enfant roi (neith)

Est-ce que t'a déjà pensé au mariage Amos ? Pas vraiment, peut-être parce que tu as longtemps été le témoin de l’échec de celui de tes propres géniteurs. Ça commence toujours par des « je t’aime », des promesses de vie entière, puis ça se met à pourrir, en touchant tout ce qui reste d'un peu joli, gangrène la chair, jusqu’au centre, finissant par éclater comme un fruit pourri. Et on se déchire, les cris, les pleurs, on laisse un gout amer derrière nous, et après la tempête, il ne reste plus rien. Rien que des mômes qui pleurent leurs mère qui ne reviendra pas, qui n’ont pas d’autre choix que de l’accepter en voyant leur propre père dépérir d’avoir perdu son seul et unique amour. Non vraiment, le mariage n’a à tes yeux aucun intérêt, rien d’attirant, rien qui puisse te pousser à faire cette connerie monumentale. À part elle peut-être. Oui. Peut-être que tu pourrais vouloir l’épouser, peut-être que tu te rendrais assez con pour te mettre à ses pieds, un genou au sol, une bague à la main pour te demander d’être tienne. Peut-être que tu aurais dû le faire aussi. Tu sais bien que c’est en partie de ta faute si Neith a décidé de passer à l’acte, de demander sa main. Si t’étais resté dans le coin, peut-être aurait-elle dit non ? tu aurais du t’y attendre, ça fait bien longtemps que ça dure cette histoire entre Lila et ton frère, bien trop longtemps, bien assez longtemps pour vouloir fonder une famille avec elle et lui passer la corde au cou. Pourquoi tu’es étonné alors ? Parce que tu pensais que ton frère n’aurait jamais assez de courage pour faire ce genre de chose ? Peut-être. Peut-être qu’en réalité il en a bien plus que ce que tu penses, peut-être se comporte-t-il plus en hommes que ce que tu avais en souvenir. Néanmoins cette nouvelle te contrarie, tu ne peux pas le nier, t’arrête pas d’y penser depuis des jours entiers. Voilà presque une semaine que tu foules le sol Américain, voila presque une semaine que tu te dis qu’il faut tirer cette histoire au clair, allez voir ton petit frère, peut-être même le dissuader de faire cette chose stupide. Faudra bien que tu le confrontes un jour, tu comptes bien être le le jour où il décidera de lui passer la bague au doigt, de te l’enlever pour toujours. Tu claques des doigts, commande un uber qui te mènera jusqu’à son appartement. T’ignore s’il est là, s’il travaille, t’ignore qui tu trouveras derrière la porte, t’aurais surement dû appeler avant de passer, qu’importe, tu sonnes. C’est lui qui t’ouvre, visiblement un peu surpris. Est-ce qu’il n’était pas au courant de ton retour ? est-ce qu'il pensait que tu resterais pour le restant de ta vie sur votre île de beauté ? Tu l’enlaces rapidement, une tape dans le dos, un geste amical. « Salut frangin », tu entres dans l’appartement sans vraiment attendre son invitation, de toute façon il l’aurait fait n’est ce pas ? « Désolé de passer sans prévenir… », t’observe un peu l’appartement, tu le connais mal, tu le connais peu, pour ne jamais quasiment y venir. Faut dire que t’es rarement invité pour traîner avec ton frère. « Mais je voulais te voir pour célébrer mon retour », t’attend les acclamations, le retour de l’enfant roi, t’avances un peu dans l’appartement, commence à ôter ta veste. « Alors… tu m’offres à boire ? »

