but they don't see behind the shutters --/ jade.

La pluie déferle sur les fenêtres d’une mélopée appréciée, plongeant la pièce dans une semi-pénombre à mesure que la journée s’allonge. Quelques cendres s’écrasent sur les pages de son récent volume, qu’elle disperse d’un revers de la main avant de se débarrasser du surplus en tapotant sa cigarette contre l’ouverture de sa cannette de soda. Les pieds ballants sur son assise surélevée, son regard alterne entre les dernières aventures d’Harley Quinn et les messages apparaissant sur son portable – portrait d’une môme ennuyée par les affres de tout, de rien. Les quelques âmes présentes entre les murs miteux de l’auberge se sont faites relativement discrètes toute la journée, et aucune nouvelle n’a passé le seuil de l’entrée. Il y a des journées comme ça, où le silence est fastidieux, où la lassitude devient fâcheuse. La fumée d’une nouvelle bouffée s’échoue au plafond dans un amas grisâtre, obstruant un temps le faisceau de la lumière défectueuse. Seule une tête brune s’est échouée dans l’antre des frauduleux, enfermée depuis quelques heures dans le bureau. En connaissance de l’occupation qui l’accable depuis un bon moment déjà, elle s’est faite violence pour ne pas l’importuner dans sa tâche – reconnaissante de son aide pour ses déboires administratifs qui devraient l’incomber elle seule, et personne d’autre. Les soupirs qu’elle a distingué au travers le battant de bois l’ont, de toute façon, dissuadé d’infecter sa concentration jusqu’à présent. Mais elle en a désormais assez d’attendre, Jade ; celle dont la patience fait défaut à l’essence, dont l’ennui accable la tempérance. Le cadavre de la clope se percute sur le tapis de cendres au fond de la canette en aluminium tandis que sa carcasse émet quelques craquements en s’étirant, avant de refermer son magasine pour l’abandonner là. Tout en plaçant son téléphone dans la poche arrière de son denim, elle se penche légèrement pour attraper deux bières dans le frigidaire d’appoint, prévoyante sur la réaction adverse. Une esquisse se profile sur ses lèvres quand les grognements d’Ander l’accueillent, mais ses sourcils frémissent légèrement quand elle aperçoit le bâton qui s’allume entre ses doigts. « C'est l'putain d'bordel, là-dedans. Tu sais qu't'as pas payé la moitié de tes factures le mois dernier ? » Son regard se lève vers le plafond, légèrement excédée qu’il relève son manque de compétence – ou plutôt, d’assiduité – dans la tenue de ses finances. Un hm mh impertinent lui est retourné sans plus de considération, à peine ébranlée par les conséquences que peuvent engendrer un défaut de paiement – à peine ébranlée par les remontrances, surtout. « J'suis presque étonné que tes clients aient pas encore manqué d'eau chaude. » Un soupir se percute entre ses lippes conspiratrices, et les bouteilles rencontrent la table avec un soupçon de brutalité. « Ils ont d’l’eau, c’est déjà bien. » Insolence similaire mais sans aucune violence, les opales dans la défiance. « La bonne nouvelle, c'est qu't'as l'air d'avoir c'qu'il faut pour payer. » Son regard se baisse sur les feuilles éparpillées en soufflant sur les spirales de fumée égarées devant son visage. « J’l’aurais eu dans tous les cas. » Certitude inébranlable dans le timbre de la voix, de celle qu’on ne pouvait se permettre de remettre en cause. Celle qui affirme qu’elle trouverait toujours l’argent pour subvenir à ce genre de besoins – tout pour ne pas entacher les affaires, tout pour ne pas compromettre le toit au-dessus de la tête de sa sœur. Les prunelles charbonneuses se désintéressent rapidement des factures, qu’elle ne parvient pas à lire en se trouvant dans leur sens inverse, pour glisser l’une des bières au milieu, dans la direction du brun tatoué. « Tiens, j’t’apporte ta récompense. » Et, en même temps qu’elle lui tend la permission de relâche, elle se penche au-dessus de la surface pour se rapprocher de son visage, attrapant nonchalamment sa clope d’une œillade mutine. L’affront d’un merci silencieux dans le clin d’œil, l’instant d’en profiter lui fait malheureusement défaut. Le claquement de la porte d’entrée leur parvient en même temps qu’un « HOLMES ! » retentissant, dissimulant le fracas de la pluie qu’ils auraient pu oublier. « Quoi encore ? » Question rhétorique grommelée alors dans un énième soupir, cette fois-ci clairement exaspérée par les éclats qui se rapprochent. Seulement le temps de tendre la cigarette à son ami pour lui rendre qu’une silhouette mécontente vient obstruer le seuil de la pièce. « Tu vas me rendre mon argent petite pute ! » L’insulte effleure la carcasse de la concernée en s’infiltrant par chaque pore de son épiderme, mais c’est pour une toute autre raison que sa voix s’élève d’abord avec mesure. « Eh, vous n’avez pas l’droit d’entrer ici. » L’identité du graveleux lui revient en l’observant, visiblement client mécontent pour une quelconque prestation. Quand il lui beugle une nouvelle fois les mêmes divagations à quelques mots près, Jade abandonne toute politesse. Ses sourcils se froncent dans la méfiance, contrariété suintante dans les traits de son visage, tandis qu’elle tend la main dans sa direction pour l’inciter à reculer. « Sors de là. » Autorité cordiale dans le détachement de chacun de ses mots, comme un dernier avertissement à peine dissimulé - mais le regard qui se fracasse au sien à ce moment-là, n’a rien de la diplomatie qu’elle s’est forcée à avoir.