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 you saved me. //Inko

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Message Sujet: you saved me. //Inko   you saved me. //Inko Empty Jeu 20 Déc - 5:27


☽ ☽ ☽
{ you saved me }


Le réveillon de Noël et les festivités approchent à grands pas. Comme à chaque année, tu es toujours en retard dans tes achats; souvent dernière minute avec ton boulot qui te prend tout ton temps et ton énergie. Pourtant, comme à chaque année, tu es organisé et t'as déjà fait la liste des cadeaux que tu désires acheter pour tes proches. T'aurais clairement pu les acheter, il y a de cela des semaines, voir des mois, mais comme à chaque fois tu te réveilles un bon matin le cœur en panique parce que tu vois la date fatidique approchée. Heureusement, étant donné que les vacances arrivent bientôt; ton patron te permet de travailler de la maison et tu n'as pas l'angoisse supplémentaire de devoir te rendre au bureau pour bosser jusqu'à pas d'heures. Tu pourrais faire tes achats en ligne, mais tu préfères te rendre directement dans les magasins à la rencontre de ces commerçants qui sont toujours autant heureux de t'accueillir à quelques jours à peine de Noël. T'aimes l'ambiance qui règne dans les rues, les gens qui sont comme toi; dans la course folle des derniers préparatifs, mais qui ont tout de même le sourire. En tout cas, toi c'est cet état d'esprit que tu arbores. Comme chaque journée de la semaine, tu débutes ta matinée par un grand bol de café noir tout en lisant l'actualité des les journaux. Nouvelles déprimantes, peu de choses qui réchauffent le cœur; comme si la planète courait doucement et dangereusement à sa perte. Pourtant, tu souhaites demeurer informer, tu souhaites demeurer active et connaître les enjeux, les opinions. T'es une femme engagée et tu t'es donnée le mandat de femme engagée et de citoyenne de toujours demeurer à l'affut et non dans l'ignorance ou le « je m'en foutisme». Après la lecture intégrale des journaux, tu ouvres ton ordinateur portable qui est devenu une extension de toi-même, un prolongement de ton existence, ton meilleur allié dans ton boulot. Puis, tu prends soin d'aller lire tes courriels tout en avalant ton petit déjeuné sur le pouce. T'es multi-tâches et tu ne souhaites pas perdre une minute, impossible pour toi de demeurer dans l'inaction. Donc, tu bosses une partie de la journée prenant soin de vérifier ton horaire et également les heures de fermeture des commerces, tu ne souhaites pas te retrouver le nez dans la porte avec la pancarte "fermé". Tu planifies tout au quart de tour, tu as l'entier contrôle sur ta vie ou ton existence, du moins c'est ce que ça laisse présager alors qu'au final; on sait pertinemment que l'humain n'a pas le contrôle. La vie décide parfois pour nous, la vie est un enchaînement de choix et de décisions. Ceux qui croient au destin diront que celui-ci vient mettre son grain de sel dans l'engrenage. Tu quittes ton appartement en début d'après-midi, tu t'habilles adéquatement pour la saison et t'affrontes le froid pour prendre le chemin du quartier le plus commercial dans le but d'effectuer tes achats. Armée de ta liste, tu es prête à affronter l'achalandage et l'impatience des gens. T'as le cœur léger Asma, comme bien souvent.

Étrangement le moment que tu prends pour effectuer tes emplettes de retardataire, ça te permet également de souffler un peu et de "profiter du moment présent" décrochant de la pression que peut t'amener tes obligations professionnelles. Tu prends soin de discuter avec les commerçants, tu prends le temps. Ce temps qui semble s'écouler à une vitesse folle d'ailleurs. Tu jettes un regard sur ta liste, où on y découvre ton écriture délicate et soigné. Tu as pensé à acheter un présent pour ta mère, pour ton père, et tes amis proches aussi. T'aimes aussi acheter du papier emballages et emballer tes présents; les orner de choux et de décorations diverses. T'as l'esprit créatif et des doigts de fée. Méticuleuse, tout ce que tu fais, tout ce que tu touches semble prendre une tournure un peu plus soigné qu'à l'ordinaire. Tu prends soin de t'arrêter dans ce magasin artisanale comme à chaque année. C'est un couple arabe qui sont propriétaire des lieux et t'aimes bien t'y rendre pour voir leurs nouveautés, ça te donne l'impression de rentrer un peu chez toi à Briska. Bien sûr, New-York c'est chez toi et t'as grandi sur le sol américain, mais outre le noyau familial composé de tes parents et toi, l'ensemble du reste de ta famille demeure toujours là-bas. Du coup, tu pousses la porte du commerce pour t'y engouffrer. La femme est là, derrière son comptoir et te sourit en t'apercevant. Elle te fait penser à une tante que tu as; une femme douce, et d'une grande droiture un peu comme toi d'ailleurs. «sabah alkhyr» (bonjour) Que tu dis simplement, dans cette langue que tu connais. Ton air doux au visage, tu fais les rayons te laissant enivrer par les parfums et les couleurs présentes. Évidemment, tu n'en ressors pas les mains vides et t'achètes des petits pots contenant des épices que ta mère adore. Ta liste raccourci et tu te rends compte que t'as pas mal tout ce que tu avais besoin. Une neige tombe rendant la visibilité un peu plus complexe, les trottoirs sont légèrement glissant et tu dois t'assurer de bien poser les pieds pour ne pas chuter; fesses contre terre. L'air te fouette le visage, alors que tu marches tranquillement sur le trottoir tes sacs dans chaque mains. Tu penses à tes parents, tu penses au repas de Noël qui sera encore génial cette année comme à chaque fois. Tes pas s'engagent pour descendre du trottoir et traverser cette rue passante. Léger regard de droite à gauche et c'est partie. Les prochaines secondes sont presque irréelles, y'a un bruit de crissement de pneus contre le sol et ce bruit sourd lorsque la carcasse de la bagnole te percute venant à projeter ton petit corps sur quelques mètres. Ton petit corps qui embrasse la bitume glacée et enneigé; ce même petit corps qui finit par s'immobiliser. Tout ça se déroule trop rapidement pour que tu puisses y saisir quoi que ce soit. Pourtant, tes prunelles sont rivés sur le ciel. Y'a ces flocons de neige qui glissent sur ton visage, ton souffle est court comme si tu étais pétrifié, dans une léthargie. Pourtant, ton regard envoie des cris d'alarme, réclame de l'aide, aucun son n'arrive à sortir de ta bouche. Sa bourdonne autour de toi; jusqu'au fond de ton crâne. Tu n'as pas conscience des dégâts et de l'ampleur de la situation. T'as juste de la douleur et cette peur qui t'envahis. Comme si tu sentais la fin approché, comme si tu sentais que la mort était prête à venir te susurrer des mots doux à l'oreille et t'amener avec elle. Alors c'est comme ça, qu'elle va se conclure ta courte existence? C'est comme ça qu'on se sent lorsqu'on sait que l'heure à sonné? T'as comme ce goût métallique dans la bouche, ton corps qui tremble en choc. Ce vide au-dessus de toi, tu vas donc mourir seule dans cette rue passante à quelques jours de Noël. Des larmes s'échappent de tes yeux et tu penses à tes parents. Puis, soudainement y'a une chaleur qui t'envahis et tu croises ces prunelles étrangères qui t'observes avec attention. Un ange descendu du ciel, tu ne sais pas trop si tu divagues ou non. « Je… Je ne veux… pas mourir…» Que tu réussis à articuler le souffle court, ultime supplication en espérant que ton appel soit entendu.
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Message Sujet: Re: you saved me. //Inko   you saved me. //Inko Empty Dim 23 Déc - 23:55

This time I will keep death away
@Asma Saadi & Inko Shedir


Au risque d’énoncer des platitudes, d’enfoncer des portes ouvertes et de se gargariser à grand renfort de lapalissades ; médecin légiste n’était définitivement pas une activité professionnelle d’une gaieté folle. Fusse-t-il en chef de la ville New-York. Une particule honorifique et assujettie à moult responsabilités, qui ne manquait cependant pas de gonfler d’orgueil son détenteur. Il n’y avait qu’à voir la façon qu’avait Inko de bomber fièrement le torse, toutes les fois où il s’adonnait à la formulation de ce titre ronflant et pompeux, pour s’en rendre compte. Toujours en arborant cet éternel air flegmatique, saupoudré d’une pincée de suffisance, de Lord anglais qui en horripila plus d’un. Et qui était appelé à en exaspérer bien plus encore. La notion d’épanouissement y était pour le mois relative, et suffisait certainement à dissuader, décourager ou démotiver pléthore d’aspirants, ayant un jour caressé l’envie d’embrasser cette vocation bien singulière. En particulier pour toutes celles et ceux que la mort a épargné. Celles et ceux qui ne l’ont jamais regardé en face, les yeux dans les yeux. Ces mêmes celles et ceux qui craqueront et abdiqueront, sitôt qu’il leur faudra voir et toucher en Faculté de Médecine, la dépouille d’une âme charitable ayant généreusement fait don de son corps à la science.

Un corps devenu blême et raide, sous le règne éternel des lividités et rigidités cadavériques. D’un côté, les étudiants frappés de cataplexie, incapables de se munir du scalpel dormant sur le plateau de dissection en face d’eux, et qui quittaient précipitamment la vaste salle, où des rangs d’oignon de cadavres gisaient sur des tables d’autopsie métalliques, pour finir la tête dans la cuvette des toilettes à vomir tripes et boyaux. De l’autre, les futurs coroners de demain. Des êtres que la vie n’a pas ménagé, et qui ont déjà entr’aperçu ou été frôlés de près, par la dame en noire encapuchonnée et sa grande faux. Ecoutant religieusement les indications de leurs professeurs qu’ils suivaient à la lettre, les néophytes traçaient cette incision caractéristique en forme de « Y », partant de part et d’autre de la clavicule et courant le long du sternum. Sanguinolentes préliminaires à leur première fois. Leur premier contact avec des viscères spongieux et glacés. Le souvenir de sa première danse avec les organes humains, demeurait particulièrement vivace dans l’esprit du métis aux portes de la trentaine. Toutes ces années de défonce aux opioïdes avaient échoué à chasser de son cerveau de grosse tête, le moindre petit détail de « ce premier sang » qui y restait fermement incrusté.