la nuit a été longue. très longue. presque interminable. c'était le parfait résultat quand une voiture conduit par un imprudent arrosé à l'alcool avait décidé de rentrer chez lui. mais qu'en chemin il avait semblé confondre les distances en rentrant dans une voiture composé d'une famille de quatre rentrant de leurs vacances en Philadelphie. le conducteur seul était mort sur le coup, un bien triste sort mais aussi un cadeau bien délicat puisque à jamais intouchable par la culpabilité. concernant la voiture familial, le bambin s'était transformé en ange durant la nuit, dans le centre des soins intensif. un adulte se trouvait encore sous les perfusions, sans aucun signe de réveil. l'autre adulte et l'enfant, malgré quelques blessures semblaient être pour le moment les seuls rescapés de cette soirée où le sang s'était bien trop déversé. malgré ce retour dans son appartement, les événements dansaient encore dans sa tête. s'il s'habituait aux divers cas avec des corps toujours plus mutilés les uns que les autres, neith ne pouvait se détourner du regard de ce petit garçon de sept ans. lui qui avait survécu. lui qui allait devoir faire face plutôt que prévu à la mort, au deuil. à l'abandon. les histoires n'étaient pas les mêmes, pourtant, elle résonnait d'une certaine manière en lui.
assit sur le bord de sa cuisine, neith regardait à travers la fenêtre, ses pensées s'évertuant à lui bouffer la moindre bonhomie possible. ça lui arrivait de temps en temps, que son métier prenne le pas sur sa vie personnelle, précisément quand un écho arrivait à l'atteindre. le café dans la main, il se tenta à y tremper les lèvres. lila n'étant pas dans leur cocon, un silence paisible trônait dans les pièces. du moins jusqu'à ce que des coups viennent briser cet havre de paix. n'attendant personne, neith ne comprenait pas, et d'autant plus quand la porte s'ouvrit sur son frère. la surprise se lisait sur son visage, ce n'était pas son genre de se rendre chez lui. d'autant plus sans prévenir. mais amos, restait lui même. mystérieux, que les règles n’atteignent pas. d'ailleurs, il se permet d'entrer sans aucune intervention de sa part. pourtant le cadet le laisse faire, quoi d'autre ? ses justifications arrivent rapidement tandis que la porte se referme sur ses paroles de célébration. neith ne possède pas les mots, pourtant il n'en pense pas moins. le célébrer. ça le faisait marrer. surtout quand on savait que c'était plutôt à lui de fêter une nouvelle. « tu veux quoi ? » disait-il en renonçant finalement à toutes joutes verbales. il était là. c'était déjà ça. et puis au fond de lui-même, neith croyait encore à un possible bon fond. et ce même malgré leur enfance. et cette souffrance permanente. « t'es revenue depuis longtemps ? » demanda-t-il tout en se rendant devant le réfrigérateur en l'attende d'une réponse. des banalités, la politesse, le minimum. « papa va bien ? il tient le coup ? » ce surnom pour un géniteur si absent qu'il l'avait été lui brûlait les lèvres, tout n'était qu'apparence mais pour neith, cet homme n'était qu'une ombre à présent dans sa vie. plus rien.

Tu connais peu le quartier, l’appartement où vivent ton frère et sa fiancée. Sa fiancée, ça t’écorche la gueule rien que d’y penser, rien que d’imaginer que cela puisse être vrai. T'a toujours fait en sorte d’éviter l’endroit, de ne jamais y foutre les pieds de peur d’y voir des choses que tu ne pourrais jamais oublier, de peur de les imaginer avec bien trop de force ici, dans leurs quotidiens, comme un couple amoureux. À vomir. Tu veux pas de cette vie-là, tu veux pas partager ton appartement avec une femme, partager un quotidien avec quelqu’un d’autre où toi à vrai dire. Pourtant aujourd’hui tu t’aventures jusqu'à leurs appartements, y pénètre sans vraiment avoir reçu une quelconque invitation. Tu vois bien qu’il est surpris Neith, tu vois bien qu’il ne s’attendait pas vraiment à te voir là et t’imagine déjà toutes les questions qui peuvent remplir sa tête. Tu t’installes dans le salon, comme un roi, comme celui que t’a toujours été, réclame déjà qu’il t’offre à boire. Il y a toujours eu ce rapport de forces avec ton frère, toi l’aîné, lui cadet, le petit dernier, tu joues l’autoritaire, aussi bien avec lui qu’avec les autres. Vos rapports ont presque toujours été compliqués, pourtant il te laisse entrer, te demande même ce que tu souhaites boire. Tu hausse les épaules en t’installant dans ce qui semble être le salon. « Un café ce sera très bien », peut-être avez-vous suffisamment grandi pour mieux vous entendre, peut-être êtes-vous assez mature pour savoir passer à autre chose et vous aimez enfin. Il te demande enfin si tu’es revenue depuis longtemps, si papa vas bien, les banalités familiales. « papa survit », et c’est déjà pas mal, « et j'suis revenue il y a une petite semaine », tu pourrais lui faire remarquer qu’il le saurait s’il avait pris la peine de t’envoyer un message, de t’appeler ou même juste de penser à toi. Tu pourrais lui faire remarquer qu’il n’a pas foutu les pieds dans votre maison familiale de Santorin depuis l’enterrement de votre oncle il y a un an, tu pourrais lui faire remarquer que votre père le réclame encore. Mais tu ne dis rien, tu prends sur toi et te redresses un peu. « Alors… », tu te lèves enfin, fais quelques pas dans le salon. « Comme ça tu vas te marier ? », maintenant il sait que tu sais, que tu es informé pour les fiançailles et tout le reste. T’essaie de ne rien laisser paraître, ni la colère, ni ton ego vexer par cette nouvelle. Tu t’approches de lui, une main sur son épaule. « J'savais pas que mon petit frère était devenu un homme », tu ricanes un peu, tu le prends toujours pour un gosse, ce même gosse de quatre ans qui pleure la disparition de votre mère. Mais ce n’est plus un gosse, au moins un homme comme toi, même si ça te plaît d’en douter. La vérité est, que c’est lui que Lilas va épouser. Tu t’éloignes enfin, te tourne vers la fenêtre. « C’est pour quand ? », tu t’y intéresse vraiment, au moins pour être là et tout faire foirer s’il le faut.