HE:LL (eden)

traits de caractère / eden, c'est une fille de l'air. sa vie s'calque au vent et son passage n'est qu'poussière. elle viole des cœurs en rêvant d'amour, et vole l'amour en déchirant les corps. brasier aérien, elle n'est faîte que d'rien. c'est des promesses de vie, eden, de l'onirique, d'la fiction. c'est une actrice. c'est qu'du faux, eden, seulement un bon morceau d'fantasme sur un tapis d'illusion. c'est bête, parce que parfois, elle paraît sacrément réelle, quand-même. genre, quand elle pleure d'vant son feuilleton du jeudi soir ou qu'elle rit aux éclats. c'est cristallin. ça donne envie d'l'avoir près d'soi. d'sentir son souffle chaud dans l'creux d'sa nuque. l'problème, c'est qu'on veut vite s'l'approprier. puis ça finit mal, en général. d'un côté ou d'l'autre. la dernière fois, elle s'est posée à la terrasse du café avec un coquart sombre d'sous ses yeux. on voyait plus l'bleu d'ses prunes, seulement celui d'l'amertume d'sa blessure. elle écrivait, des pages entières, prenant une gorgée d'son mojito entre un instant d'réflexion ou un regard d'jeté sur les passants. un mojito, en plein après-midi. elle aime répéter qu'y'a pas d'heure, pour vivre. l'truc c'est qu'eden, elle a pas franchement d'limite. ça fait peur, des fois. c'est pas juste cool, c'est angoissant. cette fille-là, c'n'est pas qu'une énigme, c'est aussi, surtout, une putain d'folle. une malade. y'a un truc qui tourne pas rond chez elle, c'comme si elle n'était pas franchement humaine. genre, on s'demande si elle sort pas tout juste d'un mauvais thriller des années quatre-vingt-dix. vous savez, la nana canon, qui inspire pas confiance au début du film et qui finit par torturer la copine d'son ex à sa fin. voilà. c'genre là. du genre à errer avec le diable et courir après les cieux. du genre à fumer avec les aliens et s'balader à dos d'rennes. c'est con, mais du coup, elle obsède, eden, elle prend aux tripes. elle rend fou, au point d'n'pas réussir à trouver l'juste milieu entre l'aimer pour toujours et la tuer sans lendemain.

q u a t o r z e
t'es pâle, charles. t'es fade. mes larmes coulent sur ta peau maquillée, dévalent le long d'ton bras inerte. t'es figé, étalé sur ton brancard. tes paupières tombent et cachent la pureté d'tes yeux, celle qui adoucissait la souillure des miens. ça m'manque, comme tu m'regardais. comme si j'étais la plus belle. la dernière. tes lèvres n'ont plus d'goût. tes fossettes ne sont plus. t'as arrêté d'sourire, comme t'as arrêté d'vivre. j'me souviens d'tout. du premier jour, d'la visite de la villa, des repas en famille, des sorties avec tes amis, d'la stabilité qu't'as pu m'offrir. j'me souviens des règles : pas d'téléphone à table, l'couvre-feu à dix heures. j'gueulais pour éviter d'te dire je t'aime. parce que, c'dont j'me souviens surtout, c'est d'notre promesse de mariage. celle d'éternel. j'entends encore les échos d'ta voix m'chuchoter qu'on crèvera ensemble, après les avoir tous rendu fous. mais tu sais, charles, j'me suis éteinte, ce matin. j'suis partie avec toi. ta bague anime encore mon corps, mais mon cœur est mort avec le tien. adieu bientôt.

j'suis en colère, charles. putain, si tu voyais sa tête de connard, tu l'achèverais à coups d'poings dans les couilles. un procès à huis clos, ça t'étonne toi ? ismaël sartier. r'garde le dans sa chemise d'artisto, tenu droit devant l'regard impavide d'son paternel. j'rêverai de l'étrangler avec sa cravate, d'serrer l'tissu jusqu'à l'explosion d'ses veines, jusqu'à c'qu'son sang puisse enfin venger l'tien. condamné à cinq ans d'prison, dont trois avec sursis. t'y crois, toi ? il n'restera qu'deux fois trois-cent-soixante-cinq jours en taule. rien qu'ça, pour t'avoir pris la vie. j'peux pas, charles. je ne peux pas. j'me suis cassée du tribunal.

q u i n z e
j'deviens folle. j'ai acheté un cahier neuf à la droguerie du coin. les pages blanches sentaient bons. maintenant, la plupart sont chiffonnées. j'ai décoré avec du carton, des gommettes, des dessins aux feutres, des schémas au fusain, des bouts d'ficelle mal découpés. y'a qu'd'la rancœur, dans c'cahier, qu'ma haine retranscrite par ma salive d'crachée sur la photo d'sartier. il va payer, mon amour. il va crever.

si tu savais, comme j'attendais d'le voir, ismaël. j'n'ai pas pu dormir la veille. et j'n'ai pas pu dormir depuis. il me rend dingue. il est encore plus beau en vrai qu'en photo. j'l'ui ai fait croire que j'participais à un programme d'échange pour favoriser la santé psychologique des détenus. il y a cru. il n'y a que moi, qu'il voit. j'lui ramène des clopes, j'lui envoie des lettres, au moins une dizaine depuis qu'on s'est rencontrés. puis, j'lui ramène d'l'amour, aussi. je sais c'que c'est, maintenant, qu'd'avoir un orgasme. tu sais, j'apprends ses traits, j'parcours son corps, chaque parcelle de sa peau d'meurtrier, j'identifie chaque cicatrice, chaque plaie, chaque souvenir. mais t'en fais pas, charles, il va te rejoindre. j'ai fini par comprendre que tous ceux que j'aime s'envolent au ciel.