de gosse de riche à la rue (Nate)

traits de caractère / Nate, c’est ce type qui se donne des airs street mais dont s’échappent parfois des gestes trop polis. Absurde comme ton dealeur qui te tient la porte. Ce qui le fait bouger, c’est à la fois la recherche du vrai, des vraies émotions, et celle d’une vie qui vaille la peine. Ça l’obsède un peu : faut faire les bons choix, vivre les bonnes choses avant qu’elles vous filent entre les doigts, avoir des choses à raconter plus tard. Il a peur de l’immobilité et de l’ennui. Quand il refuse un plan, il dit souvent : « j’ai pas ton temps, moi » pour ensuite laisser filer les heures à regarder le ciel au parc, joint au bec. Ça a l'air paradoxal mais tant que c'est ce qu'il veut, ce n'est pas du temps perdu.

Son esprit tourne parfois trop et il bloque sur des choses, des idées, ça devient des petites obsessions. Il est confiant, assuré, extraverti et il a l’honnêteté qui va avec, parce qu’il a pas l’temps d’enrober la vérité pour que tu te sente mieux. Il boit peut-être un peu trop et il fume plus qu’avant. C’est un peu de la faute du boulot : la clope c’est l’assurance d’une pause toutes les deux heures, l’alcool c’est les verres avec les collègues en after-work parce qu’il pense que c’est comme ça qu’on sécurise sa place dans une boite. C’est aussi de la faute de la solitude qu’il faut assommer quand on est seul en Europe et qu’on a laissé sa vie en Amérique.

Il a des principes assez ancrés en lui et il trouve que le monde peut être salement moche mais il n’en parle pas facilement, il voudrait pas qu’on le prenne pour un fragile. Il est protecteur, caring, et ça le rend presque sévère, parfois. Par exemple, il est toujours fâché sur sa sœur d’avoir gardé l’enfant alors que ce n’était pas le meilleur choix pour sa vie à elle, d’après lui. Nate, il est doux et plutôt posé mais parfois il craque et tout l’énerve : la télé, la météo, la mauvaise marque de café qui trône dans l’armoire de la cuisine, les gens qui promènent leurs chiens dehors, ses vêtements qui refusent de se plier correctement, des choses futiles pour ne pas dire les choses graves.

Dans son crâne, y a toujours eu qu’un objectif : se barrer. Fuir la bourgeoisie oppressante représentée par ses parents. Attiré par les rues comme une promesse d’autre chose, il s’est retrouvé à passer une bonne partie de sa vie sur le bitume. Il s’est lié d’amitié à des jeunes des rues, a partagé leur quotidien et leurs histoires. Il ne s’est rendu compte qu’il venait d’échanger un enfer pour un autre que quand ce fut trop tard, quand il n’y eut plus de marche arrière possible. En effet, sa sœur, Romy, et lui avaient décidé de partir ensemble s’installer dans le Bronx, alors qu’ils n’étaient encore que des adolescents. Sans aide des parents, ils s’employèrent à faire fondre leurs comptes épargnes. Sauf que ce n’était pas vraiment ça qu’il voulait, lui qui vivait à présent avec la constante peur au ventre d’être démasqué par ses nouveaux amis comme étant un intrus. Son rêve d’évasion est alors devenu une véritable obsession : partir, partir, partir. Comme une maladie. Il n’aurait eu que ça à la bouche, des discours de fuite, s’il n’avait pas été plus malin que ça. Fallait pas prévenir les autres, fallait pas que les rues le sachent, qu’il était pas là pour toujours, qu’il faisait semblant de faire partie du groupe. Une question de survie. Un moyen de pas devenir chèvre parce que ça aurait pas pu, pas pour lui, que l’avenir ce soit ça. Toujours les mêmes têtes, toujours les mêmes drogues, toujours les mêmes culs. Lui, il valait plus que ça. Avec tous, il jouait un rôle en attendant de partir, de commencer sa vie, d’être enfin lui.

Après avoir rencontré Gabin, l’envie obsessionnelle de partir s’est calmée. Il était heureux, complètement amoureux. Il était lui-même. Pourtant, ça a commencé dans la violence. La peau de ses poings qui se déchire alors qu’il tend l’oreille vers la respiration du type à terre. Chaque sanglot comme une délivrance : l’type vit encore. Le sauver, ça lui est venu en tête tout comme cette histoire de partir : ça a pris toute la place dans son esprit et même ses muscles ne pensaient plus qu’à ça. Obsession qui en remplace une autre et qui le pousse à le retrouver après l’incident, alors même qu’il pensait l’oublier rapidement. Il découvrit qu’ensemble, plus besoin de partir ni de faire semblant. Avec Gabin, il pouvait être nu totalement. Pour se rapprocher de son copain, ultime preuve qu’il voulait vraiment que ça fonctionne, il convainc même sa sœur d’emménager dans le Queens.

Sa vie lui paraissait parfaite, jusqu’à ce qu’il se réveille un matin, en pleine crise de panique. Tout était à présent clair : New York, ou le destin, avait trouvé une façon de le garder ici, en plaçant Gabin sur son chemin. Tout ça n’était qu’un piège. L’idée de partir revint s’accrocher à chacun de ses neurones et, sans en parler à celui qui partageait sa vie, il commença à préparer sa fuite. Au bout d’un moment, il finit par décrocher un stage rémunéré d’un an dans une célèbre boite européenne. Il le présenta à son petit ami comme une opportunité sensationnelle qui lui était tombée dessus, à laquelle il ne pouvait pas dire non.

Partir, ça lui fit mal. Ça lui creva le cœur. A l’aéroport, il faillit tout avouer à Gabin une bonne dizaine de fois et tout annuler au moins autant que ça. S’il a tenu le choc, c’est parce qu’il se voyait vivre la grande vie en Europe, sa vraie vie. Rencontrer des gens bien, apprendre, habiter un loft d’artiste. Et c’est ce qui se passa, facile comme dans un rêve. Sans pourtant qu’une seule seconde son cœur ne cesse de souffrir, petit ronron en fond sonore qu’il arrivait parfois à ignorer mais qui ne s’éteignait jamais. Pas même lorsqu’en plein orgasme, il criait le nom d’un autre. La petite sirène avait enfin des jambes mais chaque pas était une déchirance. Il fallait qu’il rentre. Même quatre ans plus tard, peut-être qu’il était encore temps ? C’était ça ou finir en écume, parce qu’être loin de Gabin, c’était devenu impossible. Même si, revenir, ça signifiait aussi affronter sa sœur et cet enfant qu’elle avait eu pendant qu’il était parti, contre son avis.