Tout. Il se rappelait de tout. Jusqu’au nom de son cavalier dans cette danse macabre. Monsieur Koehler. Beaucoup trop émotif et n’ayant, aux yeux de ses professeurs, pas les épaules suffisamment solides, pour revêtir la blouse des soldats de cet escadron de la mort, l’hypersensibilité de l’auteur de best-sellers le poussa à imaginer ce qu’avait bien pu être la vie du sexagénaire, étendu de tout son long sur cette table en inox gelée. Gil Koheler était un immigrant portugais de la seconde génération. Complètement fendu d’amour, pour une jolie fillette résidant à deux rues de chez lui et avec laquelle il allait à l’école. Ensemble, ils projetaient de fonder une famille, avaient monts et merveilles de projets et rêves en tête. Malheureusement, le sort en décida autrement. Cruellement, il faucha le couple d’inséparables en plein vol. La belle fut rappelée par le créateur après une vaillante lutte contre, ce que l’on appelle pudiquement, une longue maladie. La vie de Monsieur Koehler avait elle aussi cessé ce jour-là. Il prit dès lors la décision de donner son corps à la science, lorsque son heure viendra. Une façon de remercier le bataillon de médecins, ayant œuvré d’arrache-pied pour soigner celle qu’il aimait plus que sa vie.

Puis qui se sont dès lors employés à faire tout ce qui étaient en leur pouvoir, pour rendre les derniers jours de la condamnée supportables, sitôt qu’il n’y eut plus d’espoir. L’inconsolable nourrissait également l’espoir qu’à travers la mort, il contribuerait à la formation des futurs héros de demain, qui seraient eux peut-être capable de sauver la bienaimée d’un autre. C’était ce qu’Inko se plut à penser, lorsqu’il tâta et déroula les six mètres d’intestins. Les poumons, qu’il n’avait vu que bien roses dans les manuels de médecine, étaient ici aussi blancs que la cire d’un cierge d’église. De-ci de-là, quelques souillures noirâtres et révélatrices d’une consommation de tabac, somme toute modérée. Le foie d’ordinaire bien rouge tirait sur le violacée, et l’absence de vésicule justifiait la présence de cette cicatrice sur le thorax, qui avait été matière pour le major de sa promotion, avant qu’il ne procède à l’examen interne, à profusion de scénarios et d’hypothèses plausibles, quant aux raisons et la provenance de ce stigmate. Sa paume épousa la forme de la poche stomacale, tandis que les doigts gantés de latex maculé de son autre main, glissèrent et serpentèrent le long de l’œsophage.

Quand vint le tour du cœur ; de ce symbole ancestral de l’amour ; ce fut fébrilement que l’enfant unique à l’égo ne souffrant d’aucun complexe, noua ses phalanges autour de cet organe creux et musculaire. Déphasé et égaré dans les confins de ses pensées, il se surprit à masser anxieusement cette pompe inondant l’ensemble de l’organisme en sève rubis oxygénée. L’étincelle d’un faible et insensé optimisme, brillant au fond de ses grands yeux sombres. Celui de voir repartir ce métronome interne et le sentir pulser tout contre ses larges mains déjà diablement habiles. Une étincelle qui vacilla et s’éteignit, à la seconde où leur professeur, qui détenait également la casquette de doyen de la Faculté de Médecine, leva la voix afin de rappeler aux membres de l’assistance de ne pas omettre de rigoureusement et scrupuleusement consigner par écrit leurs constatations. Chose que le toxicomane, qui à l’époque était encore plus clean que de l’eau de roche, fit après avoir remis le palpitant inerte dans son cocon de cotes. Le binationaux savait pertinemment dans quoi il s’engageait, lorsqu’il entra dans le saint des saints qu’était l’Université de Médecine de Columbia.

C’était pour cela qu’il avait signé. Pour faire parler ceux qui s’en sont allés et désépaissir le mystère qui planait sur les circonstances de leur trépas. Expliciter la mort afin de lui faire la nique et lui ravir le plaisir d’avoir le dernier mot. Inko ne vivait plus que pour cela depuis qu’il avait cinq ans. Depuis qu’il avait recueilli le dernier souffle de Appa sur le macadam de la soixante et onzième Avenue, avant de se nicher tout contusionné, tremblant et en pleurs contre son flanc, dans cette auréole de sang qui les ceignit jusqu’à l’arrivée tardive des secours. Comprendre … . Comprendre pourquoi son héros n’avait pas survécu à ses blessures. Découvrir toute l’étendue de ses lésions internes. Connaître les raisons qui ont fait que ses organes ont fini par lâcher et lui par succomber. Cette quête de réponses vira à l’obsession pour le brun au teint hâlé de Janvier à Décembre. Savoir pour apaiser la douleur de l’inacceptable. Savoir pour museler les peines de l’insoutenable. Et ce fut en sachant parfaitement ce qui l’attendrait dehors, qu’il leva la main droite et prêta devant ses pairs le serment d’Hippocrate, lorsqu’il acheva insolent de facilité ses études et fut diplômé. Lui, le benjamin ayant entre trois et six ans de moins, que les autres étudiants de sa promotion.

Un serment auquel juraient allégeance tout les praticiens de la médecine, quelle que soit leur spécialité. Y compris ces bien curieux spécimens qui ne sauvaient aucune vie et que l’on appelait légistes. Même si cette activité se révélait particulièrement éprouvante sur le plan mental, et devenait véritablement infernale lorsque les patients n’étaient que des gosses, le Docteur Shedir n’en changerait pour rien au monde. Mieux que quiconque, il avait conscience qu’il n’y avait probablement rien de pire au monde que d’avoir à pleurer un être cher, dont la perte s’accompagnait d’un cortège de « pourquoi » au goût d’injustice et d’iniquité. En balayant les pourquoi et rognant les points d’interrogation, l’auteur à la plume sulfureuse aimait à penser, qu’il contribuait de manière infime à décharger les épaules d’un conjoint éploré, d’un parent anéanti ou d’un enfant dévasté de quelques kilos de chagrin. A la différence de ses confrères, il n’accablait et ne noyait nullement les proches d’un individu avec lequel il avait eu un tête-à-tête avec les entrailles, sous des monceaux et des strates de jargon scientifique tantôt glauque tantôt abscons.

Sa fibre de littéraire le poussait à avoir recours à des images, des comparaisons, des analogies ou des métaphores du quotidien, qui avaient le mérite d’être compréhensibles pour tout le monde. Quand ses lèvres replètes se mouvaient pour ajouter qu’il ou elle n’avait pas souffert, et qu’il récoltait parfois entre deux sanglots un « merci » étouffé … Inko avait la confirmation qu’il était bel et bien à sa place. C’était pour cela qu’il incisait encore et encore les chairs, chaque jour que Dieu faisait. Pour ce merci qui lui donnait la force de continuer. De ne pas s’effondrer, partir en vrille, péter les plombs voire se foutre en l’air, devant autant d’atrocités et d’horreurs. A l’instar de n’importe quel autre travail, il y avait des jours avec et des jours sans. Ces derniers temps, la tendance était plutôt au sans. Le barbu crevait littéralement d’embêtement, dans les catacombes de l’hôpital de Flushing où s’étendait son sanctuaire qu’était la morgue. Les sujets passant entre ses mains expertes n’étaient pas tous des plus passionnants. Loin de là. Même si monsieur cent-soixante cinq de Quotient Intellectuel abhorrait que l’on puisse faire preuve de cynisme envers les défunts, il était néanmoins forcé de reconnaître que certains des cas qu’il traitait, se révélaient être d’un ennui mortel.              

Comme feu Madame Patterson, pour ne citer qu’elle. La locataire du casier réfrigéré numéro six, dont il venait de boucler le rapport d’autopsie voilà quelques jours de cela maintenant. Une brave experte comptable dans la quarantaine, qui aurait vécu jusqu’à quatre-vingt dix ans et nous aurait tous enterré, au vu de ses artères de marathonienne. Malheureusement, un impressionnant caillot ne fut pas de cet avis et vint se nicher dans son aorte, entraînant une insuffisance cardiaque et la mort. Une triste fin qui aurait pu être évitée avec un peu d’Héparine et de Warfaride, pour dissoudre et fluidifier l’amas de sang. Avec tout le respect que l’amateur des assonances et des allitérations pouvait avoir pour cette infortunée et ses proches, il ne garderait certainement pas un souvenir impérissable d’elle, et encore moins de son autopsie. L’incorrigible dragueur ne boudait cependant pas son bon plaisir, lorsque la police sollicitait son aide. Les homicides avaient en effet le chic pour pousser le baromètre de l’exaltation et de l’enthousiasme du beau brun à son paroxysme. Définir la cause du décès n’était dès lors plus son unique mission. D’autres axes de travail venaient s’ajouter à cette tâche.

Avec beaucoup d’assiduité et de rigueur, il s’évertuait également à trouver le mode opératoire employé par l’assassin. A dégager des hypothèses et reconstituer le plus fidèlement possible, ce qui s’était tramé juste avant le méfait. Ou bien encore, établir un profil morphologique partiel du meurtrier. Des besognes qui, en plus d’être plus palpitantes que découvrir qu’un individu souffrait de telle ou telle anomalie congénitale ayant précipité son départ vers l’au-delà, s’avéraient également être une mine d’inspiration pharaonique pour la rédaction de ses romans, qu’il ne fallait mieux pas mettre devant de chastes yeux. Parfois, certains agents consentaient à lui faire part de l’avancement de l’enquête. Une poignée d’entre eux le conviaient même aux briefings et séances de déductions, visant à établir les connexions entre les faits et les suspects. D’autres en revanche, le tenaient à l’écart de l’investigation. En général, c’était les mêmes que ceux qui venaient chercher le rapport d’autopsie, en le remerciant du bout des lèvres. Ces cow-boys, comme les appelait de manière dédaigneuse l’hybride autant à l’aise avec les mots que les formules mathématiques, prétendaient que son apport dans les affaires était minime, voire insignifiant, et ne constituait en rien une percée décisive.

Jamais ils ne le disaient, mais ces balourds le pensaient tellement fort, que le Docteur cavaleur pouvait les entendre très distinctement. Qui plus est, ils s’accaparaient sans cesse la gloire et les lauriers de la victoire, et se complaisaient à tirer la couverture à eux. Des attitudes qui avaient l'art et la manière de faire bouillir et fulminer le suffisant homme né en orient, et qui était pourtant connu pour afficher un self-control et un stoïcisme à toute épreuve. L’appel en début de semaine du Lieutenant Nelin fut une véritable bouffée de fraîcheur qui, outre le fait de tomber à point nommé, le galvanisa et l’extirpa des méandres de la neurasthénie professionnelle. Les billes de jais du médecin luisirent d’un vif éclat d’intérêt teinté d’excitation, allant crescendo à mesure que le représentant de l’ordre lui exposait les grandes lignes du dossier. Il manqua de défaillir, tant l’allégresse qu’il s’évertuait à contenir fut à son apogée, quand le gradé lui dit qu’on lui ferait « parvenir le squelette dans les plus brefs des délais. ». Car, pas mécontent d’être une référence en matière de médecine légale, Inko était également un sémillant anthropologue spécialisé dans le domaine judiciaire.

