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traits de caractère / t'étais un enfant souriant. t'étais un gamin qui croquait la vie à pleine dents, du genre à sauter de joie pour pas grand chose, du genre à avoir les yeux grands ouverts et brillants le soir de noël, même après avoir appris que le père noël n'existait pas. ouai, t'étais pas du genre gamin compliqué, pas du genre à poser de problèmes tant qu'on te laissait danser. t'es tombé dedans tout petit, t'as jamais arrêté. ça a toujours été ta raison de vivre, ta joie que de pouvoir participer à des concours et de voir les yeux de tes parents briller.

ouai, ce gamin-là, c'était toi.

t'as changé depuis ton accident. t'es plus souriant, t'es plus optimiste, t'as plus envie de quoi que ce soit depuis qu'on t'a enlevé le droit de danser, de faire des compétitions, de briller. c'était ton oxygène, on t'a privée en partie de tout ça. tu jettes la pierre à personne. mais tu broies du noir, t'as mal et t'as souvent envie de hurler au monde que c'est injuste. t'es pas totalement sain dans ton esprit maintenant, pas totalement bien dans ta tête. cauchemars, nuits agitées et médocs que tu affectionnes un peu trop. pour avoir moins mal. pour oublier. pourtant, de façade, t'as pas tellement changé.

t'es toujours souriant. sourires forcés sur tes lippes, surtout avec les enfants. t'es souvent le premier à avoir des idées de plans foireux, de soirée alcoolisées. mais ça cache ton malaise tout ça, ça cache les nuits éveillées, les pleurs silencieux, les coups-de-poing contre le mur et les douleurs dans ta jambe. ça cache les heures à danser malgré tout, jusqu'à tomber par terre sans plus tenir debout, ça cache les heures suivantes, passées au sol comme tu l'étais y'a plusieurs années, incapable de te relever.

si seulement ils savaient, tout ce qui se passe au fond de ta caboche, ce qu'il advient réellement de tes soirées en solitaire, de l'alcool qui glisse un peu trop vite entre tes lèvres, de ce cocktail explosif mêlé à tes anti-douleurs. précieuses pilules que tu ingères parfois par trop grand nombre, parce que ça fait du bien, et pas seulement au corps. à l'âme aussi, ça éloigne toutes tes pensées, ça te fait planer un peu. ça te fait du bien. avant, c'était la danse qui te vidait le crâne. maintenant, c'est des putains de médocs. t'as plus grand chose qui te donne envie de continuer à te battre pour un rêve que tu n'atteindras plus jamais, pour une vie qui te semble dénuée de sens.

t'es en train de te noyer, c'est pas possible.
tu t'étouffes.
merde, respire, c'est pas si compliqué.
t'arrives pas.
souffle coupé.
de douleur, de peur,
d'une vérité que tu te prends dans la gueule, que tu ne veux pas écouter pour le moment. genou dans un angle peu probable, putain de douleur.
tu ne sais pas exactement à quel moment t'as décidé de fermer les yeux.
tu ne sais plus. ces souvenirs font encore mal. tous ceux qui suivent aussi.

un long soupir t'étouffe.
la mélancolie aussi, elle t'étouffe. tu sais pas trop ce que tu fous en ce moment. t'es pas dans une bonne période.
anniversaire que t'as pas envie de fête, six ans que t'as dit adieu aux compétitions, que t'as mis ta carrière pro au placard. elle avait bien commencé pourtant. ouai. elles traînent encore les coupes.
la première que t'as décrochée gamin, les suivants.
ta première place en national, face à des centaines d'autre gosses qui partageaient la même passion. titre que t'as remis en jeu plusieurs fois, t'as pas lâché, t'es resté premier trois années de suite.
ouai, putain de potentiel.
puis avec ta partenaire de l'époque, troisièmes au championnat mondial. c'est pas rien, ça.
c'est plus grand chose en tout cas. tu fermes les yeux, étouffes un cri de frustration contre ton oreiller. tu termines par te lever. t'as mal, putain.
douleurs chroniques à la con. crises à la con.
t'en veux plus de tout ça, ça te fait chier. annuler des cours, ça te fait chier. t'aimes pas ça, mais tu pourras rien faire aujourd'hui et tu le sais.
alors t'es raisonnable, pour une fois.
tu peux juste rien faire sans boiter, de toute manière. cuisine atteinte, boite de médicaments qui traînent. tu comptes plus les pilules.
tu veux juste penser à autre chose.
dormir un peu.
oublier.