fatum (leila)

FATUM

Cheveux de jais
peau pâle ornée de sombre contours.
Leïla se fond dans le décor mais ressort comme une couleur vive.
Elle veut être invisible quand on ne voit soudain qu'elle.
Et lion qui se voudrait étincelant se fait l'effet d'un mirage qui se dissipe. inexistant
C'est drôle.
Drôle qu'elle soit incapable de voir celui qui aime être vu.
Drôle qu'il voit celle qui avait disparu.
celle qui n'est plus, mais qui est là.
juste quelques pas qu'il ne se résout pas à franchir, les doigts crispés sur le téléphone, coincé entre une myriade de possibilités qui l'asphyxie. Il peut l'oublier. Il peut l'approcher. Il peut la balancer, d'un simple sms, la coincer sur une photo envoyé par maladresse. La haïr pour sa fuite lâche ou s'enquérir de son état. Suinter d'ironie pour masquer l’écœurement, hurler de colère pour extérioriser la blessure.
La tuer ou la sauver.
Il tape des messages qu'il efface aussitôt, s'apprête à appeler sans jamais se décider. Y a quelque chose qui le retient sans qu'il puisse le définir, un truc venu de loin, inscrit depuis longtemps dans la chair. Ca ressemble à un lien ténu qu'il aurait presque oublié ou peut-être – seulement – le désir de ne pas tirer sur les proies avant de leur avoir donné leur chance de s'enfuir. Le complexe du héro qui n'en sera jamais un, coincé dans l'expectative. Jamais capable d'agir. Elle a pas l'air triste leïla, pas même désespérée. Elle a l'air de vivre, sans avoir la peau mutilée. Aucune excuses, aucunes raisons valables. aucune qu'il ne puisse voir. donc aucune qui ne se justifie. Et s'il avance vers elle c'est uniquement par loyauté – il dit – uniquement pour savoir, comprendre avant d'agir. Sonder le terrain avant le dénouement évident. C'est ce qu'il se dit quand il avance, quand ses pas mène à elle et son regard l'accroche. C'est ce qu'il se jure quand sa voix ironique s'insinue dans ses tympans. « tes vacances sont terminées ? »
retour au bercail, leïla.
Derrière eux, la porte de sa cage l'attend toujours. les chaînes encore à ses pieds.
Il a pas décidé lion, s'il la vend ou s'il la libère.

tes vacances sont terminés ?
le coeur qui s’emballe, surpris, apeuré. tu reconnais la voix, tes paupières se ferment d’instinct comme si tu pouvais disparaître. t’évaporer dans un nuage de fumée.
quelques mots suffisent à te ramener des mois en arrière. te replongeant aussitôt dans les abîmes que sont devenus tes souvenirs. les plus noirs de tes cauchemars. ce sont les soirées qui reprennent places, les rires gras de daniel et ceux qu’il appelait ses amis. ces heures où tu n’étais qu’un objet décoratif, trophée d’une vie parfaitement rangée en apparences. ces nuits où tes sourires t’étouffaient, ou les caresses n’étaient que torture sous les yeux de tous.
la douleur s’insinue de nouveau sous ta peau, tu ouvres les yeux, un soupir las t’échappe. tu lui as toujours pas accordé ton attention, mais tu le sens son sourire ironique. sa marque de fabrique.
tes vacances sont terminés.
ça résonne dans ton crâne. t’attrapes le verre de gin devant toi, en bois une gorgée, te maudissant d’avoir décidé de passer la soirée seule, dans ce putain de bar.
tu tournes enfin ton visage vers lui, le regard froid, le corps se tenant à distance. tu le toises, cherchant une trace de Daniel sur son corps. parce que ce n’est que lui que tu vois quand tu fixes le blond. un coup d’œil autour de vous, pour t’assurer qu’il n’est pas là.
mes vacances ? tu ricanes sans le vouloir. comme tu le vois, elles se passaient à merveille. tu lèves ton verre en guise de preuve. avant que tu te pointes, Lionel. tu pouvais pas tracer ta route. au lieu de jouer les mecs curieux. tu voudrais qu’il se barre, qu’il t’oublie.
t’as pas la force, de répondre aux questions. tu sais qu’il a joué les innocents, Daniel, comme toujours. c’est ce qu’il a toujours su faire de mieux, tromper son entourage pour paraître immaculé. tu veux bien lui laisser, cette opportunité de rester le petit ami parfait.