Une espèce en voie d’extinction, puisque le pays de l’Oncle Sam ne comptait que cinq spécimens du genre sur son sol, et que le camé était le seul exerçant à l’est du Mississippi. Excepté lui, le plus proche de la Grosse Pomme à vol d’oiseau, se trouvait à Montréal et s’avérait être, d’après le métis à la haute opinion de lui même, « un trou du cul doublé d’un sinistre incompétent. ». L’occasion ne lui était pas souvent donnée de travailler sur des ossements. L’approche était radicalement différente et n’avait strictement rien à voir, avec un travail à partir de tissus humains. Un ouvrage plus ardue et complexe également, compte tenu du fait que la matière était « moindre » et les causes de la mort bien plus difficiles à déterminer, car moins flagrantes à l’œil nu. C’était comme le tout dernier niveau d’un jeu vidéo. Un épineux et haletant défi digne de sa stature, qu’il lui tardait de relever. Cette gageure allait certainement lui procurer une bonne dose d’adrénaline, et raviverait à n’en pas douter les couleurs de son quotidien, qui commençait à sérieusement se ternir. Ce fut hier que le Père Noël passa avec quelques jours d’avance, pour le natif d’Hyderabad.

Au moment de sa pause matinale de dix heures et demie. Quittant la fraîcheur régnant au sous-sol, l’écrivain au verbe passablement cru regagna le monde des vivants. Il fallut, comme toujours, un petit temps d’adaptation à ses yeux pour faire la transition entre la lumière artificielle d’en bas, et l’intensité des rayons du froid soleil de Décembre qui traversaient les imposantes vitres du grand hall. Quelques bougonnements d’ours mal léché pour la forme, et sa rétine fut accoutumée. Devant la machine à café, l’indo-américain choisit par défaut et sans un zeste de plaisir un arabica dit du Brésil. Durant ce petit temps de relâche, Inko se mit volontiers à l’écart de ses collègues et confrères rechargeant eux aussi les batteries. Le barbu préférait de loin la mort et le déshonneur, à une quelconque participation à cette palanquée de conversations soporifiques, abrutissantes et insipides. Entre machine qui étalait joyeusement la vie intérieure de sa chienne Judy ; truc muche qui s’émouvait que son fils ait perdu sa première dent de lait dans les raviolis chinois d’hier soir, et bidule qui s’extasiait sur sa nouvelle voiture, en dressant un inventaire à la Prévert d’options toutes plus inutiles les unes que les autres, dont son petit bijou était pourvu ; le Docteur Shedir eut l’impression d’avoir atteint le dernier cercle de l’Enfer de Dante.

Peu désireux de s’éterniser et prendre racine en souffrant d’entendre des fadaises et des niaiseries sans nom, le médecin, que les grands lecteurs connaissaient sous le nom de Rajeev Amritaj, ingurgita en trois lampées le contenu de son gobelet. Mal équilibré, trop doux et pas assez amer à son goût. Avant de retourner dans sa tanière souterraine réfrigérée où les patients entraient et ressortaient les pieds devant, le fieffé séducteur fit une petite halte par la case toilettes pour se vider la vessie. Une grimace peu esthétique vint déformer son beau minois, lorsqu’une désagréable brûlure vint mettre à mal son bas-ventre. Apparemment, toutes ces années passées à carburer au Fentanyl, étaient en passe de détruire son système urinaire. Une bonne minute à se laver les mains avec ce zèle de professionnel de la santé plus tard, le brun au regard de braise reprit le chemin des oubliettes de l’hôpital. Le trajet fut marqué par les passages d’une infirmière de bloc et d’un interne en dernière année potassant ses notes, sur lesquels il se retourna de bon cœur. L’œil frétillant et visiblement pas totalement de glace et indifférent face à leurs charmes respectifs. Le silence de cathédrale de sa salle d’autopsie retrouvée, quelle ne fut pas la surprise de l’homme aux fragrances orientales lorsqu’il découvrit que son sanctuaire avait été profané.

Bien que rien ne semblait avoir été volé ou mis sens dessus-dessous, le très perspicace romancier sentait et savait, que quelqu’un était venu en son absence. Tel un fauve furibard qu’un rival se soit aventuré sur son territoire, il vit rouge et se mit à honnir avec véhémence le ou les impertinents ayant eu l’outrecuidance de s’introduire en son royaume. Puis, alors qu’il était à un cheveux d’exploser, il vit que sa table de dissection était devenue un sapin de noël au pied duquel reposaient une ronde de cadeaux. Ou plutôt de boîtes en carton portant le tampon du département de la Police Scientifique. Enfin, ils étaient là. Les ossements dont il commençait à bigrement se languir. Dans un empressement comparable à celui d’un gamin se ruant sur ses présents le vingt-cinq Décembre au matin, le coroner s’attela au déballage de ses paquets, des étoiles plein les yeux et un sourire ébaubi accroché aux lèvres. Inko s’adonna avec une puérilité toute enfantine, à la reconstitution de ce titanesque puzzle en plaçant le contenu des différents ballotins, sur l’acier inoxydable de la table en face de lui. Métatarses, Cuboïdes, Talus, Tibias, Fémurs … .

Cependant, sa bonhomie et son entrain partirent doucement en lambeaux, lorsqu’il constata que d’après la quasi absence de décalcification osseuse et la forme de la crête de l’Os Iliaque ; la victime devait être une adolescente n’ayant pas plus de seize ans. La joie qu’il se faisait d’apporter son expertise sur cette affaire fut dès lors sérieusement entamée. Toutefois, les montagnes russes émotionnelles par lesquelles passait le Docteur à la chevelure souple et soyeuse, atteignirent de nouveau les cimes sitôt qu’il prit connaissance de ce que recelait la dernière boîte. Tout bonnement béat, ses yeux devinrent deux sphères d’onyx et sa bouche un immense tunnel secoué par une prodigieuse et merveilleuse surprise. Un crâne brisé en mille morceaux. Cela voulait dire reconstitution crânienne. Le Graal pour tout anthropologue qui se respecte. Redonner vie à un visage atomisé et à jamais figé dans la mort. Que pouvait-il y avoir de plus beau ? Incapable de contenir son euphorie plus longtemps face aux réjouissances en perspective qui allaient le tenir en haleine pendant un bon moment, l’homme ne s’interdisant aucun plaisir se mit à gigoter frénétiquement sur place en poussant des « Oh putain, oh putain, oh putain ! », illustrant tout le ravissement qui le parcourait en ce moment même.

En toute hâte, il se précipita vers son bureau, se munit d’un marqueur rouge indélébile et d’une feuille de papier vierge sur laquelle il écrivit en majuscules de la main gauche « Prière de ne pas déranger. ». Le tout décoré de nombreux symboles, tels que des pictogrammes indiquant un danger, des têtes de mort, des bombes ou des éclairs. Histoire que le message soit clair pour tout le monde, même les plus décérébrés de ses collègues. Cet écriteau des plus artisanal placardé sur la porte d’entrée de sa salle d’autopsie, Inko bidouilla les paramètres du terminal dans la pièce adjacente, afin que tout les appels sur son bipeur soient automatiquement rebasculés de façon aléatoire, sur l’un de ceux de ses collègues travaillant avec lui à la morgue. Afin d’avoir l’assurance de ne définitivement pas être importuné, il retira les piles de l’appareil et l’enferma dans le tiroir de son bureau. Fin prêt pour entamer ce travail d’orfèvre qui le survoltait et le rendait intenable, le E.L James masculin s’empara de la télécommande de l’enceinte Bluetooth et appuya sur lecture, pour lancer le premier titre de sa playlist qu’il gardait pour les grandes occasions. Alors qu’il était sur le point de bouger son corps à sa façon bien à lui, le légiste se figea sur place et le sourire extatique qui ne quittait plus son visage se volatilisa, à la seconde où Madonna se mit à chanter Comme une pucelle.

Tess, son assistante, semblait être passée par là. Maugréant et grommelant tout son saoul, le phraseur se mit à maudire la désinvolture outrancière de la pétulante blonde, de près de sept ans sa cadette, qui le secondait et lui prêtait main forte. Devait-il en arriver à placer des pancartes disant « Propriété privée du Docteur Inko Shedir », pour qu’enfin elle cesse de tripatouiller SES affaires ? Quelques manipulations lui permirent d’enfin trouver sa chanson de la bonne humeur. Quelques coups d’épaule et paroles chantonnées d’une voix caverneuse de crooner, plus basse de deux octaves qu’à l’accoutumée pour s’échauffer, puis l’accro aux analgésiques se mit à danser de manière chaotique et totalement déstructurée, à la manière d’un serpent ondulant au son des notes jouées par un charmeur. Le tout en préparant le matériel dont il allait avoir besoin. Pincettes, colle, support idoine pour la phrénologie, loupe ultra grossissante sertie de petites ampoules, et bien sûr tout les fragments de tailles disparates du crâne de la jeune victime. Lorsque tout fut installé sur le vaste plan de travail légèrement surélevé, le Ambroise Paré du vingt-et-unième siècle s’installa sur un tabouret à la hauteur ajustable, coupa la musique afin d’être pleinement concentré et immergé dans un silence d’or, puis se mit à l’ouvrage.

Il ignorait combien de temps lui fut nécessaire pour achever la réalisation de ce gigantesque casse-tête, mais lorsque le prétentiard en blouse blanche eut terminé et qu’il contempla le résultat : son cœur lui sembla soudainement prit par des tenailles. Les marqueurs faciaux qu’il releva lui apprirent que l’adolescente décédée était originaire d’Europe de l’Est. Probablement une russe, une moldave, une biélorusse ou bien encore une ukrainienne. Une magnifique jeune femme, qui aurait certainement fait tourner de nombreuses têtes et chavirer tout autant de cœurs. L’homme sujet à la claustrophobie vit soudain apparaître, une somptueuse enfant de Vénus au teint laiteux, rosé et frais. Une longue chevelure blonde dégringolant en cascade sur de petites épaules bien rondes. Deux orbes lapis à la place des cavités orbitales. Un petit nez fripon. Une bouche carmin gourmande. De jolies pommettes saillantes ornées d’une petite fossette. Un front haut de tsarine. Ce sourire divin mais empli de tristesse. Dans un soupir à tout rompre, la belle gueule à la tête bien faîte envisagea le pire. Une émigrée de seize ans originaire du Caucase ou des Carpates ; personne n’ayant signalé sa disparition : tout cela ne présageait rien de bon.

Il pensa trafic d’être humain et réseau de prostitution de mineur. Deux éventualités qui glacèrent le sang du barbu, habitué pourtant à ce genre de choses glauques et sordides. Penser qu’il y avait dehors des dizaines de jeunes filles terrorisées, entassées dans le sous-sol exigu d’un squat à l’abandon ; sans nulle part où aller dans une ville leur étant inconnue et dont elles ne parlaient quasiment pas la langue ; probablement affamées, droguées et battues par des geôliers sans-cœur les exploitant … cette pensée révulsa, ulcéra et donna la nausée à Inko. Pas mécontent de la somme de travail qu’il venait d’abattre, le brun aux yeux d’hématite s’étira en déployant ses bras de toute leur envergure. Cette action fit naître une grimace sur son visage que la fatigue avait rendu plus blême. Une odeur incommodante vint soudain désagréablement taquiner ses narines. Le créateur de la saga « De Chair et d’Os », huma de manière plus prononcée l’air ambiant, pour trouver la source de cette pestilence. En inclinant la tête en direction de son aisselle, l’évidence lui sauta aux naseaux et une expression de profond dégoût se peignit sur le minois de l’homme de couleur. Fragrance de mâle à l’état pur. Un petit crochet par la maison s’imposait. Une longue entrevue avec un pommeau de douche également.

