il y a toujours du bruit chez les carneiro, jamais vraiment seuls, jamais vraiment calme. zorah vivait dans le mouvement, dans le rythme, les chansons et les jeux. elle avait trois frères aînés et alma était encore petite : alors la petite brune n'avait que ses frères pour jouer. et elle courrait dans le jardin, passant parfois sous les tables installées dans le jardin. son rire résonne dans le jardin alors qu'elle essaye, comme deux autres de ses frères, d'échapper à ezio qui cherche à les attraper. «
tu ne m'attraperas paaaaas. » ils ont un assez grand jardin et elle regarde derrière elle, alors que les deux autres garçons sont partis sur le côté et qu'ezio lui court après. alma, elle, rampe sur des couvertures sous le regard tendre de ses parents. «
attention, zo ! » l'enfant tourne la tête pour regarder devant elle et trébuche, s'étalant de tout son long sur l'herbe, tâchant sa petite robe. ezio arrive près d'elle et la relève, un regard inquiet sur sa petite soeur. elle qui éclate de rire en le voyant s'inquiéter et qui l'observe sous toutes les coutures. il gonfle les joues, n'aime pas qu'elle se moque mais adore pourtant entendre son rire dans le jardin. «
tu aurais pu te faire mal. » il croise les bras en la regardant et elle secoue vivement la tête avec un air insolent. «
je suis forte comme toi, moi. » il sourit, fier d'être grand-frère. «
toujours aussi forte que moi. » la gamine hoche vivement la tête et repart en courant, alors qu'il soupire sous le regard attendri de leur mère. une enfance si heureuse, au milieu d'une famille riche de sentiments.
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«
faut que tu viennes à la maison, abuela va mourir. » c’etait la voix d’ezio qui l’avait sortie de sa torpeur, elle savait sa grand-mère malade, et son état se détériorait de jour en jour, d’heures en heures mais elle avait promis. elle avait promis qu’elle serait là, avec tout le monde, le jour où elle s’envolerait pour le paradis. elle avait quitté son boulot étudiant en urgence, murmurant à son patron qu’elle lui expliquerait, que c’était une urgence familiale. et zorah était arrivée chez elle, tout le monde était dans la chambre. alma, trop jeune peut-être, assistait à la scène en pleurs dans les bras de son père. ezio faisait figure pour leur mère, elle qui perdait sa maman ce jour là. et sa grand-mère sourit en la voyant arriver, lui faisant signe d’approcher. elle avait désiré une mort paisible, entourée de ses enfants et petits-enfants, loin des grands hôpitaux et médecins de la ville. zorah s’approche et lui tend la main, que la vieille femme s’empresse de serrer entre ses paumes, et c’est le cœur de la colombienne qui se serre. «
promets moi juste une chose, ma chérie. » l’adolescente acquiesce, alors que des larmes emplissent ses beaux yeux. «
tout ce que tu voudras. » la vieille dame sourit et serre un peu plus fort sa main. «
sois heureuse, aucune barrière n’est infranchissable. souris et aime la vie, comme je l’ai aimée moi. » «
je te le promets, abuela, je t’aime. » elle dépose un baiser sur sa joue et s’éloigne doucement, rejoignant les bras d’ezio en essayant de ne pas pleurer, laissant leur mère au plus près d’elle. parce qu’ils savent qu’elle n’en a plus pour longtemps, mais ils vivront en son honneur. car abuela était une femme qui aimait la vie.
