(teha&rose) no tears left to cry.

no tears left to cry. feat tehani.

Assise devant son micro, Rose écoutait combien Alice, l’auditrice en plein désarroi, souffrait des réactions de sa meilleure amie, ou plutôt celle qu’elle avait toujours considérée comme tel. Elle l’entendait parler de la distance qui s’était installée peu à peu et qui avait finalement laissé place au silence. Ces mots résonnaient dans la tête de la brune en même temps qu’ils glissaient dans ses oreilles, la distance, le silence, les fous rires passés, les moments joyeux partagés… Et c’était le visage de Tehani qui s’était installé sans qu’elle puisse le décoller de son foutu cerveau. Sans le réaliser, elle répondit avec virulence. « Tu sais, les gens sont comme ça, un jour ils te sourient, un jour ils t’abandonnent comme si tu n’avais jamais été personne à leurs yeux. Ils croient les on-dit, ils prennent parti, ils te zappent et faut l’accepter. » C’était ce qu’elle avait ressenti elle aussi, au moment de sa rupture, quand elle avait compris qu’elle ne faisait pas le poids face à l’amitié exceptionnelle qui existait entre Alexis et Tehani. Elle avait pu être aussi gentille que possible, elle n’était qu’une poussière dans l’univers de Teha quand Alexis était une montagne. Ca lui laissait un goût amer, à vrai dire, un mélange de déception et de désillusion, personne ne l’avait comprise, elle, la « garce » qui avait trahi, elle qui était simplement une femme qui souffrait en silence. Elle aurait sûrement dû en parler au lieu d’agir sans réfléchir, peut-être que cette fille qu’elle pensait être son amie l’aurait aidée, ou au moins aurait mieux analysé la situation. Mais rien ne s’était passé comme ça, Rose avait tout perdu, l’amour de sa vie, son quotidien avec ses amis, ces connaissances qu’elle pensait garder quoiqu’il arrive mais qui sont parties sans un regard mais avec beaucoup de ressentiment. C’était comme ça, elle l’avait accepté, elle n’avait même pas tenté la moindre approche, à quoi bon ? Etre jugée ? Non, très peu pour elle. L’absence d’Alexis dans sa vie était déjà difficile, elle se battait jour après jour pour faire le deuil de cet amour qu’elle avait toujours pensé impénétrable, infini… Une belle connerie. Le manque était douloureux, un combat au quotidien mais elle réussissait de mieux en mieux, et ses amies l’y aidaient énormément, à travers des soirées alcoolisées ou tout simplement des moments canapé-télé, elle avait toujours une épaule sur laquelle s’appuyer, pas aussi carrée, pas aussi virile que ce à quoi elle était habituée, mais elle appréciait quand même. « Allez les amis, c’est sur une note de musique que l’on se quitte ce soir, je vous dis à demain, et en attendant, amusez-vous, protégez-vous et surtout aimez-vous ! » Après avoir salué ses collègues, Rose enfila sa veste et descendit du studio. Garées devant le bâtiment, ses copines l’attendaient déjà, des bières à la main. « Monte vieille bitch, on va faire la fête ce soir, y’a un nouveau bar qui a ouvert ! » La brune ne demanda pas son reste en grimpa dans la bagnole aussitôt.

« Haaaaa, c’est vraiment sympa ici !!! J’espère que leurs mojitos sont bons, et bien corsés ! » Les filles étaient assises autour d’une table ronde, c’était leur habitude, un rituel depuis des années, et si Rose en avait sauté quelques uns lorsqu’elle était encore en couple, elle avait pris un abonnement depuis sa rupture. Après quelques gloussements, des tas de péripéties racontées, quelques moqueries, et encore quelques verres de plus, les mœurs devenaient déjà plus légères. Clairement, Rose était excitée comme une puce, le rhum la poussant à s’amuser encore plus qu’à l’ordinaire. « Les filles, et si on faisait un cap ou pas cap ? » Elle était morte de rire, les éclats de ses gloussements sonnaient plus comme des suffocations que comme une envolée lyrique mais ce n’était pas grave, elle mettait ça sur le compte de l’alcool demain, si toutefois elle en gardait des souvenirs. Aussitôt dit, aussitôt fait, la voilà cap d’aller danser avec ce mec plutôt beau gosse – vu à travers les yeux d’une femme à son cinquième mojito bien corsé, dandinant ses petites fesses tout en s’approchant du mâle en question. Sans demander la permission, sans discuter, elle colla son derrière à la cuisse du mec et s’en laissa aller à une danse équivoque comme un chien excité. C’était pathétique, mais elle n’en avait pas conscience, elle se sentait comme la reine du dancefloor, elle était la Beyonce du bar, la Rihanna du Queens, la… « Tehani ». Rose venait de l’apercevoir, et soudain, sa danse lui parut ridicule à elle aussi. Ses copines, téléphones à la main, vidéos à l’appui, sifflaient leur désapprobation quant à l’arrêt de ce déhanché prohibé, mais Rose la pointa du doigt, elle, cette fille qui lui renvoyait son passé en pleine gueule, sans aucune discrétion, sans appréhension.