Grignoter un morceau pour régénérer ses petites cellules grises, ne serait sans doute pas de trop non plus. Cela comblerait également cette subite et inexpliquée envie de savourer un Ceviche. Sans doute en profitera-t-il également, pour enfin coucher par écrit ses quelques idées pour la rédaction de son futur roman, qui l’obnubilaient depuis plusieurs jours déjà. Le médecin nota mentalement de ne pas oublier d’appeler Noam pour lui en faire part. La version « black et avec des boobs » de lui, comme aimait à le dire Rajeev Amritaj, et avec qui il co-écrivait ce que tout deux croyaient dur comme fer être, un futur chef d’œuvre d’érotisme qui ferait grand bruit. Son portable rallumé, le détenteur d’un double doctorat découvrit avec stupéfaction qu’il était dix-huit heures trente passé. Pas de ce qu’il croyait être aujourd’hui, mais bel et bien de demain. Non seulement il venait de veiller durant plus de vingt-quatre heure, mais aussi et surtout, il n’avait gobé aucun dopant au cours d’une rotation de la Terre sur elle-même. Les hectolitres de caféine ne comptant, bien évidement, pas vraiment. Incroyable mais vrai, l’addict aux psychotropes ne ressentait aucune sensation de manque et n’avait pas la moindre envie, pour le moment encore, d’un petit rencard avec son cher et tendre Fentanyl.

La blouse blanche échangée contre un pardessus en cachemire, le compagnon des morts quitta son antre où la fraîcheur était maîtresse. Il n’omit pas de récupérer son bipeur qu’il remit en état de marche, et de reconfigurer les paramètres du terminal par défaut. Il laissa le message dissuasif et plutôt menaçant sur la porte, histoire que personne n’ait la mauvaise idée d’entrer et de toucher à ses nonos. Les trottoirs étant amplement verglacés, l’écrivain préféra ne pas piloter son petit bolide nommé skateboard. Mieux ne valait pas tenter le diable. Une gamelle était si vite arrivée, surtout sur un tel engin. Quant aux taxis et autres transports en commun, le simple fait de s’en approcher d’un peu trop près, suffisait pour déclencher chez lui une violente crise de nerfs. Les mains fourrées dans les poches et la tête dans les épaules pour tenter de se réchauffer un tant soit peu, Inko arriva après dix petites minutes de marche dans la portion du Queens où les devantures des magasins et les vitrines s’étalaient à perte de vue. Il était environ à mi-parcours de sa destination. Le peuple new-yorkais se massait et s’agitait comme un essaim d’abeilles ouvrières, à l’occasion de cette dernière ligne droite avant l’échéance fatidique commençant par un « N ». De tous côtés, profusion d’hommes et de femmes allaient par monts et par vaux, les bras chargés de colifichets divers et variés.

A la manière d’un ethnologue étudiant des peuplades de l’autre bout du monde, le Docteur Beau Cul Belle Gueule, comme l’avait amicalement rebaptisé Noam, regarda d’un œil scrutateur ce ballet effréné que rien ne semblait pouvoir entraver. Son rapport avec noël était en effet loin d’être des plus étroits. Etant hindou, appa ne célébrait pas la naissance du petit Jésus, qui mettait en émoi les citoyens de sa patrie d’adoption, et dut attendre de se marier avec maman pour découvrir ce dont il s’agissait. Cette dernière, pour qui le travail l’emportait largement sur les festivités, était très loin d’être branchée esprit de noël. Les Shedir s’appesantissaient donc très peu sur ce jour de l’année, pourtant ô combien spécial. Le narco-dépendant comprit d’ailleurs bien tard, toute la symbolique qui s’y rattachait. Avec ses petits yeux noisettes d’enfant, il voyait cela comme « un jour où l’on mange mieux que les autres » et où il avait le droit, sans trop savoir pourquoi, à un beau cadeau. Hors de question cependant de veiller, chanter ou que sais-je encore. A l’image de n’importe quel autre jour, Madame envoyait son petit chérubin au lit de bonne heure. S’agissait d’être en forme pour son cours d’algèbre ou sa leçon de piano à la première heure le lendemain matin.

Cette année, le mordu de littérature sud-américaine passerait le réveillon de la même manière que l’année dernière. Et celle d’encore avant. Et ainsi de suite, jusqu’à ce l’on remonte à ses cinq ans. Maman se rendra chez Madame Fullbach, où elle achètera la plus grosse dinde entreposée sur le présentoir réfrigéré. Comme d’habitude, elle passera toute la journée du vingt-quatre à préparer avec amour le repas du soir. Comme d’habitude il y aura bien trop, et elle n’aura d’autre choix que de congeler les restes qui lui feront tout le mois de Janvier. Quand Inko sonnera à la porte le soir, elle lui ouvrira toute pimpante dans son fourreau argenté, déploiera les bras et le serrera en s’exclamant à la manière d’une parfaite mère juive : « Mon Fils ! ». Deux bises déposées sur ses joues, qu’il aura rasées de près pour l’occasion, puis elle lui dira combien il est magnifique en enlevant les plis de sa veste de smoking embaumant le « Pasha » de Cartier. Comme d’habitude elle ne pourra pas s’empêcher de lui envoyer une gentille pique, en affirmant que « c’est à désespérer de tout qu’un si bel homme ne soit pas encore marié. ». Sous-entendu : « C’est quand que j’ai le droit à des petits-enfants ? ».

Comme d’habitude il noiera le poisson, en lui donnant la bouteille de champagne qu’il aura dans une main et le cadeau joliment emballé dans l’autre. Le tout servi dans un « C’est pour toi. Joyeux Noël maman. », enrobé dans son plus beau sourire de bellâtre aux yeux de velours. Une fois encore, elle le grondera tendrement en déclarant que « c’est trop » ou qu’il ne fallait pas. ». Puis, il verra la joie pétiller dans ses yeux de cornaline à la seconde où elle découvrira un flacon de « Samsara » de Guerlain, un foulard Hermès en damas ou une place pour assister à la finale du Super Bowl, qu’elle ne manquerait chaque année pour rien au monde. Viendra l’heure de prendre place autour de la grande table de la salle à manger, décorée avec beaucoup de goût et de soin, où il n’y aura qu’eux deux. Et un troisième couvert, devant une chaise laissée vacante. Alors, le fils Amritaj tournera la tête en direction du buffet. Là où trônait un cadre photo, contenant un cliché sur lequel appa lui apprenait à faire du vélo. Comme d’habitude il tentera de rester fort et de ne pas défaillir. Et comme d’habitude son sourire emprunt de nostalgie se fendra en un déchirant sanglot. Maman s’évertuera une fois de plus à trouver les mots justes, pour consoler et réconforter son petit homme.

Un domaine dans lequel elle était loin d’exceller. Tout comme son fils d’ailleurs. Les larmes séchées, les choses reprendront leur cours et tout sera de nouveau sur les rails. Tel était ce qu’Inko ferait très certainement pour les fêtes. Un bruit sourd et assourdissant l’arracha à ses divagations et pérégrinations intérieures. Une voiture grise aux vitres teintées ralentit, avant d’accélérer et repartir en trombe. Les gens accoururent en direction du milieu de la route, telle une nuée d’étourneaux prenant leur envol. Les suivant des yeux, le brun au bas du visage bien au chaud derrière une épaisse écharpe, sentit son cœur se tordre en découvrant la raison de l’affolement général. Une longiligne jeune femme gisait sur le dos dans la neige. Au milieu de sacs et paquets renversés, s’imbibant doucement d’humidité. De-ci de-là, quelques tessons de verres et des fractions de manteau blanc qui revêtaient de petites touches safran, curry ou paprika. Sa longue chevelure d’ébène formant un soleil tout autour de sa tête. Sur son front à la carnation subtilement bronzée, de petites gouttes écarlates perlaient d’une entaille superficielle et peu profonde, non loin de l’implantation du cuir chevelu.

La vue de ce spectacle raviva de bien douloureux souvenirs chez le médecin. Le passé le lacéra de ses griffes, et le ramena dans une brutalité sans nom vingt-quatre ans en arrière. En février quatre-vingt treize. Quand il se réveilla sur le goudron verglacé, les membres endoloris et frigorifiés. Qu’il rampa tel un lombric en gémissant vers appa. Appa étendu au pied des immenses roues de ce camion blanc et rouge. Des éclats de verre du pare-brise incrustés dans le visage, le derme cuivré de son cou et un filet de sang ruisselant le long des commissures de ses lèvres. Et le gamin qu’il était qui hurlait désespérément son nom, entre deux salves de larmes, et le suppliait de se réveiller en secouant son épaule. Le romancier sentit ses jambes s’ankyloser et son corps tout entier se crisper. Panique et froid mêlés lui firent claquer des dents à vive allure. D’une main mal assurée et dans un geste lent, il sortit un petit tube orangé de Fentanyl de son pardessus. En une fraction de seconde, il balaya près de vingt-huit heures de sobriété en avalant promptement un comprimé. Une nécessité sans laquelle il aurait très certainement fait une crise de tétanie ou serait resté prostré pendant des heures.

L’homme né au plus fort de l’été tenta de reprendre le contrôle et la maîtrise de lui-même, en se concentrant sur sa respiration, afin d’éradiquer la peur qui gagnait de plus en plus de terrain dans le combat intérieur qu’il menait avec ses vieux démons. Pas cette fois. Se dit-il. Elle ne fauchera pas de vie, maintenant qu’il était un homme. Un éminent Docteur réactif sous la pression et sachant comment endiguer les crises dans l’urgence. Décidé et de nouveau en pleine possession de ses moyens, après avoir pris quelques instants pour se recentrer, le spécialiste en immunologie remarqua que l’accidentée venait de faiblement remuer le pied droit. Un brave homme plein de bonnes intentions s’affairait à lui prodiguer, avec un peu trop de vigueur, un massage cardiaque qui hélas ne faisait qu’aggraver les choses. Inko avala le peu de salive qui lui restait en bouche, prit une profonde inspiration puis se dirigea d’un pas, en apparence serein, vers le petit attroupement qui s’était formé. Il dut jouer des coudes pour arriver au plus près de la svelte brune, reposant dans un amas de cristaux blancs givrés. D’une voix très calme, posée et limite arrogante, qui tranchait radicalement avec l’épouvante qui faisait battre à toute vitesse son cœur, le légiste demanda ce que le bon samaritain s’agitant au-dessus de la belle aux paupières closes faisait.

