mescaline

'personne ne peut détester quelqu'un capable de faire un nœud à partir d'une queue de cerise' en quelques mots la définition même de celui qui d'un trait d'humour cornu module l'ambiance de toute une pièce; magnétisme ravageur , personnalité indépendante et particulièrement capricieuse (subordonnée aux brimbalements d'une humeur tantôt morose, tantôt accorte).
Le russkov est plaisant qu'on dit, agréable à côtoyer, malgré l'incandescence au fond du cristallin attractive, il passe de séraphin à suppôt porteur de cornes : sa vie est maturée sur le fil du rasoir.
Rafales de risettes kalach. il sert ses ambitions d'une ferveur quasi religieuse et si le corps parsemé d'arabesques couleur ébène suggère une dévotion au tout puissant (des madones, des psaumes sans compter l'insolente croix qui aveugle ses amantes portée autour d'un cou délié), il n'en est rien lorsque l'on observe la kyrielle d'erreurs amassées jusque là : il est manipulateur, de ceux que l'on évoque avec pétoche et  admiration malsaine mais que l'on maudit avec autant de véhémence.
c'est un oiseau rapace, la chasse est libératrice, les cieux trop circonscrits.

- Hé, Staline, raconte-nous la fois où tu t'es retrouvé à poil sur l'interstate 80 entre Joliet et Des Moines ? - les mouftons rient à gorges déployées (on apercevrait presque les amygdales flanquant leurs glottes et les chewing-gum goût mentholé collés à des molaires rarement atteintes par leurs brosses). L'anecdote fait marrer : évidemment, racontée sur un ton plus que léger, un sourire accroché aux lèvres, à grand renfort de gestes clownesques. Andreï sait planter le décor, inflexions ensorcelantes d'une voix molestée par les pantalonnades hormonales, des années à raffiner le processus : le secret réside dans l'attitude. Elle se veut désinvolte, mutine, chafouine; elle se veut pleine à craquer d'arcanes. Les pupilles pétillent, l'attention se concentre et l'illusion annexe les pans autrefois alloués au scepticisme.
- Quelqu'un peut bien m'filer une Blue Moon, j'ai b'soin d'mettre en condition - lance l'ado russe, accent déformant des phrases  dont les principales règles de grammaire semblent  absentes. A 3$ la bouteille, certains s'y accrochent comme à la carte de crédit réservée aux cas d'extrême urgence (impliquant de près comme de loin la perte d'une quantité de sang considérable).
Il s'installe ,conteur aguerri, sur le capot d'une chevrolet retapée à l'arrache - la poussière et la boue qui maculent le véhicule ne le terrifient pas -, les phares sont allumés, ses cheveux portés mi longs - Jordan Catalano-like - lui confèrent des airs grunges qui lui valent l'admiration des quelques gonzesses qui ne répondent pas à la tare raciale.
A dire vrai, l'anecdote qu'il s'apprête à raconter n'a absolument rien de marrant : se retrouver enfermé dans le coffre d'une voiture , après avoir été raflé à deux pattés de maison par un associé à son oncle (fortement mécontent, passablement enclin à utiliser l'arme de poing coincée sous l'élastique de son jogging en peau de pêche de la célèbre marque à trois bandes) pour des raisons qui lui échappaient à l'époque  - et lui échappent toujours, bien qu'il ait tout de même une vague idée - représente l'apoastre du sentiment de peur. Pourtant, avec le recul, il en fait un sketch et son auditoire est incapable de discerner le bobard d'une vérité difficile à entendre.

- Androuchka, idi siouda ! Personne n'ignore Vladimir Vladimirovitch Tsarov, pas même Andrei dont la jeunesse s'exprime par un nihilisme maladif (dirigé vers toute figure d'autorité parentale susceptible de lui en faire voir de toutes les couleurs) et qui pourtant s'exécute, vingtaine dans les dents et rage de percer au sein d'un milieu qui en a vu abandonner plus d'un. Il ne paie pas de mine et ne plastronne en aucun cas devant le quinquagénaire qui le fusille du regard, l'air d'être détenteur d'un savoir qui échappe clairement au subordonné. - Chez nous, faire rire la galerie c'est pour les clowns, Andrei - le surnom affectueux se retrouve effacé par la dureté de mots dont il n'est guère étranger. Pas la première fois qu'il assiste à des remontrances, pas du tout la première fois qu'il s'apprête à déguster un sermon digne d'un prédicateur orthodoxe. C'est la merde songe Drei qui s'installe face à son oncle, sans pour autant paraître penaud (l'expression de son masochisme). Travailler dans la comédie au lieu de prendre les armes, accepter un empire bâti à partir des ossatures de tous ceux qui s'y sont confrontés. Un délire auquel il refuse de se soumettre. New york n'était pas une si bonne idée, tout compte fait pense le jeune homme alors qu'il décide de s'affranchir d'un joug patriarcal.
Comment il se retrouve à boire du champagne avec des producteurs, à baratiner les petites starlettes  n'hésitant pas à démarcher sur les réseaux sociaux : aucune idée, une réaction en cascade impliquant quelques poignées de mains, quelques flirts éhontés et beaucoup, beaucoup d'audace.
C'est entre deux conversations pub qu'il pose le regard sur Arya Warren, elle rayonne et l'insecte se retrouve tout près de l'astre, besoin vital de se diriger, le mouvement est naturel et primal. Indépendant de cette volonté pourtant mordante qui le caractérise; le rapprochement est aussi inattendu que légitime et bientôt, la sylphide amène du contraste sur un quotidien détesté, morne.
Souffle parfois les vents d'un tango qui mène à bâbord et à tribord tanguant ne sachant finalement jamais sur quel pied danser; tantôt décisionnaire, tantôt pantelant face à l'incarnation. Malgré l'écart, onze années.
Pygmalion et Galatée