magnetised / d'shaun

Service du soir pour la millième fois et toujours les mêmes routiers pour rendre sa soirée plus amusante qu'elle ne le pensait. Quelques exceptions lui font grincer des dents. Le mot salope est lancé deux fois par un homme alcoolisé, sa main posée à son derrière une furtive fois avant qu'elle ne se baisse à la hauteur de son oreille et menace de la lui couper. Il n'y a aucun amusement dans les yeux de ce dernier lorsque Jo se relève, un sourire entendu sur les lèvres. Le reste de son service est agréable – assez pour lui faire oublier à quel point elle n'aime pas son boulot. Lorsqu'il est temps pour elle de partir, c'est rapidement qu'elle dit au revoir à ses collègues et aux quelques routiers qui se trouvent au comptoir. Un d'eux lui propose de partager une cigarette, les prunelles plus intéressées qu'elles ne le devraient. Jo refuse poliment et s'empresse de se glisser dans sa voiture, jetant un petit coup d’œil à son portable avant de mettre le contact. L'absence du nom de Moïse sur l'écran lui arrache une grimace. Elle devait déposer Zhara chez lui, ce soir. Qu'il ne soit pas là était une chose, mais qu'il ne daigne pas la prévenir en était une autre. À cet instant, Jo est partagée entre l'agacement et l'inquiétude. Elle tente de se dire qu'il n'y a rien de grave, que Moïse doit être dans les bras d'une femme à l'autre bout du Queens – ou dans ceux de Nine à deux pas de son appartement. De se persuader qu'il rentrera sans une égratignure, qu'elle l'engueulera et terminera par lui pardonner comme elle le fait tout le temps. C'est avec l'esprit tourmenté qu'elle prend la route et récupère Zhara chez Kenn. Il y a quelque chose dans le regard de ce dernier, une lueur qui lui prouve qu'elle a raison de s'inquiéter. Jo se retient de lui poser des questions, se contentant de le prendre dans ses bras avant de repartir. Elle sort doucement une Zhara endormie de sa voiture et la glisse dans son lit une fois rentrées, reconnaissante envers Kenn de lui avoir enfilé un pyjama avant qu'elle ne vienne la chercher. Elle s'empresse ensuite d'enfiler un short et un sweat qui appartiennent à D'Shaun avant de s'installer sur le canapé. Jo tourne les pages de son livre sans même lire ce qu'il y a d'écrit, trop préoccupée pour comprendre les mots devant ses yeux. Après deux heures d'attente, il est une heure du matin lorsque D'Shaun rentre, les traits aussi tirés que ceux de Kenn et les opales vingt fois plus tourmentées. Jo laisse tomber son livre sur la table et se relève, les sourcils froncés. – Bébé ? Elle s'approche de lui doucement, attrape sa main dans la sienne et entremêle leurs doigts. Sa paume libre se pose délicatement sur sa joue, alors qu'elle cherche son regard. Tout va bien ? Il y a son cœur qui accélère et ses jambes qui tremblent sous son poids. Elle s'attend au pire, Jo.

il est sur le point de rentrer chez lui d'shaun, les mains enfoncées dans la poche de son sweat, il n'aspire qu'à retrouver la chaleur de son appartement. se rêve déjà dans son canapé, les basses d'un vieux rap des années 90 pour seules compagnes, attendant patiemment le retour des femmes de sa vie. il en rêve tellement, qu'il hésite quelques secondes à répondre lorsque son portable se met à vibrer. et quand il décroche, une petite voix dans sa tête lui dit qu'il aurait du garder cet appel pour le lendemain, ou même le sur-lendemain. ouais, d'shaun, on a mis la main sur le gamin zuniga. son sang se fige, il reste planté au milieu de la rue déserte, il n'y a qu'un grognement qui lui échappe en guise de réponse. il, ils nous l'ont mis à l'envers, ils se sont barrés, ils ? moïse, c'moïse... il a foutu terrence au sol, il pisse l'sang. vous êtes où ?! l'adresse lâchée, c'est la rage au ventre et le cœur battant qu'il s'est rendu sur les lieux d'shaun. les explications lui ont été donné à la volée, son cerveau a chauffé si fort qu'il a cru pouvoir tourner de l'oeil. puis les heures se sont écoulées, et ils ont retourné les ruelles du queens, de long en large, agressant la première ombre venue. rien, ils n'ont rien trouvé.
le visage crispé, la mine fatiguée, il est plus d'une heure du matin quand il fait tourner les clés dans la serrure. il ouvre la porte, se contient pour la fermer en douceur. il est en nage, ses mains tremblent et un feu ardent brûle au creux de son bide. il prie pour ne trouver personne dans le salon, il prie pour que le canapé soit vide, tout ce qu'il souhaite c'est s'y effondrer pour ne plus jamais se réveiller. mais Dieu en a décidé autrement, à peine eu-t-il passé le couloir de l'entrée qu'elle est déjà debout, jo. il aperçoit le livre qu'elle vient d'abandonner, s'éternise sur la tenue qu'elle porte et les cernes qui maquillent son regard. elle l'attendait, comme toujours. la peur au ventre, comme toujours. Bébé ? hm. c'est tout ce qui s'échappe de sa bouche quand elle vient emmêler les doigts aux siens, il ne veut pas ouvrir ses lèvres, il veut garder la colère bouillonnante à l'intérieur, qu'elle détruise ses entrailles, mais ne se répande pas sur les murs de cet appartement. qu'elle ne s'en prenne pas à jo, ne réveille pas leur fille. il serre les dents, tente de demeurer silencieux. Tout va bien ? le contact de sa main contre sa joue devrait l'apaiser, mais ça ne fait qu'accélérer la combustion interne. j'voulais me calmer, réfléchir, avant que mon regard n'accroche le tiens. c'est trop tard. non. il se détache lentement, fait quelques pas dans le salon qu'il trouve tout de suite exiguë. ses mains passent à l'arrière de son crâne, il voudrait parvenir à se taire. figure toi que ton moïse est un foutu traître, il n'en croit pas un mot lui même, il pique gratuitement dans l'espoir de calmer ses nerfs, en vain. il regrette déjà ses paroles, mais il enchaîne, il se serait enfui avec le camé zuniga, après avoir exploser le nez de terrence, il a continué de tourner en rond autour de la table basse, avant de se laisser tomber sur l'assise du canapé, écrasant le bouquin de jo au passage. j'pensais qu'il été mort c'gamin. j'vais devoir le buter moi même. qu'il siffle, un soupir égaré lui échappe.