Sujet: (fumé comme un saumon), salem Jeu 8 Nov - 17:46
fumé comme un saumon
EXORDIUM.
T’as perdu le fil du temps, de la soirée, de ta vie peut-être bien, ou peut-être que ta jamais put le tenir, ce fil, cette corde qui te retiens sur la terre ferme, t’empêche de tomber dans le vide sidéral qu’est ton avenir. On t’a encore posé la question aujourd’hui, à l’université, ce rendez-vous avec l’une de tes profs qui s’inquiètent de te voir de moins en moins. Elle dit que ce n'est pas sérieux, elle dit que c'est pas un avenir la radio, elle dit surtout que peu réussissent, et elle dit par-dessus tout que t’en fais pas partie. Toi t'as pas voulu y croire, tu l’as écouté d’une oreille distraite, fixant le tableau derrière elle, te concentrant sur la phrase écrite en caractère gras. « Le tertiaire est votre avenir ». Mon cul ouais. Et tu ricane. Ça lui a pas plus. Elle a voulu savoir ce que tu comptais faire plus tard. « Mademoiselle King, c’est très sérieux ». T'as pas su répondre, t’as juste haussé les épaules, attendant qu’elle se lasse avant toi, qu’elle abandonne sa quête de faire de toi une bonne élève avec une vie toute tracé. Pourquoi est-ce que les adultes sont aussi chiants ? Aussi différent de ce que tu voudrais être, de ce que tu es aujourd’hui. Elle finit quand même par te lâcher, t’encourageant à revenir dans son cours, à t’accrocher. Il ne reste plus beaucoup de temps avant ton diplôme, elle te dit que tu pourrais y arriver, qu’il t’ouvrirait bien des voies. Tu vas y réfléchir, puis tu la quittes, traverse le campus à toute vitesse avant qu’elle ne change d’avis. Ce soir, comme presque tous les soirs tu vas servir des assiettes bien trop lourde, dégoulinante de gras et de sauce salsa, des tacos en carton, de la viande bourrée aux OGM, le futur de l’Amérique. Tu vas balancer de faux sourire, te rendre le plus aimable possible tout en imaginant la cuite que tu prendras après, dans un de ces bars ou tu’es devenu un habitué. T’y retrouve ton petit groupe de pote, on prend les mêmes et on recommence, on trinque, on claque les shooters contre le bar. Ça met pas longtemps pour alourdir tes membres, ralentir tes gestes et tes pensées, les noircir un peu aussi, créer le manque au creux de ta poitrine, ce manque que t’arrive pas à combler, que tu combleras surement jamais. Ce manque viscérale d’amour, même pas d’attention, non juste d’amour, d’une présence un corps contre ton corps et pas seulement pour une nuit. Non parce que c’est trop simple ça, de charmer le garçon, la fille, qu’importe le genre, qu’importe le corps tant qu’on veut bien de toi. C’est trop simple, trop facile d’être aimé pour une nuit. Ce n'est pas suffisant et tu deviens morose au bout de la table, l’esprit trop loin, l’esprit ailleurs. Les gestes incontrôlés, le téléphone, son numéro. Tu l’appelles à l’aide. T’as besoin d’aide pour rentrer chez toi, t’as besoin d’aide pour dormir cette nuit, et puis Salem elle est la seule à qui tu peux dire ça, à qui tu peux dire que tu’es trop bourré pour t’occuper de toi, trop seule pour être heureuse.