old soul

traits de caractère / Ne pas prendre le temps, cesser d’exister pour autrui. Passer son temps au travail et dénigrer sa famille. Rire gras et indécent, souvent froncer les sourcils et sentir déjà les rides autour du visage. Rendre la vie moins rose, vieillir trop rapidement sans penser à demain. Réfléchir trop, rêver moins. Réaliser que les années ont passé trop vite et que le temps ne sera plus rattrapé. Laisser la folie s'échapper et ne penser qu'aux défaites. Rebondir et croire en son expérience. Prendre son rôle au sein de la société à cœur sans avoir la patience de diviser vie sociale et familiale. Les amis sont rares, que la routine comme compagnie permanente. Les collègues sont l'échappatoire malgré l'influence parfois néfaste pour la raison. Créer des problèmes, laisser échapper la colère en prenant les autres pour coupable évident. Ramer sans rames et nager sans poumons. Sombrer dans l'amertume sans essayer d'en sortir. Se plaire à ne rien faire par flemme ou pas orgueil. Vie tracée, rangée, pliée, mais cœur à l'amère. Abuser des vices du flic averti, boire, sortir, rentrer tard souvent et ne plus penser à rentrer. Refourguer cette haine au plus vulnérable, sentir ses doigts crispés sur l'épaule du mal, policier en civil à la main lourde aux multiples remontrances hiérarchiques. Un visage muet, rares esquisses agréables lorsque la sensation de liberté pointe au loin. L'âme est meurtrie par de multiples incohérences de la vie et garder tout enfoui. On n'en parle pas entre collègues, pas non plus en famille, on se terre dans une routine animée qui nous voile les yeux.  

Rédiger la fin avant le commencement en mettant beaucoup de détails de côté. L’omniprésente ombre défalqué de l’enfant pourtant normal à l’avenir tout tracé. On le compare souvent à l’ours canadien sauvage et névralgique à la portée de tous les regards dissimulés par-delà les montagnes. Il est aujourd’hui ce qu’il n’était pas il y a dix ans, l’homme réfractaire à toute banalité, sensiblement affecté par la routine de son foyer. On se souvient de lui en bien, parfois en mal, un idéal, policier depuis plus de dix ans et toujours dans les rangs, on attend de lui cette perfection improbable qui le ronge depuis qu’il est né. L’enfant était brave, simple et studieux, ses parents étaient fiers, sévères et à l’écoute. On lui a appris à écouter, mais surtout à diriger pour ne jamais laisser entrevoir la moindre faiblesse. Mais il était loin d’être aussi ordonné, ses pensées, ses rêves étaient plus versatiles, sauvages, il a suivi la meute sans vraiment se soucier de ce qu’il désirait vraiment. Et c’est encore le cas maintenant. Il s’entête à se persuader que les journées ne se ressemblent pas, espérant que son travail sera toujours une porte de sortie face à la banalité de sa vie familiale. Marié, depuis six ans, peut-être plus, chaque année il découvre avec des hurlements qu’il a manqué l’anniversaire. Une amie d’enfance, relation d’une facilité déconcertante sous le fil de deux familles soudées. Un mariage prédestiné qu’il pensait agréable, mais il a compris bien trop lentement que d’autres choix auraient pu s’offrir à lui. Les Kidd sont leaders, hommes de pouvoirs ou simples marchands courageux, dirigés inconsciemment par des femmes puritaines et surtout très intelligentes.
Tout était écrit.
Sauf peut-être une chose, un non-choix qui vous a laissé un lourd fardeau à porter au quotidien. La trentaine est venue frappée à la porte du foyer invitant avec elle la terrible nouvelle de la stérilité. Aucun enfant ne viendra agrandir la famille, ou du moins pas de son côté. Personne d’autre qu’eux, un couple à l’agonie face au destin aléatoire. Pourtant il était préparé, l’idée était déjà bien ancrée dans sa peau, son âme. Mais il n’y aura rien de plus que cette impression de vide sans cris d’enfant. Ils ont arrêté d’en parler. Parfois, il aimerait la prendre dans ses bras pour la consoler car ils savent tous les deux que la brèche reste plaie béante dans leur vie.
C’était il y a cinq ans.
Depuis le silence s’impose et la routine s’insurge de les voir plonger dans l’ignorance. Pourtant ils ne pensent pas à se séparer, continuent de ronger les maux par un quotidien parsemés d’espoirs infimes et branlants. Lui est devenu le flic sur les dossiers délicats, les plus durs physiquement et mentalement. Il ne pense plus qu’à ça, frappe du poing sous couvert de la loi américaine bien heureuse face à la vague de criminalité qui déferle sur la ville. Les mots aussi lourds que ses pas, il ne fait plus appel à la pitié depuis bien longtemps, incapable de passer à côté de gosses embrigadés par la drogue sans leur faire la morale, maudissant le ciel chaque jour de ne pas pouvoir en élever.
Et puis il y a eu cette femme, trop jeune et trop belle pour que tu oses poser les yeux dessus. C’était bien trop naturel, l’évidence même du manque d’attention féminin qui régnait dans son existence. Il n’y avait jamais pensé, même si ses collègues lui en avaient donné l’idée une fois il se rappelle. L’infidélité d’une nuit, un moment bien trop ardent pour exister, croyant rêvé à chaque fois que ses doigts touchaient sa peau hâlée. Il est partit le lendemain sans rien dire, honteux et pourtant hanter par sa présence qui lui a rendu un semblant d'âme. Il a voulu mettre de l'ordre dans sa vie après tout ça.
Sans succès.