on se divertit comme on peut sur terre | caïn & chiara

ft. caïn

☾☾ Jolie Chiara qui se laisse avoir par ses mensonges, se laisser berner lorsqu’il prétend être allé voir ailleurs, bien connaître le marché. Alors soit, elle montera au-delà des trois cents dollars qu’elle est supposée lui donner, disons trois cent cinquante – elle sait que dans ce milieu même dix billets peuvent faire la différence, suffit de parvenir à tomber au-dessus du prix de la concurrence –, quatre cents, même, parce qu’il a une belle gueule. Le verdict qui tombe après s’être remémoré les pièces qu’il lui a présenté et les prunelles qui reviennent instantanément se braquer sur lui, son regard qu’elle voit remonter lentement vers le sien, à croire qu’il est en 3G chez Free pour être aussi lent d’un coup, et enfin leurs regards se captent, un éclat de rire qu’elle entend résonner dans la boutique. Apparemment y a quelque chose d’hilarant dans toute cette situation et elle n’est pas suffisamment stupide pour s’imaginer que ce soit bon signe, lorsqu’un accord juteux est prêt d’être passé on n’éclate pas de rire, normalement, un faux sourire amusé qui se dessine sur ses lèvres mais le regard qu’elle soutient, dur, le regard de celle qui ne faiblit pas, ne reviendra pas sur son offre. Même lorsqu’il réclame qu’elle fasse « un effort », remet en cause son estimation.

- Faire un effort ? Mais qu’est-ce que tu crois que je fais, là, au juste ?

Un effort, c’est ce qu’elle fait en lui proposant cent dollars supplémentaires au prix réglementaire. C’est ce qu’elle fait en prenant le risque de se faire taper sur les doigts par son patron car elle ne lui aura pas assuré un bénéfice maximal, la jeune femme qui se rend seulement compte de son erreur, se rend compte qu’elle aurait dû commencer par lui parler de trois cent dollars pour ensuite monter l’offre de cent. Mais elle a pensé qu’à un tel prix il aurait déjà quitté les lieux depuis cinq minutes, sans même prendre le temps de le contester, qu’en présentant dès le début une offre « généreuse » y avait peut-être moyen qu’il se laisse convaincre. Mais elle a de toute évidence mal calculé son coup, tant pis, c’est peut-être encore rattrapable, il faut que ce soit rattrapable en réalité car y a pas moyen qu’elle le laisse repartir avec cinq cent billets dans la poche, comme il vient de le réclamer, pas moyen non plus qu’elle le laisse repartir avec ces vêtements. La tête qu’elle secoue doucement, mince sourire en coin car elle est plus que plutôt mignonne et elle le sait, rares sont les personne ayant l’audace de dévaluer ainsi sa beauté, en réalité, le visage doux mais le ton impératif lorsqu’elle lui répond :

- Non. Cinq cent c’est trop pour ce que ça vaut, je comprends que ce doit être dur à comprendre pour un type comme toi qui n’y connaît rien, et pourtant c’est bien les prix en vigueur sur le marché. Si tu voulais les revendre plein pot, ou même juste plus cher fallait faire autre chose, les mettre sur United Wardrobe ou quoi, et même là les articles sont bradés, personne achètera ton sweat si tu le mets à six cent. C’est le principe de la seconde main, tu retrouveras jamais l’argent que t’as mis dans ces fringues.

Audacieuse Chiara qui se permet de dire qu’il n’y connaît rien lorsque deux minutes plus tôt, c’est lui qui lui démontrait par A+B qu’elle était l’ignare de la pièce. Mais c’est de bonne guerre, la jeune femme si charitable qui se sent obligée de lui expliquer le concept de revente, essaie de lui faire rentrer dans le crâne qu’il a tout intérêt à faire affaire avec elle car il ne trouvera pas mieux ailleurs, sauf peut-être sur cette application mais faut attendre, faire les colis, expédier… Vu le peu de patience qu’il semble avoir, son petit doigt lui dit que ce moyen n’est pas fait pour lui.

- Ravie d’apprendre que t’as pas l’intention de négocier car moi non plus, c’est bien de voir qu’on est face à quelqu’un qui tient ce qu’il dit.