A bon de souffle, celui-ci rétorqua qu’il s’agissait de réanimation, et qu’il avait appris cela à l’occasion d’une formation aux premiers secours, dispensée par l’entreprise où il travaillait. « Cela siérait si elle était inconsciente et ne respirait plus, ce qui n’est de toute évidence pas le cas. Là, vous êtes juste entrain de lui briser les cotes, en plus de la tripoter de façon totalement indécente et inconvenante. Poussez-vous. Si vous tenez à vous rendre utile, appelez plutôt une ambulance. », lança-t-il sur un ton ferme et autoritaire en écartant sans ménagement le quadragénaire, qui semblait avoir tout d’un citoyen modèle. Aussi révérencieux et courtois soit-il, le Docteur Shedir savait être intransigeant, voire autocratique, quand il le fallait, pour se faire obéir. Mieux valait d'ailleurs qu’il le soit à l’occasion ; lui qui avait sous ses ordres et sa responsabilité l’intégralité de ses confrères et consœurs, exerçant la médecine légale au sein de la foisonnante ville de New-York. Bien que fortement courroucé, l’homme en légère surcharge pondérale ne broncha pas, et exécuta l’ordre de sergent instructeur que lui somma le métis qui prit le relais auprès de la « patiente ».

Accroupi, il replaça délicatement une mèche de cheveux derrière l’oreille de la demoiselle au très bel ovale du visage. L’index et le majeur de sa main gauche vinrent se poser au creux de son long cou, qui devait lui conférer un port de tête digne d’une reine. Juste là. Sur la carotide. Un pouls. Faible et ténu, mais bel et bien là. Tendu et extrêmement nerveux, en dépit de la zénitude qu’il arborait, Inko expira profondément et un zeste de soulagement vint le rasséréner encore un peu plus. L’auteur alternant le fort et le docile, approcha son écoutille de la bouche pulpeuse et du petit nez espiègle de la blessée. Un léger souffle tiède vint se heurter contre son cartilage. Elle respirait. Deuxième zeste de soulagement. L’indo-américain, qui détenait également quelques ascendances turques, plaça ses mains de part et d’autre de la taille galbée de l’infortunée, et remonta doucement son pull jusque sous sa poitrine. Il tenta de déceler d’éventuelles, et très probables, lésions internes, en palpant l’abdomen recouvert de frissons de cette inconnue qui n’était pas encore revenue à elle. Bleus, ecchymoses et contusions germaient et constellaient déjà sa douce enveloppe charnelle satinée.

Sans avoir à les examiner, le médecin au QI faisant la nique à celui de Einstein devinait aisément, que la violence du choc et de la chute avaient dû provoquer de nombreuses fractures au niveau du bassin, et des longs et fins membres inférieurs de cette femme au teint méridional. Soudain, le shooté aux opioïdes sentit un minime vrombissement venir cogner contre sa paume. Un vrombissement qui ne lui dit rien qui vaille, et lui fit aussitôt froncer les sourcils. En l’absence de stéthoscope pour ausculter la malheureuse, Doctor Chills allait devoir procéder à l’ancienne. Il apposa donc son oreille et l’os de sa mâchoire, recouvert d’une barbe de trois ou quatre jours, contre l’épiderme frigorifié de la brune à la chevelure que la neige eut achevée de tremper. Juste ici. Sous son sein gauche. D’un geste à la fois poli et paradoxalement despotique, il leva une main, invitant ainsi les « Mais qu’est-ce que vous faîtes ? » ; « Oh mon Dieu, c’est atroce ! » et autres « Il faut la mettre en PLS. » à se dissiper. Les yeux fermés, l’écrivain ayant aussi publié dans ses jeunes années des essais dits « sérieux », convoqua toute sa concentration et se mit à l’affût du moindre bruit.

Un sifflement … non une sorte de crépitement, plutôt. Comme si on froissait une feuille de papier pour en faire une boule. Son poumon gauche s’était affaissé. S’il n’était pas très vite regonflé, elle ne tiendrait guère longtemps. L’effroi revint soudain au triple galop. Inko agrippa fermement sa dense tignasse noire, en jurant à maintes reprises et dans un débit de rappeur, sous l’effet du vent de panique qui fit frémir tout son être. Pas cette fois. Le martelage et rabâchage de ces trois mots, à la façon d’un mantra psalmodié par des bonzes, l’aida petit à petit à dompter la frayeur qui le narguait éhontément. Le romancier à la plume caustique et séditieuse passa dans la précipitation au sas, le contenu de ses poches. Hormis son porte-feuilles, sa quête fut couronnée par l’exhumation d’un stylo bille et d’un flacon d’une solution hydroalcoolique. Il y avait indéniablement mieux comme matériel médical, mais c’était déjà cela. Le cœur retrouvant doucement mais sûrement son rythme de croisière, celui qui était en passe de s’improviser Macgyver de la traumatologie démonta en toute hâte l’outil indispensable au processus d’écriture.

Muni uniquement du fuseau en plastique protégeant la mine et le réservoir d’encre, le coroner borderline et aux nombreux vices plongea celui-ci dans le tapis de poudreuse, afin de le nettoyer un minimum. A l’aide d’une noisette de lotion désinfectante dans le creux de chacune de ses paumes, il oignit et badigeonna le réceptacle en le malaxant énergiquement. Les doigts partiellement gourds du barbu aux larges épaules, se posèrent sur le quatrième espace intercostal de la demoiselle bien plus grande que l’américaine moyenne. La pointe du petit tube en plastique contre la peau dorée de la femme au stade minimum de conscience, le palpitant de la grosse tête ayant subi une cohorte de brimades au cours de sa scolarité, se mit à boomer à la façon de « La Chevauchée des Valkyries » de Wagner. Une dame de la haute, à en juger son accoutrement hors de prix et son phrasé très snob, lui demanda s’« il était sûr de ce qu’il faisait ». Bien sûr que non il ne l’était pas. Cette manipulation, le légiste ne l’avait pratiquée qu’une seule fois, il y a bien longtemps. En Faculté de Médecine, avec du matériel médical digne de ce nom, stérile et en milieu aseptisé. Sur un cadavre à qui il ne risquait pas de faire de mal ou de tuer une seconde fois. Détail d’importance.

L’homme au physique exotique pour les terres nord-américaines, pria la lady aux airs bourgeois de bien vouloir se taire, sur un ton agressif et plutôt sec. Inko se répéta et figura mentalement une énième fois ce qu’il devait faire. Une goutte de sueur dévala le long de son arcade sourcilière et vint se désagréger dans les poils de sa barbe. Les dents vissées, il prit une profonde inspiration et enfonça la carapace du stylo bille, entre les cotes de la plantureuse brune. Presque instantanément, l’air vint abreuver le poumon appauvri en oxygène. Telle une rescapée de la noyade, elle prit une profonde inspiration d’air salvatrice. Aussitôt, le praticien exerçant sur des patients dépourvus de tous signes vitaux, se précipita vers le minois de la belle aux lèvres charnues. Ses grands yeux chocolats affolés se raccrochèrent à l’enfant de Ganesh et Shiva. Ce dernier sentit la boule emprisonnée dans son ventre se détricoter peu à peu. Entre deux respirations laborieuses, celle pour qui la dernière heure ne serait pas pour tout de suite, supplia la mort de l’épargner d’une voix faiblarde et paniquée. « Vous n’allez pas mourir, les secours vont arriver d’une minute à l’autre. Il faut que vous … Non, non, non, ne regardez pas en bas. Restez avec moi. »

« Tenez, serrez ma main. Aussi fort que vous le pouvez ou le voulez. N’ayez crainte, j’ai la peau aussi dure que le cuir d’un rhinocéros. »
, dit-il en tournant son corps de telle façon qu’elle ne puisse pas voir le morceau de plastique planté dans sa cage-thoracique. Toujours avec ce ton très détaché et olympien, contrastant grandement avec le chaos et la débâcle d’émotions qui l’assaillaient à l’intérieur. Ses larges phalanges vinrent se nouer autour des siennes. Filiformes et délicates. Leurs paumes s’embrassèrent et leurs regards s’imbriquèrent. L’homme un tantinet imbu de sa personne n’avait jamais été très doué pour faire de l’humour. Pourtant, et même si le timbre de sa voix ne s’y prêtait pas spécialement, ce fut bel et bien ce qu’il tenta de faire avec la dernière phrase qu’il prononça. Ce n’était peut-être pas très adroit, mais ce fut la seule chose qu’il trouva sur le moment pour tenter de la calmer, la rassurer et l’apaiser. Il fallait coûte que coûte éviter de stresser son organisme, afin que les lésions internes n’empirent pas. Les minutes parurent épouvantablement longues avant que les sirènes de l’ambulance ne retentirent au loin. L’ami des figures de rhétorique décocha un timide sourire à la gracile demoiselle en hochant la tête de bas en haut. Comme s’il voulut lui signifier que ses oreilles ne lui jouaient pas des tours, et qu’elle ne rêvait pas. Que tout allait bien se passer désormais. Et que non : « Tu ne vas pas mourir. ».                                                                                                                                                                                                                
                                                                                                                                                                                             
 
(c) DΛNDELION
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Message Sujet: Re: you saved me. //Inko   you saved me. //Inko Empty Lun 24 Déc - 20:46

Il suffit d’une seconde d’inattention pour que tout bascule. Le bruit sourd de ton corps contre la carcasse de la voiture. Le bruit de la voiture qui disparaît sous les chapeaux de roues venant à t’abandonner littéralement  sur la chaussée glacée de décembre. Sur le coup, tu as l’impression d’être seule au monde, ne faisant qu’attendre sagement que la grande faucheuse vienne te chercher. Dans ta famille, les valeurs religieuses sont hyper importantes et tu espères secrètement qu’il y a autre chose de l’autre côté. Tu espères sincèrement que la vie ne s’arrête pas abruptement, t’aspires à plus. D’ailleurs, t’es déterminé à ne pas mourir aujourd’hui, tu refuses et malgré le fait que tu sembles manquer des bouts de ce qui se passe autour de toi, tu t’accroches du mieux que tu peux. Doucement, on dirait que ça fourmille autour et que les gens osent s’approcher pour t’apporter du secours. La douleur devenait insupportable, c’est pour cette raison que tes paupières se fermèrent pour te plonger dans le noir absolu. Un bon samaritain qui passait par là, te prodiguait déjà les gestes de réanimation dans l’unique espoir de te sauver, toutefois malgré que tes paupières soient fermées et que tu sois plongée dans le noir, tu respirais toujours et ce, malgré si c’était de manière très faible. Un détail important auquel le bon samaritain ne semblait pas faire attention en tentant ses manœuvres de réanimations sous les regards inquiets des passants présents autour. Toutefois, son acte héroïque fut interrompu par l’arrivé d’un homme. Cet homme que tu surnommerais plus tard comme un ange tout droit descendu du ciel pour te sauver. Terme que tu utiliserais pour le qualifier lorsqu’on te poserait des questions sur l’incident, mais également un terme que tu n’oserais pas prononcer devant lui, ayant trop peur que tes joues deviennent écarlates. Ce dernier allait se charger de la suite des choses, tu ne le savais peut-être pas encore à ce moment-là, mais une chose est sûre ; tu te retrouvais entre de bonnes mains. Il vint à écouter ta respiration, bien qu’elle soit faible, mais présente.

