmot d’en face pour une nana des réseaux qui faisait lever l’chapiteau. Bastos il est pas sûr d’le détester complètement, il est pas trop sûr de l’avoir aimé non plus mais y’avait quand même des parcelles de bonté dans son géniteur, fallait juste bien chercher. Il se souvient des promenades et du rire gras, de ses premières cascades sur un skate. il peut pas dire qu’il en d’vient nostalgique, ce serait déjà faire preuve de trop de bonté pour le batard qui hante la troisième rue plus loin.

cette mère-là
Y’a rien a dire sur elle, à part que c’est la fleur de ses prunelles et qu’elle a déjà trop souffert des maux du père. C’est une mère comme on les aime, elle dû juste verser plus de perles salées sur le carrelage de la cuisine que les autres. Il lui en veut pas bastos. Il lui en veut pas à son éternelle lumière qui s’éteint peu à peu de la maladie.

ce bastos-là
le bastos il est complètement paumé. Il passe son temps à vivre et faire survivre sa famille. Y’a plus grand chose qui compte, c’est comme un talent gâché par la vie. Il en garde son cynisme et ses manières détestables, le sale gosse caché sous le bonnet pour s’protéger des tempêtes. Il vit de violence et de chaos, il a pris goût au risque et aux blessures. En quête d’sa propre identité de truand, il est un peu comme la bouteille jetée à la mer qui cherche un destinataire. Sur son papier froissé faut décrypter qu’il est temps de l’aider, il est au fin fond d’un gouffre sans fond à la recherche de lumière. Mais il l’avoue au creux des reins de ses pétasses que le mal, ça l’habite et ça le démange. Son huile moteur de carrosse délabré.

cette fille-là
Faut croire que c’est lui qui a perdu au jeu du plus con. Faut croire qu’c’était pas une évidence qu’il finirait par se foutre en l’air pour une vraie salope des bas quartiers. Mais y’a sa peau qu’était trop douce, ses lèvres trop chaudes pour pas y succomber. Y’est tombé dans le désir autant qu’dans l’amour, l’infidèle s’était trouvé une rédemption dans ses draps froissés, la plus belle des poupées qui lui murmure dans les oreilles quand vient l’orgasme. Faut croire que c’était pas assez violent pour s’douter qu’elle le jetterait, qu’elle irait se faire tringler par un autre que lui parce que la soif d’cul et de diversité est insatiable. Comme des animaux qui s’aiment pour mieux se détester, c’était c’jour là qu’elle a osé lui dire que c’était terminé. C’pas le plus sensible mais il se souvient encore de l’aigreur qui lui a fait fondre le coeur, il l’a presque entendu se briser dans une douceur des plus macabres. Il se souvient encore de son parfum, de sa façon d’rire et surtout d’pleurer. C’était tout et c’était rien, et à la fin la pièce qu’il a lancé est tombée sur rien. Le game over des jeux d’arcades.


cette nuit-là
Y’avait comme cette douleur qui saignait abondamment du coeur depuis des jours, un mélange de chaud, d’froid, d’glacial et de brûlant, c’est presque en titubant qu’il est rentré se coucher cette nuit à zigzaguer entre les cadavres de bouteilles de whisky et les clopes mal éteintes. Il se souvient encore de la forme de la lune et de ses cratères, de la lumière éparse qui recouvrait l’bout du quartier qu’il avait regardé avant d’rentrer. Sale gosse qui rentre trop tard pour lui. Certains étaient accueillis de baisers et bastos il avait l’droit qu’à ses gros poings en colère qui cherchent une destination. Faut dire qu’il était habitué à la violence hebdomadaire du paternel. Encore une histoire de foutus chevaux qu’arrivent pas dans l’bon ordre. Et si le goût de sa main sur sa peau était devenue habituel au bord de l’ennui, ce soir-là c’était peut-être celui de trop. Y’avait comme une absence d’humanité quand bastos il s’est relevé. D’un calme effarant comme si l’messie marchait sur l’eau. Avant de plonger sur lui et l’frapper jusqu’à le laisser pour mort. Il se souvient même plus de sa tête. Que les bruits de ses poings sur lui et l’incroyable quintessence à le voir déglutir le liquide rougeâtre qu’il a trop fait cogner. C’était jouissif d’être celui qui frappe. Presque addictif. Suffit que la porte claque comme pour commencer une nouvelle vie à trois avec sa soeur. Mais y’a l’démon qu’est sorti ce soir-là, et d’puis il danse autour de lui.