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Tout à coup, elle était refroidie, ce type assis au bar ne l’intéressait pas, et elle oubliait les vapeurs qui encore quelques secondes plus tôt lui donnaient des chaleurs. Voir Tehani ici l’avait littéralement coupé dans son élan, et soudain, elle n’avait plus le cœur à la fête. Évidemment, le rhum était toujours présent dans son organisme, bien qu’elle tentait de faire bonne figure. Elle était là, debout, ivre, à pointer son ancienne amie du doigt, surprise et agacée par sa présence ici. La croiser alors qu’elle ne l’avait pas vu depuis des lustres la ramenait à ses démons, à ses regrets, à Alexis, indéniablement. Tehani était la meilleure amie de son ex-fiancé, et lorsque leur histoire avait pris fin soudainement, dramatiquement, elle avait bien entendu pris le parti d’Alexis. Plus de nouvelles, pas un message, un trait abrupt sur une amitié faussée. Finalement, elles n’avaient jamais été amies, la meilleure amie et la petite amie avaient cohabité paisiblement jusqu’à ce que tout se termine et que Rose soit éjectée de leurs vies à tous les deux. C’était troublant de la voir, autrefois elles auraient partagé une table et trinqué aux fiançailles de Rose et Alexis, elles auraient probablement ri en se moquant du jeune homme, l’une protectrice, l’autre posant des yeux amoureux sur l’homme de sa vie. En quelques temps, la situation avait vrillé, et voilà où elle en était Rose, déchirée à danser comme une tarée dans un bar.



Elle n’eut le temps de dire un mot que la meilleure amie d’Alexis lança les hostilités. “Grosse chienne”, non mais elle était sérieuse celle-là ? Comment osait-elle l’insulter ? Alors là, c’était quand même fort. Son sang ne fit qu’un tour, Rose avala rapidement une dernière gorgée de son mojito puis posa son verre brusquement sur le comptoir. Elle avança d’un pas décidé vers cette fille qu’elle avait autrefois considérée comme une amie. Approchant son visage à quelques centimètres de celui de Tehani, elle murmura : “Ne t’avise pas de m’insulter, j’t’ai rien dit, j’t’ai rien demandé, alors sois gentille et barre-toi d’ici avant que je te refasse le portrait !” Rose était remontée, pourtant pas bagarreuse, mais courageuse, l’alcool lui donnait la rage nécessaire à un vrai combat, verbal ou physique, peu lui importait. Elle plaça ses poings face à son visage, sautilla sur place telle une boxeuse sur le ring. Elle voulait la guerre, elle l’aurait. Rose ne méritait pas un tel traitement, certainement pas de se faire insulter, et elle en avait assez d’accepter l’image de traitresse qu’on lui avait collée, bien qu’elle en était responsable en majeure partie. Tant pis si elle envoyait Tehani aux urgences, tant pis si ça revenait aux oreilles d’Alexis, tant pis si elle lui donnait une raison de plus de la détester, à cet instant, plus rien d’autre ne comptait, elle était prête à perdre des cheveux, à subir les griffures, les coups, plutôt que de se laisser marcher sur les pieds, elle ferait tout pour sauver ce qu’il restait encore de sa dignité. Elle n’entendait plus ses amies tenter de la raisonner, elle ne sentait pas les mains de ses copines saisissant son bras pour l’éloigner de ce terrain dangereux, plus encore, elle ne voyait pas non plus les autres clients la regarder suspicieusement, ni même les chuchotements autour d’elle. Il n’y avait qu’elles deux, Tehani versus Rose, le combat de l’année, et c’était décidé, à la fin, il n’en resterait qu’une, pourvu que ce soit elle.

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Debout face à Tehani, Rose voyait rouge, et flou… Mais rouge quand même. L’attitude hautaine de la meilleure amie de son ex n’aidait pas à la faire redescendre en pression. Ses amies, témoin de cette scène improbable, essayaient tant bien que mal de raisonner Rose, mais elle ne voulait rien entendre. Face aux provocations de l’autre brune, Rose bouillonnait : « J’vais me la faire… » Dos à son adversaire et face à ses amies qui tentaient de la retenir, elle avait le regard noir, c’en était trop. Elle avait encaissé, beaucoup, elle avait fait comme si de rien était, gardé bonne figure bien qu’elle souffrait au fond, elle avait gardé un sourire de façade depuis des mois pour ne rien laisser paraître de ce manque, de ces questions et de ces souvenirs qui la hantaient, mais les insultes de Tehani faisaient désormais déborder le vase. Trop c’était trop. Fâchée, touchée, elle se retourna et décocha une gifle en pleine face de la brune, elle y avait mis tous les sentiments enfouis depuis bien trop longtemps. Cette claque, c’était le moyen de lui dire « merde » une bonne fois pour toute, mettre derrière elle tous les jugements faussés, tous les regards médusés, toute la rage qu’elle avait enfouie depuis la rupture avec Alexis et les avis dont elle se serait volontiers passés. « La chienne, elle a la rage, alors t’approche pas. J’en ai marre de tes réflexions, tu crois tout savoir mais tu ne sais pas, puis ça t’arrange bien de me rayer de la vie d’Alex, comme ça tu peux à nouveau être la plus importante à ses yeux. C’est ce que tu veux Teha ? Exister plus, comme ça t’oublies ta misérable vie de merde. Lâche-moi maintenant. » Ce n’était pas son style d’être si cruelle, si méchante, mais elle n’en pouvait plus, et l’alcool avait délié les langues ce soir. Elle en avait sur le cœur Rose, alors c’était sorti, mal, maladroitement, probablement, mais peu lui important à ce moment-là. Un petit sourire, un battement de cils, la voilà qui criait déjà victoire, levant les bras au ciel comme si elle venait de gagner la coupe du monde. Sans un regard pour Tehani, elle retourna vers ses amies et leur fit signe de bouger ailleurs, elle venait de sortir son venin et les nerfs lui avaient fait quelque peu redescendre l’alcool aussi, du coup, elle avait chaud, mal au crâne, et même plus envie de s’amuser. Parler d’Alexis, penser à Alexis, voilà ce qu’elle s’efforçait à ne pas faire, et voilà pourtant ce qu’elle faisait, trop souvent, encore ce soir. Un énième échec dans sa reconstruction, un énorme échec qui lui rappelait combien leur histoire avait été un beau gâchis, elle qui avait tout, elle qui n’avait plus rien.