Cependant, quelque chose dérangeait. Bien entendu, seuls les connaisseurs auraient pu constater ce détail important, mais l’un de tes poumons était affaissé dû probablement à l’impact brutal ce qui faisait en sorte que l’on pouvait entendre un sorte de crépitement, et non pas le son d’une respiration saine. Jusqu’à maintenant, tu n’avais jamais eu de grandes blessures. Tu étais en forme et tu faisais de ton mieux d’ailleurs pour le demeurer, tu avais comme objectif de vivre vieille et en santé le plus longtemps possible et tu faisais déjà tout en ton pouvoir pour maintenir les maladies à distance et les problèmes de santés autres. Évidemment, personne ne pouvait être à l’abri d’une quelconque maladie. Ceci dit, tu tentais de faire de la prévention. Adorant la danse plus que tout et utilisant ton corps comme ton outil de travail et ton moyen d’expression premier, tu devais t’assurer que celui-ci puisse fonctionner encore longtemps. Les seules blessures que tu avais eu au cours de ta jeune vie, étaient des blessures mineures où il suffisait souvent que tu repos pour revenir en force. Rien de grave qui pouvait mettre ta vie en danger. Aujourd’hui, c’était littéralement autre chose, tu avais franchi une ligne et à présent ta vie semblait être entre les mains de ce bon samaritain, mais également entre les mains d’une divinité supérieure. Alors que tu avais toujours les yeux clos, l’homme qui semblait en plein contrôle de ses moyens prodigua une « intervention » sur le vif, une intervention urgente où il était impossible d’attendre l’arrivée des secours, car cela pouvait endommager ton poumon déjà en piteux état. Tu allais apprendre plus tard en quoi consistait son « intervention». Pour le moment, cette dernière eut comme effet de t’offrir à nouveau le loisir de respirer. Tes paupières se soulevèrent presque instantanément et un son se fit entendre ; le son qu’un être humain créer lorsqu’il réussit à respirer pour la toute première fois après de longues minutes. Tu refusais de mourir aujourd’hui, et c’est d’ailleurs cette supplication que tu viens à mentionner maladroitement à cet inconnu. Ton regard voulu se glisser instinctivement vers le bas, comme si tout d’un coup, tu étais assez alerte pour vouloir contempler l’ampleur des dégâts. L’adrénaline jouait un rôle merveilleux dans cette affaire, te donnant l’impression d’être indestructible malgré que tu sois terriblement faible.   « Vous n’allez pas mourir, les secours vont arriver d’une minute à l’autre. Il faut que vous … Non, non, non, ne regardez pas en bas. Restez avec moi. » Sa voix chaude et rauque te ramena à la raison et tu avalais difficilement ta salive venant à glisser tes iris dans les siennes alors qu’il reprenait la parole; « Tenez, serrez ma main. Aussi fort que vous le pouvez ou le voulez. N’ayez crainte, j’ai la peau aussi dure que le cuir d’un rhinocéros. »

Sans que tu te rendes compte, il était venu à tourner légèrement ton corps pour t’empêcher d’y voir quoi que ce soit et te faire paniquer davantage. En plus d’être d’un calme désarmant, il jouait de son humour particulier et cela avait la magie de t’apaiser. Ces doigts enveloppèrent les tiens et vos regards se perdirent l’un dans l’autre. Le silence était de mise à cet instant, tu n’avais pas la force pour effectuer de longs et vertigineux discours, toutefois toute ta reconnaissance passait par ton regard clair; les mots ne seraient pas assez forts pour l’exprimer de toute façon. Comme une mélodie, au loin; on pouvait entendre le bruit de l’ambulance qui se rapprochait des lieux. Sur le coup, ton visage se figea comme si tu voulais t’assurer que tu ne rêvais pas. Puis, l’homme vint à t’offrir un sourire acquiesçant de haut en bas d’un signe de tête comme pour te signifier que non tu ne rêvais pas. On ne savait pas quand la mort décidait de venir nous chercher, mais une chose est claire; tu n’allais pas mourir aujourd’hui. Ton regard brumeux laissa échapper des larmes le long de tes joues. Puis, tu vins à faire une légère pression contre sa main. Le bruit de l’ambulance se rapprochait de plus en plus et bientôt, le son résonna dans ton crâne te faisant réaliser qu’elle était tout près. Les ambulanciers vinrent à ta rencontre s’adressant évidemment à l’homme à tes côtés. « Que sait-il passé?» Que l’un demande alors que l’autre observe ton corps venant à adresser un regard à son partenaire. « Vous êtes médecin?» Que l’autre questionne, alors que toi; tu es toujours silencieuse avec cette panique qui persiste au fond des yeux. Par contre, la chaleur constante de sa main dans la tienne vient à te maintenir en contrôle et apaisé. Les ambulanciers exécutent leur travail venant à te glisser sur une civière après avoir analyser la situation maintenant ton cou et ta tête comme dans un étau ainsi que ton corps. Ils t’amènent jusqu’à l’ambulance et soudainement, tu as ce frisson qui te parcours le corps et cette sensation de froid alors que tu ne sens plus sa main dans la tienne pendant qu’ils te montent à l’intérieur du véhicule. « Vous l’accompagnez m’sieur?» Tu viens à entendre la question de l’un des ambulanciers et tu espères sincèrement pouvoir encore compter sur sa présence durant le trajet.
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Message Sujet: Re: you saved me. //Inko   you saved me. //Inko Empty Mar 1 Jan - 0:56

This time I will keep death away
@Asma Saadi & Inko Shedir


La curiosité aussi indécente que malsaine dont était pourvu l’être humain, fit s’élargir la ronde de témoins s’agglutinant autour d’eux, encore plus vite qu’une épidémie de Choléra croisée au bacille de la Peste. « Il ne vous arrivera rien désormais » ; « Vous êtes hors de danger à présent. » ; « Tout ira bien, ne vous en faîtes pas. ». Des promesses rassurantes et lénifiantes, qu’il aurait tant voulu pouvoir offrir à cette battante. Lui, qui pour la pléthore d’yeux indiscrets n’était qu’un sale con de sauveur. De lui pour elle. Elle, qui s’accrocha à la vie avec autant de force que sa main grêle se cramponna à ses phalanges de médecin, que le froid et la pression finirent par rendre aussi blanches que la neige. En près de trente années d’une vie dont il cherchait encore le sens à donner, le Grinch indien avait appris qu’il n’était malheureusement pas un homme de parole. Qu’ils fussent sérieux ou futiles, les serments n’étaient hélas pas le fort, de la loque de junkie qu’il était. Rien de bien étonnant, quand on sait qu’il ne faut jamais croire un drogué. Cette constatation gagna d’ailleurs en crédit et véracité avec le temps. A mesure que l’addiction et la dépendance aux psychotropes, l’asservirent et le rendirent esclave de ce violent besoin d’avoir sa dose.

Afin de combler ce manque insatiable, que les peines, la haine et le dégoût de lui même, ne firent qu’accroître au fil des années soufflées par l’alizé estivale et la bise hivernale. Même s’il n’était pas viscéralement et intentionnellement un salaud, Inko demeurait néanmoins la dernière personne digne de confiance ou capable de tenir une promesse. Un jour ou l’autre, la nature autodestructrice de l’écrivain tourmenté le poussera, fatalement et inévitablement, à dire ou faire quelque chose qui blessera autrui et anéantira l’engagement qu’il avait passé auprès de lui. C’était ainsi depuis de vingt-cinq ans. Qu’importe la nature des relations que le Docteur Shedir parvenait à tisser avec ses semblables, ces derniers en arrivaient toujours à éprouver à son encontre, de la colère, de la déception et du ressentiment. Dieu seul savait combien d’individus, il était parvenu, volontairement ou non, à froisser, vexer voire trahir. Dans le lot, il y en avait dont l’hostilité lui faisait ni chaud, ni froid. Et d’autres … d’autres qu’il regrettait considérablement d’avoir offensé d’une façon ou d’une autre. D’autres pour lesquels l’agrégat de solitude, serait prêt à tout pour remonter le cours du temps, réparer ses erreurs, ainsi que les torts et préjudices qui en découlent. Pour avoir une deuxième chance, et faire cette fois-ci les choses bien.

Comme avec cet être cher qu’il n’avait plus vu depuis plus quatre ans. Un être fabuleux qu’il avait déçu, bien au-delà de tout ce qu’il était possible d’imaginer. Un souvenir, une image qu’il craignait plus que tout au monde, voir s’effriter doucement comme un château de sable, battu par les sacs et les ressacs de la marée montant au triple galop. Aujourd’hui encore, le simple fait de penser à son sourire lumineux et son regard chocolat, suffisait pour qu’une boule vienne tordre et mettre à mal les tripes du diplômé en médecine forensique. Cependant ici, la situation était beaucoup trop grave pour que l’ami des mots rares, fasse preuve d’une désinvolture insolente dans ses paroles et prenne par dessus la jambe toute l’étendue de leur portée. A plus forte raison encore, s’il s’agissait de jurer ou promettre des choses, qu’il n’était pas en mesure d’honorer. Voilà donc pourquoi le barbu ne put se résoudre à prononcer ces phrases, qu’il trouvait complètement vide de sens mais dont les vertus calmes et apaisantes, contribuaient à rasséréner une personne à la manière d’un placebo. Les variables échappant à son contrôle, et sur lesquelles il n’avait pas d’emprise, s’avéraient beaucoup trop nombreuses et importantes.

Le monstre d’orgueil ne pouvait pas faire comme d’habitude. Crier haut et fort avec mépris, aux gens ayant eu la bêtise d’avoir foi en lui et qui en arrivaient à le honnir, que « les promesses n’engagent que ceux qui les croient. ». Tout ces mots, bien que sécurisant, restèrent donc à l’état embryonnaire sur le seuil de ses cordes vocales. Impossible pour Inko de lui garantir de vive voix, que ce précieux cadeau qu’était la vie, et auquel elle se cramponnait fermement, n’allait pas s’envoler tel un ballon de baudruche voulant tutoyer les cimes et s’inscrire parmi les étoiles. C’était tout bonnement au-dessus de ses forces. Oui, même pour ce parfait spécimen de narcissisme, qui avait déjà plus d’une fois sciemment fait preuve de cruauté envers de tierces personnes : cela aurait été intolérable. Si par malheur elle venait à agoniser et lutter pour chaque bouffée d’air, l’homme dégainant le sarcasme plus vite que son ombre, ne voulait pas voir briller dans ses grands yeux bruns une expression qu’il ne connaissait que trop bien. Celle de l’incommensurable déception, de ne pas avoir été à la hauteur pour l’autre. D’avoir échoué. Celle qui précède hurlements, coups et pleurs. Cette façon de dire avec le silence des yeux « Tu m’as menti. » ; « Tu m’as abandonné. » ; « Tu m’as trahi. ».