Une pointe de sarcasme justement dosée dans sa voix, elle reprend sans attendre :

- J’suis pas une marchande de tapis pour passer les trente minutes à venir à augmenter le prix centime par centime, puis de toute façon… Tu sais quoi ? C’est pas mon magasin ça, j’suis pas gérante ici donc t’auras beau me mettre autant la pression que tu veux, faut bien que tu comprennes que j’pourrais pas augmenter le prix à ta guise. C’est pas moi qui gère tout ça, qui fixe les prix de rachat, alors j’te propose quatre cent, c’est déjà trop et c’est mon maximum.

Une réponse qui ne doit pas lui plaire puisqu’après lui avoir dit qu’elle ne parviendra pas à l’entuber il réajuste son sac, s’approche pour attraper la poignée, direction la sortie. Leurs corps toujours plus proches et Chiara prise en étau entre lui et la porte – parfait, tant qu’elle bloque la porte tout va bien –, si elle était une gamine gauche et rougissante son cœur battrait probablement déjà la chamade et elle ne parviendrait plus à réfléchir correctement, la faute à ce regard en amande, ces cils trop longs et ce sourire charmant même lorsqu’il transpire le désabusement. Mais heureusement pour elle, elle n’est pas comme ça. Heureusement pour elle elle est habituée aux beaux visages et à la proximité des hommes – son autre métier oblige –, sait se tenir si besoin, résister à l’appel instinctif des corps. Et c’est les yeux parfaitement en face des trous et les idées bien en place qu’elle lui répond :

- Je cherche pas à te faire perdre la notion de leurs prix…

Si, parfaitement.

- … seulement à faire affaire avec toi. On va pas se mentir, on a tous les deux un intérêt à gagner là-dedans. Toi tu revends ces fringues – pour une obscure raison qui m’échappe toujours –, t’as de l’argent à gagner, donc, et moi j’ai besoin de ces vêtements pour la boutique. Problème, j’ai les mains liées, je fixe pas les prix. Mais y a forcément moyen de s’arranger.

Pour la première fois depuis le début de leur échange, elle joue carte sur tables, Chiara. Enfin… Elle joue cartes sur table à sa manière, tait combien elle a besoin de ces vêtements car la journée a été désastreuse, craint trop qu’il retourne cette information contre elle à la première occasion. Elle espère que l’ « honnêteté » suffira à le convaincre de rester mais manifestement non car déjà elle entend la poignée de la porte tourner – malgré sa présence juste devant –, pose alors sa main sur le poignet tatoué du garçon pour arrêter son geste.

- Quatre cent cinquante, allez, si tu veux. Mais j’monterais pas plus haut, pour de vrai, c’est à prendre ou à laisser.

Le regard assuré braqué dans le sien, elle n’en démordra pas, est très sérieuse lorsqu’elle prétend que c’est son dernier prix.

- Où t’espères aller comme ça ? Ailleurs, à la conquête des billets verts en échange de tes vêtements ? Mais t’as vraiment rien compris à ce que je t’ai dit, hein. Tu trouveras pas mieux ailleurs, les gens ils vont pas te filer moitié plus que ce qu’ils devraient comme moi j’suis prête à le faire.

feat Chiara Lawrence

☾☾ Il en a marre Caïn, marre de cette fille, marre de sa boutique à l’odeur qui lui pique le nez. Et au-dessus du lot, en tête du classement : marre de son entêtement à celle-là. Ils ne sont pas d’accord sur le prix les deux  jeunes adultes. Lui souhaite en soutirer minimum cinq billet et elle, n’est pas prête à en mettre plus de quatre cent. Si pour la jolie blonde son offre est au maximum, qu’elle ne peut pas rajouter cinquante billet à la mise alors c’est peine perdue. Et c’est ce qu’il souhaite lui faire comprendre en disant qu’il n’a pas envie de retourner au comptoir, faire toute cette mise en scène pour finalement arriver au même point qui est, qu’ils ne sont absolument pas d’accord.