FATUM

Ni douce ni râpeuse.
Leïla est l'entre-deux, l'inconstance, oscille entre la chair de poule et les crocs d'acier. Jamais totalement l'un – ni l'autre – des réactions aléatoire qui lui mettent les nerfs à vif, toujours trop incompréhensible pour lion qui voudrait parvenir à tout saisir.
Même l'insaisissable.
« t'aurais pu m'envoyer une carte postale. » il s'assoit, s'impose, les dents serrées. Une pique qui tient plus de la fierté. Audace – malvenue - de croire que les années passées à se côtoyer avait fait d'eux des gens qui s'appréciaient assez pour ne pas s'enfuir sans un mot. Il sait, dans le fond, que la loyauté pour daniel ne fait pas tout. Leïla à prit son envol et à balayé d'un coup d'aile tout ce qui se rapprochait de son ex. même lui.
Mais lion a jamais été de ceux qui accepte d'être mis à l'écart.
Doué pour s'éloigner mais jamaisvoir s'éloigner.
Le sourire est amer quand elle pique. Vipère aguerrie, tous crochets dehors. Soudain il est l'ennemi, sans l'avoir demandé. mais peut-être cherché, pourtant de trop mauvaise foi pour l'avouer, il préfère se dire que leila à choisi son camp pour lui ce soir. « faut bien revenir à la réalité un jour. » celle qu'il incarne à l'instant, et tout ce que ça cache également. L'évidence que s'il l'a trouvé ce soir, il ne sera pas indéfiniment le seul. Si elle est douée pour disparaître, elle ne l'a pas fait assez loin pour qu'on l'oublie à jamais. « tu sais, le queens c'est pas si grand. » il sait pas vraiment si c'est une menace ou une vérité qui pourrait l'aider. Il navigue les yeux clôt, envahis par les émotions qui s'enchevêtrent.
Boule formé dans ses tripes.
« Daniel devait venir ici ce soir. » sa voix est calme et son regard se pose partout sauf sur elle. L'impression tenace de commettre une faute en avouant devant elle plutôt qu'en gardant le silence jusqu'à ce qu'il revienne un jour ici. Elle ne mériterait que ça, pas vrai? ses yeux se reposent sur elle, cherche une réaction, un frémissement, un voile de colère ou un élan de regret. « mais il a annulé. » vérité. Et bizarrement, ce qui l'avait ennuyé plus tôt dans la soirée le rassure maintenant.

il a l'humour bancal lion.
le sarcasme au bord des lèvres, qui t'irrite et te fait soupirer. il s'installe. tu aurais du t'en douter, qu'il ne prendrait pas le large. trop fier de t'avoir mis la main dessus pour te laisser filer, le fauve veut jouer avec la souris avant de se lasser. t'avales une nouvelle gorgée de gin, elle te reste en travers de la gorge quand il reprend la parole. sa réalité n'est pas la tienne. l'homme ne sait pas, n'a jamais su voir ce qui se cachait derrière l'ami de longue date. à ses yeux, tu n'es qu'une foutue déserteuse, l'ex à l'ego démesuré qui a préféré tiré un trait sur un passé qu'il croit banal. tu sais, le queens c'est pas si grand. comme un rappel à l'ordre, ton regard reste rivé sur le verre, le seul compagnon digne de ce nom. et ? tu crois que j'essaie de me cacher ? que tu lâches, acerbe, dissimulant une vérité trop dure à avouer. il a raison, le queens n'est pas immensse, new-york non plus, et si lui est là ce soir, daniel le sera aussi un jour. que feras-tu, une fois en face du bourreau ? tu inspires profondément avant de terminer ton verre d'une traite et d'en réclammer un autre au barman. un frisson désagréable te parcours, tu aimerais te lever de ce tabouret, prendre tes jambes à ton cou. mais elles refusent de répondre, t'es tétanisée, le coeur à l'agonie, le visage qui ne veut rien laisser transparaitre. ? Daniel devait venir ici ce soir. c'est la goutte d'eau, celle qui pourrait te faire sortir de tes gonds, le coeur qui s'emballe et les souvenirs désastreux qui t'attaquent de toute part. j'suppose que tu t'es empressé de lui dire que tu m'avais vu, ici ? que tu demandes, le regard noir, la voix qui déraille. putain... que tu souffles, passant une main tremblante dans tes cheveux. il fallait que tu viennes prendre la température parce que le grand daniel se remet pas de la rupture ? c'est ça ? tu t'enflammes sans même t'en apercevoir. qu'est-ce qu'il ta raconté, hum ? comme conneries qu'il comprenait pas, qu'il s'est retrouvé comme un con, qu'il est au bord du gouffre sans moi ? daniel, le joueur de violon professionnel. qu'est-ce que t'en as foutre de toute manière. t'as toujours été qu'un putain d'aveugle. toi, comme tout les autres. alors continues de l'être et casse toi. que tu craches, détournant tes yeux du blond pour ne pas laisser tes larmes s'exposer au grand jour.