Au loin, les sirènes de l’ambulance, ralentie par l’heure de pointe et le quartier très fréquenté, vrillèrent les tympans. Aussitôt, des quintaux de tension quittèrent les épaules du coroner, qui se détendirent à vue d’œil. Ce qui échappa en revanche, aussi bien à la vue de la nuée de pies humaines qu’à la conscience du romancier, ce furent les espèces de huit que le pouce de ce dernier se mit à dessiner lentement, sur le revers de la main dorée qu’il étreignait. Soucieux que la demoiselle ne puisse avoir l’impression, que sa dignité soit piétinée par la pléiade d’observateurs envahissants, le brun à la coiffure ayant perdu en volume s’affaira à redescendre le pull en laine et mohair de la blessée. Jusqu’au système rudimentaire, peu protocolaire mais efficace, qui maintenait son poumon à flot dans l’attente d’une chirurgie. L’indo-américain rabattit également du mieux qu’il put les deux pans de son long manteau de polyester, en prenant grand soin de ne pas heurter le petit tube de plastique approvisionnant en air l’organe touché. L’écrivain aux œuvres en partie autobiographiques, chassa les impertinents étourneaux bipèdes en leur intimant l’ordre de reculer et s’en aller. Son ton acrimonieux et la manière désagréable qu’il eut, de prier les badauds de bien vouloir débarrasser le plancher, à l’aide de gestes odieux de sa main libre, lui valurent quelques insultes et quolibets de la part des plus susceptibles.

Toutefois, l’effet escompté fut au rendez-vous, puisque la ronde se désépaissit, au point de devenir un petit arc-de-cercle. Le nombre moins conséquent de spectateurs, sembla avoir une influence sur les traits de la femme étendue dans la poudreuse, puisqu’ils se détendirent encore davantage. Même chose concernant sa respiration, qui parut plus profonde et régulière, maintenant que les curieux l’étouffant sous leurs regards insistants furent moindre. L’ambulance arriva enfin et s’immobilisa dans un dérapage étonnamment bien contrôlé par son conducteur, en dépit que la chaussée fut enneigée et verglacée. Une équipe de trois hommes sortit du véhicule. Sac de premiers secours en bandoulière, le deux premiers accoururent en portant chacun l’extrémité d’une civière. Les questions fusèrent de toute part. Alors que ses lèvres se décélèrent et que l’opiomane était en passe de leur répondre, le troisième ambulancier, qui fréquentait la même salle de gym que lui et qu’il connaissait plus ou moins, crut bon de faire une blague de très mauvais goût. « On dirait bien que vous êtes en avance pour votre consultation Docteur Shedir. ». Loin d’être hilare, le légiste captura la pointe de sa langue à l'aide de ses incisives, afin d’éviter de déverser une cascade de propos rudes et véhéments.

Lentement, il releva la tête et foudroya l’effronté du regard. La rage fut telle, que ses narines frémir à la façon d’un taureau s’apprêtant à foncer sur un matador, agitant sa muleta. Le sourire benêt de l’homme du SAMU disparut, lorsqu’il comprit que son calembour laissa son public de glace. Confus, il s’excusa à demi-mot. Un gémissement de douleur fut dans la foulée émis par la plantureuse brune à la longue chevelure sombre. Aussitôt, et dans un petit soubresaut, Inko baissa la tête en direction du doux minois grimaçant. La colère lui avait fait serrer fermement les poings, et de façon tout à fait malencontreuse la main de l’élancée enfant de Vénus à la bouche semblable à un bonbon de guimauve. Navré, il déglutit âprement sa salive et se pinça la lèvre inférieure, avant de s’excuser et desserrer sa prise, autour des longs doigts fuselés qu’il tenait jusqu’alors avec une extrême délicatesse. « Un chauffard l’a renversé et a pris la fuite. Son poumon gauche s’est collabé et j’ai tenté de le regonfler du mieux que je pouvais. Nombreuses fractures. Notamment des membres inférieurs. Potentielles lésions de la rate décelées à la palpation. », exposa-t-il rigoureusement sur un ton en apparence imperturbable.

Le scribouilleur et pianoteur se résolut à lâcher la main de « sa patiente », retrouva sa verticalité et recula afin de laisser les ambulanciers faire leur travail. La nuque de la malheureuse immobilisée à l’aide d’un collier cervical, les trois sauveteurs la firent ensuite glisser avec beaucoup de soin et de précaution sur la civière. Pas suffisamment néanmoins au goût de l’homme à la peau ambrée, qui serra les dents et fronça les sourcils en voyant la manœuvre se faire. Dans un pas alliant hâte et vigilance, l’équipe conduisit cette inconnue à l’arrière de la camionnette aux gyrophares bleues tournoyant. Elle passa si vite devant Monsieur-Je-Sais-Tout, qu’il n’eut même pas le temps de harponner une dernière fois son regard noisette. Le conducteur, qui était resté derrière le volant, mit le contact et fit rugir le moteur. Ce bruit donna la chair de poule au narco-dépendant, qui s’éloigna encore un peu plus du véhicule d’intervention. A force de fixer l’intérieur de l’habitable, la vision de l’amaxophobe au dernier degré s’embruma. Des vertiges ainsi que des hauts de cœur fulgurants vinrent très vite s’emparer de lui. La voix qui s’enquit de savoir si l’égoïste de fils unique souhaitait se joindre au voyage, lui parut très peu distincte. Un peu comme si l’homme lui posant cette question, parlait avec un morceau de chatterton collé sur la bouche.

Sa peur fit s’abattre sur lui une soudaine aphasie. Ses lippes remuèrent, mais aucun son ne parvint à s’en échapper. Ce ne fut que lorsqu’il entr’aperçu la main de la gracile jeune femme, tâtonner faiblement et chercher la chaleur de la sienne qu’il réagit. D’un coup, tout les symptômes, typiques de l’anxiété, du métis si dissipèrent. Et lorsqu’on lui reposa une seconde fois cette question, dans une lenteur et une prononciation exagérées qui l’auraient vexées en temps normal ; il rétorqua en opinant du chef avec conviction. « Emmenez-la à l’Hôpital de Flushing. Il faut prévenir le Docteur Newitch de la Cardio, Le Docteur Hussey en Ortho et … . », commença-t-il à sommer, en prenant place à l’arrière de l’ambulance, d’une voix trahissant cette fois-ci légèrement son inquiétude. Les membres du trio l’interrompirent et lui affirmèrent sur un ton coulant, qui là aussi devrait en théorie l’énerver, qu’ils prenaient à présent le relais et savaient ce qu’ils faisaient. Loin d’être rassuré pour autant, Inko grommela brièvement mais n’insista pas et se contenta, pour une fois, de rester en retrait et la mettre en veilleuse.

Sur le trajet, deux des ambulanciers installèrent un peu plus confortablement sur un brancard, la sylphide à la chevelure noire qui parvint à se réchauffer, au point de ne presque plus frissonner. Les électrodes collés sur sa poitrine, le bip-bip strident du moniteur cardiaque rythma dès lors l’ouvrage des sauveurs s’efforçant de la stabiliser. Les puits de pétrole de l’écrivain au style décapant surveillèrent avec une attention paramilitaire, les constantes qui s’affichaient sur les différents appareils. Le pouls était faible mais pas inquiétant, la pression sanguine restait dans le bas de la fourchette, et le pourcentage de la saturation en O2 grimpa de quelques points, dès que le masque à oxygène fut déposé sur ses voies respiratoires. Grandement soulagé, le Docteur s’adossa contre la carrosserie intérieure du véhicule et bascula la tête en arrière, jusqu’à ce que son crâne vint butter contre le métal froid. Paupières verrouillées, il expira profondément et laissa le nœuds torsadant ses muscles se délier. Malheureusement, l’accalmie fut de courte durée. Un ralentisseur traître et bien dissimulé sur la route, trompa la vigilance du conducteur et secoua violemment l’ensemble des occupants.

Les trois ambulanciers n’eurent pas le temps de pester contre leur collègue, que le tintement aiguë de l’électrocardiographe s’affola. La fréquence du palpitant fut en chute libre. Jurant comme des charretiers, l’équipe s’activa pour tenter de relancer le cœur à grand renfort d’ampoule d’adré. Complètement sonné et groggy, l’homme aussi bien axé sur l’art que les science, décolla son épine dorsale de la carlingue de fourgonnette aux sirènes assourdissantes. Les larmes en équilibre au bord des yeux, il entr’ouvrit la bouche. Les lèvres frémissantes et le souffle court. Sa grosse tête d’intello, que bon nombre lynchèrent allègrement par le passé, s’articula de gauche à droite. Non ! Pas encore. Pas maintenant. Pas après tout ce que j’ai essayé de faire. T’as pas le droit ! Tu n’as pas le droit d’abandonner !. Tels furent les paroles que voulut hurler le toxicomane, en direction de ce faciès d’une pureté éthérée devenue blême. Son chant du cygne à l’agonie, entrecoupé par des sanglots. Le petit homme rongé par la culpabilité, revivait et ne pouvait s’empêcher de faire le parallèle, avec le drame de sa vie à l’origine de tout ses maux et bleus de l’âme. Son regard embué dévala le cou fin de la jeune femme d’une petite vingtaine d’années. Longea ensuite cette épaule bien ronde, à l’acromion légèrement saillant. Ruissela contre ce biceps fluet. Poursuivit avec une glissade sur un avant-bras svelte. Un poignet au petit tour. Et cette main.

Cette main dont le souvenir du contact, était encore tellement vivace et enraciné, au creux de sa paume. Excluant l’idée qu’elle puisse à jamais demeurer gelée, le Dom Juan oriental prit une grande inspiration et maltraita les nervures de ses extrémités palmaires, en y incrustant ses cuticules. Revigoré et de nouveau en possession de la quasi totalité de ses moyens et de son calme, Inko s’approcha alors du brancard, bien qu’on lui fit comprendre un peu plus tôt qu’il n’y était pas vraiment le bienvenu. « On ne vous a jamais appris à faire un massage cardiaque, ou quoi ?! Dégagez ! », aboya-t-il en assénant un brutal coup d’épaule, qui fit trébucher celui qui pensait avoir le gêne du comique inscrit dans son ADN. Une manière, à retardement, de le recadrer suite à sa blague abjecte de tout à l’heure. Paumes sur le plexus-solaire, orientées en diagonale sur la gauche vers la pointe du myocarde et le doigts relevés afin de ne pas briser les cotes ; l’accro au Fentanyl entama alors un duel de longue haleine contre la mort. « Aller, s’il te plaît. » ; « Bat. » ; « Repars. ». Quelques exemples des phrases qu’il se passait en boucle dans sa tête de surdoué. Ses yeux charbon faisant la navette entre le faciès de la belle figé dans un sommeil à l’expression paisible, et la courbe rectiligne du moniteur de poche, accompagnée par un bip perçant et continu.