Il fait comprendre son mécontentement le beau brun, la regarde - d’un air clairement blasé - déblatérer une énième fois sur le fait que personne en ville ne reprendra à un meilleur prix que sa boutique les vêtements. Le discours qu’il écoute qu’à moitié en fixant plutôt l’extérieur de la boutique, les voitures qui défilent sur la route, les passants qui se bousculent comme trop souvent sur les trottoirs new yorkais car cette ville est vendeuse de stress, constamment. Et y’a ce mot qui l’interpelle dans le dialogue de la poupée, cette application dont elle parle. Donc c’est vrai ? il pourrait surement en tirer un prix plus confortable à l’unité sur ce genre de site de revente dont il a lu quelques trucs sur internet ? Il sait pas trop comment tout ça marche mais peut-être qu’il peut tenter.

« Sur ces applications même si on me reprend rien que le pull 200 balles je serais gagnant comparait à ici, arrête de me prendre pour une bonne poire. »

En réalité il sait même pas si ce qu’il dit est vrai mais il fait semblant, comme toujours. Le beau brun qui regarde la très jolie blonde commencer à légèrement s’énerver, lui avouer que ce magasin n’est pas le sien et qu’elle a aucun droit sur les prix fixés, elle, elle ne fait qu’appliquer. Il hausse alors les épaules, fait la grimace un instant.

« Et moi j’ai pas toute ma vie non plus pour grappiller cent billet, donc si tu peux te pousser pour me laisser passer ça serait cool ma belle, car depuis tout à l’heure c’est toi qui me retient et non pas le contraire. C’est pas de ma faute si tu peux pas m’offrir plus, j’vais pas accepter une somme de merde juste pour tes beaux yeux. »

Du moins, vraiment pas pour elle. Pour une autre ç’aurait pu se faire tout en grappillant un rendez-vous, car faut pas laisser passer une telle beauté de côté. Mais là … Non, il n’est pas intéressé le brun. Et déjà, il s’avance, attrape la poigné de porte pour mieux être retenue, une fois de plus. Il s’apprête à être cinglant le tatoué, prêt à lui dire qu’elle commence à sérieusement lui casser les couilles mais elle reprend déjà la parole la pipelette, la main posé sur son avant-bras pour l’immobiliser le temps de finir ce qu’elle a à dire.

« Tant pis, t’as perdu l’affaire pour cinquante billet, je maintiens je descends pas mon prix, j'ai très bien compris mais j'en ai rien à foutre. »

Et déjà, il tire sur son bras pour qu’elle n’ait plus d’emprise sur lui, la décale de l’accès à la porte gentiment et ouvre celle-ci en grand, prêt à se tirer. Le grand garçon qui sourit en coin en l’entendant lui faire comprendre qu’il est con de s’en aller pour une poignée de billet en plus. Surement ouais, mais il est borné Cain, tout autant qu’elle du moins. Puis ça lui fera les pieds à cette garce de perdre un client pour si peu, elle avait qu’à bien lui parler dès le départ. Tout aurait pu mieux se passer.

Mais maintenant c’est trop tard, et c’est sans regret qu’il sort de la boutique, fait deux pas, se tourne et la regarde cette mignonne petite blonde à l’air renfrogné, las d’avoir perdu son potentiel client de la journée.

« Tu pourras toujours dire à ton patron que c’est un con, qu’il ne risque pas de faire des bonnes affaires si ses prix pour du rachat de luxe ne sont pas du tout approprié. Et dire à la vendeuse qu’elle ferait mieux de ne pas traiter les gens de voleur sans réelle preuve, à moins d’accepter les conséquences et le prix de rachat que le client souhaite, à cinquante dollar près. »

Un clin d’œil, un salut militaire et il se casse le brun, la démarche toujours aussi nonchalante, une main qui vient se plonger dans l’une des poches de son jean et voilà qu’il tourne au premier tournant, sans trop savoir comment il va faire pour vendre toute cette merde à bon prix.