FATUM

La décontraction est feinte, il le sait. Roi des faux semblants depuis si longtemps, il a apprit à déceler chez les autres ce qu'il s'évertue si bien à faire : tromper les apparences. Et la hargne de leïla a le goût de l'amertume, elle porte en étendard l'aveu qu'elle ne formule pas : elle aurait préféré qu'il ne la trouve pas. dieu sait pourquoi. « quand on disparaît sans laisser de trace c'est qu'on se cache, leïla » il sourit lion, pourtant ça l'amuse pas. Il trouve pas ça drôle de voir a quel point c'est vrai sans qu'il parvienne a comprendre pourquoi. Pourquoi elle a fait ça. Pourquoi elle a tout lâché. Pourquoi, même à lui, elle a rien dit. Planquée dans les ruelles du queens, pas si loin mais si déterminée à ne pas être trouvée. Il pourrait simplement le lui demander.
pourquoi leïla?
mais il dit rien lion. Il jauge sans un mot de plus, trop lâche pour poser la question parce que sans doute que – dans le fond – il sait que la réponse lui conviendrait pas. Il commande un autre verre en même temps qu'elle quand le barman répond à son appel, une manière d'affirmer – s'il en avait vraiment besoin – qu'il comptait pas s'évaporer ce soir simplement parce qu'elle affichait un air revêche. son regard la darde méchamment devant l'attaque, conscient de pas réellement pouvoir lui en vouloir. S'il a toujours apprécié leïla, il a jamais montré plus de loyauté à son égard qu'a celle de daniel, ça ne devrait alors pas le surprendre qu'elle s'attende à ce qu'il la balance si vite.
et pourtant.
il lui dirait bien qu'il a pas encore décidé quoi faire, un genre de drapeau blanc lancé maladroitement, mais elle préfère les armes leïla, elle préfère la guerre. Elle tempête – presque toute seule – avec sa voix glaciale et son self control qui fond comme neige au soleil. Il est rien qu'un spectateur de son désarroi mêlé à sa hargne, un spectacle qui fait naître l'ébauche d'un sourire et un pincement au cœur. « t'as fini? » placide. Dénué d'amertume qu'il présentait jusqu'alors. Un signe de tête au serveur qui pose le nouveau verre devant son nez. « t'es vraiment en train de me reprocher de rien voir alors que vous aviez vraisemblablement plein de choses à cacher ? » parce qu'il est évident qu'ils ont gardé leur jardin secret, une histoire à l'abri des regard. Et même si lion est de ceux qui détournent les yeux sans rechigner, leïla et daniel n'ont jamais été de ceux qui parlaient d'eux autrement qu'en éloges. Pas même leïla. Pas avec lui en tout cas. « j'ai rien dit a daniel. Pas encore. Et crois-moi j'me demande chaque seconde pourquoi je t'ai pas déjà balancé, tu mériterais pas mieux que ça. » simplement pour l'égo froissé – et la déception – pourtant dans le fond, il en pense pas un mot. La sensation tenace que faire ce choix-là – parler a daniel – ça serait déclencher un cataclysme dont il ne veut pas porter la culpabilité. Pour l'instant. « [color:aa65=999966]et j'ai rien a te raconter sur lui non plus, qu'il pleure ou qu'il baise tout ce qui passe, qu'est-ce que ça peut bien te faire, hein ? » rien. Normalement. « t'as des regrets? » grinçant d'ironie. Sans bien savoir pourquoi.

» kill our way to heaven / leïla