Les minutes s’envolèrent et caracolèrent. Deux, puis trois, puis cinq … . Bien que sportif et doté d’un physique plutôt robuste, l’effort, couplé aux presque trente heures passées sans dormir, émoussa et épuisa progressivement le médecin, qui jeta ses dernières forces pour extirper cette femme dont il ignorait tout des griffes de la mort. Ses muscles commencèrent à se tétaniser. L’acide lactique les arrosant fit se crisper sa mâchoire, parcourue par une dense pilosité faciale. Respiration rauque et bruyante, sa mèche oscilla de haut en bas, et chaque pression fit s’épaissir encore davantage le tapis transpiration, qui recouvrait son front en nage et brûlant. Un goutte de sueur vint même choir sur l’arête du petit nez mutin de la demoiselle. Alors qu’il pensait avoir échoué une seconde fois dans sa confrontation avec la mort, le coroner sentit une pulsation venir cogner contre l’épiderme moite de sa main. Pulsation apparemment trop ténue, pour que le moniteur la retranscrive graphiquement. Les prunelles rivées sur la courbe plate, le binationaux mit un terme à sa procédure de réanimation, ne laissant que sa main droite au milieu de la poitrine de la sculpturale brune. « Docteur Shedir … ça fait plus de dix minutes maintenant. », bredouilla un ambulancier.

« Attendez … . », pria-t-il hors d’haleine. « Il faut arrêter à présent. », fit remarquer gravement un second. « Attendez ! », maintint-il sur un ton plus ferme et sonore. « Il faut que vous prononciez l’heure du décès. », se risqua à déclarer le dernier. « J’ai dit, attendez !!! », rugit-il tel un tigre excédé. Le silence regagna dès lors ses droits, et seuls les sons pénibles des sirènes et de l’électrocardiographe, bourdonnèrent dans ses oreilles. Molaires vissées les unes aux autres, le romancier égocentrique continua de scruter le segment sur l’écran du moniteur cardiaque portable. La nervosité fit frémir les muscles de son visage, qui lui conférait en ce moment même des airs de dangereux criminel en liberté. Un bip. Un pique. Fibrillation. Aussitôt, l’enfant d’ici et d’ailleurs brandit son poing gauche au-dessus de sa tête. Il le fit s’abattre avec fracas sur le sternum de cette mystérieuse femme inconsciente, en poussant un meuglement digne d’un bûcheron. Juste là. A l’endroit marqué par sa main droite, qu’il retira à vive allure. Mystérieuse ? Peut-être pas complètement. En effet, ses marqueurs faciaux laissaient à penser à l’anthropologue qu’il était, qu’elle devait très certainement posséder des origines maghrébines.

Relevant son visage humide en direction de l’écran de l’appareil, Inko patienta alors durant d’effroyables secondes dans une apnée totale. La courbe redevint sinusoïdale, et les bip-bip synonymes de vie battirent de nouveau la mesure. Ca y est, elle respirait à nouveau. Et lui aussi. Tout les deux avaient réussi à remporter ce round contre la grande faucheuse. Tout bonnement vidé et occis, le barbu s’éloigna du brancard, laissant ainsi les ambulanciers reprendre la main. Les dorsaux du presque trentenaire embrassèrent encore une fois l’aile intérieure du véhicule. Les nerfs et la pression redescendant, il se laissa doucement tomber sur les fesses, sentant que ses compas cotonneux menaçaient à toute instant de le lâcher et se dérober sous son poids. Genoux rabattus sur la poitrine, le séducteur qui n’en menait pas large enfouit son visage dans ses larges mains. L’adrénaline partant en déliquescence, l’effroi et l’épouvante de son amoxophobie reprirent petit à petit le dessus. Il tâcha du mieux qu’il put de faire abstraction du fait qu’il se trouvait dans un véhicule. Même s’il n’était pas croyant pour un sou, malgré que son père ait tenté de le sensibiliser à la religion, Inko se mit à répéter inlassablement dans sa tête, les quelques prières en sanskrit dont il se souvenait encore. Ces croyances étaient en opposition totale avec le rationalisme de son côté scientifique. Mais que pouvait-il faire à présent, si ce n’est prier et s’en remettre à quelques entités supérieures ? Prier pour qu’il n’entre pas en crise, et que l’on ne soit pas obligé de le sédater avec une injection de Lorazepam, qui assommerait Ganesh en personne. Prier pour elle. Avant tout. Pour qu’elle s’en sorte. Pour qu’il puisse entendre sa voix lui dire autre chose que « je ne veux pas mourir. ». Pour au moins une fois la voir sourire. Et pour une dernière fois sentir la chaleur de sa main dans la sienne.

(c) DΛNDELION
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Message Sujet: Re: you saved me. //Inko   you saved me. //Inko Empty Jeu 31 Jan - 20:30

Tout se passait affreusement vite, tu semblais être la spectatrice de ton propre malheur. Tu t'accrochais, tu combattais; tu n'avais pas envie de mourir. Tu avais encore tellement de choses à accomplir sur cette terre, mais évidemment tu n'étais pas entièrement maîtresse de la situation. À partir du moment où tu entendis les sirènes de l'ambulance et ceux-ci s'approchaient, tu savais que le pire était derrière toi; que ces êtres formés allaient te prendre en charge. Tu avais froid, et l'angoisse s'empara de ton corps lorsque tu ne sentis plus la chaleur de sa paume dans la tienne. Un symbole rassurant pour toi, la seule chose à laquelle tu t'accrochais à vrai dire. Heureusement, tu vins à entendre sa voix et l'entendit monter dans l'habitacle. Les ambulanciers t'installèrent confortablement et ils ne perdirent pas de temps avant de se mettre en route pour l'hôpital. Masque à oxygène sur le visage, tu avais le regard rivé sur le plafond comme unique fond sonore le bruit des machines qui surveillaient tes signes vitaux et tout le reste. Le trajet se faisait dans un silence des plus complet. Toutefois, ce moment d'accalmie se fit interrompre. À croire que tu t'amusais à donner du fil à retordre. D'un coup, tes paupières se fermèrent; baisser du rideau, retour à la case départ. T'es plongé dans l'obscurité, ton cœur ne bat plus; aucun signe de vie. Encore une fois, tu frôlais la mort; encore une fois, on voulait t'arracher à cette terre. L'homme, cet inconnu qui était devenu ton sauveur débuta les manoeuvres de réanimation. Ces paumes sur ton thorax, il tentait de faire redémarrer ton petit cœur. Les secondes fuyaient et tout cela se passait sous le regard d'un des ambulanciers. Mon dieu, si tu avais pu voir l'acharnement sur le visage de l'homme qui tentais de te ramener miraculeusement à la vie, tu en serais probablement émue. Il t'avais fait la promesse, que tu n'allais pas mourir aujourd'hui et probablement, qu'il voulait la maintenir. Au bout de dix minutes à effectuer ces manoeuvres, aucun résultat ne semblait en découler, tu demeurais toujours inerte, le visage pâle et les yeux clos. « Docteur Shedir … ça fait plus de dix minutes maintenant. » Vint à prononcer le premier ambulancier, c'était malheureux, mais l'équipe médical n'avait pas d'autre choix que de se résoudre à tout arrêter, après dix minutes sans réaction; les chances que tu puisses te réveiller étaient de plus en plus minces. Cependant, le toxicomane semblait obstiné à vouloir poursuivre;« Attendez … . » Qu'il prononça devant l'incompréhension des ambulanciers.« Attendez ! » Qu'il revint à prononcer d'une manière plus soutenue et sévère, il n'était effectivement pas prêt à te laisser partir. Il se battait pour toi, alors tu devais te battre aussi.  « J’ai dit, attendez !!! » Un silence lourd s'installa dans l'habitacle, après cette phrase prononcée. Les deux ambulanciers se turent après s'être regardés quelques instants. Ils n'allaient pas pouvoir l'arrêter de toute façon alors autant se maintenir au silence. Dans un geste qui semblait désespéré, mais à la fois calculé. Il vint à lever son poing dans les airs et l'abattre par la suite sur ton sternum. Son regard vint à se glisser sur le moniteur qui vint à afficher un signe à l'écran, signe que ton palpitant s'était remis à battre. Encore une fois, tu venais à déjouer les pronostics. Tu semblais avoir l'étoffe d'une véritable guerrière et c'est ce que les gens qui te feront ta connaissance à l'hôpital, diront de toi de façon complètement unanime. Ton cœur se remet à battre et l'homme se laisse échouer dans l'habitacle alors que l'adrénaline redescend. Les ambulanciers reprennent le flambeau surveillant tes constantes, ils auront clairement un sujet à discuter ce soir en rentrant. Le reste du trajet se déroule dans le calme, malgré cette drôle d'ambiance que l'on peut retrouver dans l'habitacle. Après tout, ça doit être ça le sentiment que l'on ressent lorsqu'on ramène quelqu'un à la vie, n'est-ce pas? L'ambulance finit par s'immobiliser dans le stationnement menant sur les portes de l'urgence. Les ambulanciers s'empressent de te descendre de là, sachant que chaque minute compte dans ce type de situation. Rien n'est encore stable, on a pu le constater d'ailleurs. Ils franchissent les portes et l'un des ambulanciers effectue le topo de la situation. « Jeune femme dans la vingtaine, fauché par une voiture.« Un chauffard l’a renversé et a pris la fuite. Son poumon gauche s’est collabé et l'homme présent sur les lieux à tenter de le regonfler. Selon ce que nous avons constater il y aurait de  nombreuses fractures. Notamment des membres inférieurs. Potentielles lésions de la rate décelées à la palpation.» Les médecins de l'urgence acquiescent devant ce topo. Leurs regards se posent sur ton corps abimé, ce n'est pas la première fois qu'ils voient un être aussi brisé à l'arrivé aux urgence, mais ça fait toujours mal au cœur. « Parfait, on prend le relais.» Que lance l'un des médecins, véritable chaîne de spécialistes, il faut pas perdre une minute de plus. L'un des médecins remarque l'homme à la barbe de quelques jours un peu plus en retrait, il semble dans ces songes et c'est pourquoi, il se dirige vers lui. « C'est vous qui lui avez prodiguer les soins d'urgence en attendant l'arrivé des ambulanciers?» Il l'interroge, d'une voix calme et posée alors que le reste de l'équipe se prépare à t'amener en salle d'opération. Tu n'es pas encore sortie d'affaire, mais te retrouvant ici, c'est plus sécurisant et tu es entre de bonnes mains.

@inko shedir mille pardons pour l'attente.  you saved me. //Inko 3176379322  
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