thought is free // ilhan.

d'un geste machinal, eurydice essuie le bar de bois à l'aide de son chiffon sec. les yeux dans le flou, son esprit n'est pas présent. elle voyage encore, son enveloppe charnelle seule subsistant dans ce bar. le travail, toujours le travail. les théories prennent vie, percutant ses méninges. elle bloque sur une question, une équation qui ne colle pas avec ses calculs. elle est alors un robot, se contentant d'entendre les commandes des clients, et de les servir de manière toujours aussi machinale. elle ne contrôle même pas les cartes d'identité lorsqu'elle est ainsi absorbée par un problème. majeur ou non, qu'elle importance ? si elle n'accepte pas de leur offrir leur consommation, ils finiront par trouver de l'alcool ailleurs ou s'en faire offrir par des personnes certainement mal intentionnées. eurydice avait beau ne pas comprendre grand chose du monde et des règles sociales, elle savait que ce n'était pas une bonne chose de laisser des jeunes livrés à eux-même, même lorsqu'ils n'étaient pas sous votre responsabilité. elle l'avait appris par expérience à force de traîner derrière ce bar. doucement, elle pousse le bol de cacahuètes d'un côté du bar, le nombre de microbes qu'il contenait devait être mirobolant. elle ne touchait jamais à ce genre de choses et le laissait aux habitués qui aimaient y plonger leurs mains creuses.
son champs de vision repère un visage familier. son cerveau met en veille la zone cogitante et identifie l'individu en question. ilhan. quelle surprise. replaçant le chiffon à sa place, eurydice accorde son attention à l'homme, un rictus au coin des lèvres. « tu as enfin compris que l'astrophysique n'était pas pour toi, ils t'ont renvoyé et tu viens noyer ton chagrin dans l'alcool ? » toujours aussi taquine le concernant. elle n'était pas si amicale avec tout le monde. pourtant, elle sentait en ilhan une fibre commune. au-delà de leurs métiers, il avait quelque chose qui lui ressemblait. une sorte de fougue pour l'univers, et un besoin de connaissance. eurydice aimait ce genre d'individu qui voulait toujours en savoir plus, jamais rassasié. « qu'est-ce que tu désires ? profites-en, pour une fois que je te sers autre chose que des reproches. » elle arque un sourcil en attendant sa commande.

Putain de conducteur qui l’a fauchée comme le raz de marée fauche les plantes. Je me rappelle encore de ma mère, d’son regard triste tandis qu’elle m’annonçait la sentence. Fini. Plus d’ce monde. Et comme un con j’y avais pas cru, je m’étais fourvoyé en espérant que ce soit une blague, un rêve, une illusion, tout sauf la réalité. Parce qu’elle était celle dont ma réalité tournait autour. Maintenant je vivais un cauchemar éveillé. C’est la peur du mec qui a la phobie des abeilles et qui les attire toutes. Il sait en se réveillant qu’il y en a qui vont lui tourner autour et qu’il peut rien y faire. Bah moi j’sais que t’es plus là, que j’ai plus que la drogue et l’alcool pour me faire tourner la tête. Et qu’j’ai beau crier ton nom tu reviendras pas. Tu m’entendras même pas. Alors j’entre dans ce bar, je m’assois, j’affiche un faux sourire quand j’entends Eurydice plaisanter. « Non je viens te dire qu’ils te virent toi, ils osaient pas le faire en face ils avaient peur que tu pleures comme une enfant ». Puis je pose un billet sur le comptoir lorsqu’elle me demande ce que je veux. « Un whisky et peut être un baiser ? Quoi que j’aurais l’impression d’embrasser une gosse. » Sourire malicieux. Faut dire qu’Eurydice, elle fait pas son âge. Mais elle est belle, on peut pas s’le cacher. « Dis moi quand un client te drague tu fais comment ? Tu es aussi aimable qu’avec moi ou tu lui donnes tes billes pour qu’il aille jouer ailleurs ? » que je lâche en me demandant au fond si elle allait vraiment me servir ce whisky. J’l’aimais bien Eurydice, fallait pas se fier à mes blagues. Et elle le savait.

Il était rare de voir un sourire se dessiner sur les lèvres d'Eurydice. Lorsque cela arrivait, c'était souvent ironique, ou qu'une déferlante allait s'abattre sur l'individu dont l'expression était adressée. Peu de personnes pouvaient se vanter d'avoir été à l'origine d'un sourire réel, et sincère. Pourtant, avec quelques visages amicaux, ses lèvres se confondaient souvent avec l'amabilité. ilhan était de ceux-là. Lorsqu'elle le voyait entrer dans son champ de vision, elle ne pouvait s'empêcher de le chambrer, de faire de lui l'objet de ses plaisanteries. Et lui, n'avait pas sa langue dans sa poche en retour. Eurydice aimait cela. « Non je viens te dire qu’ils te virent toi, ils osaient pas le faire en face ils avaient peur que tu pleures comme une enfant » Doucement, elle dépose ses avant-bras sur le bar, en l'examinant, comme on le ferait avec un rat de laboratoire. Elle ne répond rien, pour le moment, attendant sa commande. « Un whisky et peut être un baiser ? Quoi que j’aurais l’impression d’embrasser une gosse. » Elle se recule et attrape la bouteille de whisky sans le quitter des yeux. Elle ne savait pas d'où lui venait cette habitude de la comparer à une enfant. Après tout, rien ne reflétait la jeunesse en elle, en dehors de son physique de poupée. Sa peau était douce, et ses lèvres devaient toujours sentir le lait. Malgré cela, elle ne s'était jamais considéré comme un enfant, jusqu'à rencontrer Ilhan. « Dis plutôt que tu aurais peur de tomber sous mon charme, après un baiser. Tu ignores à quel point mes lèvres sont douces. » Un comble quand on sait que ce qui en sort est cassant. Elle est robot, Eurydice, lorsqu'elle ne se teint pas en gentille femme. C'est un être énigmatique, capable de caresser d'une main avant de frapper de l'autre. Déposant le verre de whisky sur le comptoir près de lui, elle attrape le billet et le range soigneusement dans la caisse. « Dis moi quand un client te drague tu fais comment ? Tu es aussi aimable qu’avec moi ou tu lui donnes tes billes pour qu’il aille jouer ailleurs ? » Elle aurait pu en rire à gorge déployée. L'idée qu'un garçon ose l'approcher était réellement hilarante pour elle. Mais, elle ne riait jamais si fort. Ce n'était qu'un faible soupir amusait qui pouvait franchir le seuil de ses jolies lèvres. « Les gens de ce bar pensent que je suis un vampire, ils sont bien trop peureux pour m'approcher. » Elle ajoute, en penchant doucement la tête sur le côté, l'air amusé. « Et aux nouveaux venus ne connaissant pas ma vraie nature, je leur suce le sang pour leur ôter l'envie de m'approcher. »