Il a plus le temps pour les bêtises dorénavant.

ft. caïn

☾☾ Une affaire qui s’annonce infructueuse et pourtant elle n’en voit rien, refuse de le voir, enfile ses plus belles œillères pour s’assurer de ne rien voir des signaux que lui envoie cette situation, que lui envoie ce jeune homme. Et pourtant ça se sent que c’est déjà foutu, ça se sent qu’il ne l’écoute même pas lorsqu’elle tente une énième fois de le convaincre, mais elle est comme ça Chiara, elle n’accepte pas la défaite, se convainc elle-même de tirer toutes les ficelles, d’avoir absolument tout sous contrôle jusqu’au moment où ça lui explose à la figure, qu’il ne lui reste plus qu’à accepter la dure vérité, n’a plus que ses yeux clairs pour pleurer. Aussi elle ne se démonte pas lorsqu’il commence à lui parler de l’application, qu’il tente de retourner à son avantage l’information qu’elle vient de lui donner, un sourire attendri peinturluré sur ses lèvres lorsqu’elle lui répond :

- Deux cent, hein ? T’es naïf, c’est mignon. Comme tu parles de bonne poire, faudrait que tu tombes sur l’une d’entre elles pour réussir à le refourguer à un tel prix. Cette appli c’est comme les vide-greniers hein, les gens ils sont là pour racheter au prix le plus bas. Suffit que le type d’à côté le vende à cent cinquante et pouf, l’affaire te claque entre les doigts.

Les doigts qui viennent claquer sous son nez pour mieux illustrer ses mots, lueur joueuse dans le regard. Car probablement qu’il a raison lorsqu’il prétend que cette application sera plus intéressante pour lui que sa boutique et elle le sait, audacieuse Chiara qui s’efforce encore et toujours de lui faire gober ce qui l’arrange, lorsqu’il vient pourtant de lui commander le contraire. La jeune femme qui s’accroche, encore et toujours où elle peut lorsqu’elle lui fait comprendre que de toute manière cette boutique n’est pas la sienne, que ces prix ne sont pas les siens, la réponse qui ne se fait pas attendre, ça ne l’intéresse pas, il veut juste partir, qualifie son offre de « somme de merde » et le sourire trop grand, trop blanc qu’elle lui adresse suite à ces mots.

- Si ça c’est une somme de merde, j’ose pas imaginer ce qu’auraient été les trois cent dollars réglementaires que j’suis supposée te filer à la base… Que n’importe quelle friperie te proposera finalement, à part si tu sautes la vendeuse derrière le comptoir peut-être, mais ce serait un peu triste pour toi d’en arriver là pour trois pauvres vêtements.

Les épaules qu’elle hausse, moue désolée pour lui mais pas crédible pour un sou, ses doigts fins se referment sur son poignet lorsqu’il s’apprête à partir pour tenter un dernier truc, ultime tentative, les mots qui s’éclipsent rapidement hors de sa bouche, sans succès. Il veut rien entendre ce gosse de riche au cerveau juste assez existant pour être borné, et c’est sans plus se battre qu’elle le laisse dégager son bras, se laisse elle-même décaler à côté de la porte, ne répond rien lorsqu’il scande qu’il ne reviendra pas sur sa décisions. Elle ne va pas se mettre à genoux, le supplier non plus, faut pas déconner. Le sale gosse qu’elle voit sortir de la boutique, s’éloigner un peu, comme craignant qu’elle ne le retienne une fois de plus entre ces murs, elle fait un pas pour venir se caler dans l’encadrement de la porte, hausse les sourcils d’un air vaguement amusé en l’entendant lui sortir sa petite tirade digne du discours de démission de Bridget Jones.

- Tu sais que tu peux lui dire en face à la vendeuse, hein… A croire que le courage coule pas naturellement dans le sang des riches.

Les épaules qu’elle hausse, une énième fois elle appuie sur leur différence de statut car il lui a bien fait comprendre qu’à ses yeux elle n’était qu’une gueuse et elle peut vivre avec cela, le sourire et la légèreté de façade lorsqu’en réalité elle fulmine, se demande bien comment elle va parvenir à sauver cette après-midi désastreuse. Elle l’envoie à tous les diables ce Caïn, lui souhaite de finir par refourguer ces fringues pour moins que ce qu’elle lui a proposé – de toute façon il est mal parti pour trouver mieux, elle vient de le voir tourner dans une impasse. Le garçon de toute évidence pas débrouillard pour un sou, dire qu’il est mal barré serait un euphémisme, et la porte que déjà elle referme derrière elle, regagne les affres de cette boutique miteuse ; l’odeur vieillotte pour une fois troublée par des effluves, ténues mais bel et bien existantes, du parfum de son client mécontent. Une odeur de menthe.