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zorah avait débarqué sur le campus de columbia, avec ses valises, sa robe colorée, ses sandales, sa peau métisse et son accent hispanique. un campus qui lui paraissait énorme par rapport à sa petite ville. elle avait tourné quelques minutes sur le campus sans trouver où elle devait aller. et elle était dans une chambre commune avec une autre fille : khloé. son âge, la même année, des études différentes mais elle avait bien senti que le feeling passait bien. et khloé était une sorteuse, toujours en guindaille avec des amis, elle lui en avait parlé. mais zorah n'avait pas rencontré grand monde, se faisant discrète et plongée dans le travail. ses parents n'avaient pas économisé si longtemps pour qu'elle rate une seule année de son cursus. et alors que zorah était plongée dans ses notes de cours, khloé avait débarqué, affolée. «
zoooo, faut que tu m'aides. j'sors avec charlie et reed ce soir, ça va comme ça ? » et elle tourne sur elle-même alors que la colombienne l'observe, un bic porté à sa lèvre. «
tu es toujours belle, tu le sais bien. » lui répond-elle avec son accent hispanique, dans un sourire. «
je sais. mais je veux que tu viennes. » et elle avait protesté d'abord, parce qu'elle devait étudier, parce qu'elle ne connaissait personne. et c'est justement pour cette raison que khloé voulait l'amener avec elle. le temps avait passé à une vitesse folle car zorah se retrouvait dans un café de la ville, à côté de khloé et les deux garçons en face d'elle. elle n'avait pas osé parler dès le départ, à cause de son accent et ne les connaissant pas. la colombienne se concentrait sur les différentes musiques qui passaient, souriait parfois aux blagues lancées par les garçons, par les réactions exagérées de l'autre jeune femme. et des notes de sa chanson préférée arrivent à ses oreilles, elle regarde le groupe en discussion enflammée et se lève, délicatement. elle se met à danser, ferme légèrement les yeux, se rappelle de ces moments, ces mélodies, cette légèreté dans ses pas. et elle ne se rend pas compte qu'il y a des regards posés sur elle. zorah est une jeune femme libre, rêveuse et vraie.
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il y avait des moments qu’elle n’échangerait pour rien au monde. et depuis qu’elle vivait sur le campus, elle avait énormément de bons souvenirs ; khloe et leurs soirées, charlie et son humour, reed et son sourire. reed qui avait changé sa vie, d’un regard quand elle l’avait rencontré. ce type qui riait, qui la connaissait, qui ne la jugeait pas. le même qui rigolait lorsqu’elle prononçait mal un mot, à cause de son accent. le même type qui l’accompagnait dans un parc, tard dans la soirée, juste pour satisfaire son envie de regarder les étoiles. elle était assise dans l’herbe, son gilet lui servant de tapis et il était à côté. elle se coucha doucement et posa sa tête sur ses jambes pour observer les étoiles. «
je suis passionnée par les étoiles. » elle parle doucement, comme pour ne pas déranger le parc désert. il la laisse continuer, alors qu’elle replonge dans des souvenirs. elle repense à sa famille, quand ils se posent dans le jardin pour observer les étoiles les belles nuits d’été. «
chez moi, on croit que tout le monde a une bonne étoile pour veiller sur lui. et on se rapporte toujours aux étoiles, parce que c’est là que vont nos ancêtres.. » elle sait qu’il l’écoute même s’il ne répond pas forcément. «
c’est une belle façon de voir les choses. ta grand mère en fait partie alors ? » zorah sourit en pensant à sa grand-mère, et le grand sourire qu’elle avait toujours. «
ma grand mère est certainement la plus brillante des étoiles, parce que son sourire n’égalait aucun autre. » elle observe les étoiles sans voir le regard attendri qu’il pose sur elle, naïve et rêveuse.
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la décision de s’installer ensemble, avec reed, avait été si logique qu’ils ne s’étaient pas posé la question : ils avaient pris une petite maison dans l’état de reed, l’arkansas. et vivre si près de la famille de reed n’était pas toujours facile mais elle retrouverait les bras de son petit-ami et oubliait vite les difficultés. zorah était installée dans les bras de l’homme qu’elle aimait, ils regardaient un programme qu’elle ne suivait pas à la télévision. «
j’ai croisé ta mère en ville, elle m’a superbement ignorée. » zorah soupire et reed fit écho à son soupir. ils savent tous les deux que la famille hamper n’est pas convaincue que leur relation va durer, ils n’ont même pas l’air heureux. parce qu’ils ne le sont pas, la colombienne l’a bien vu pour le peu de fois qu’elle est allée là-bas. «
tu sais comment elle est. » zorah hoche doucement la tête et sourit, en jetant un regard vers la télévision. «
je sais, querido. » et elle se tourne vers lui, appuyé contre son torse pour le regarder. «
puis, on ne vivra pas toujours ici. » elle fait écho à son désir de déménager pour rejoindre new-york, elle qui avait déjà eu du mal à le quitter après ses études. il hoche la tête, elle pose un baiser sur ses lèvres. «
nous contre le monde. »
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Elle avait déjà ressenti énormément de stress, dû au changement, au départ de colombie, à ses examens qu’elle pensait ratés, le cœur serré d’avoir vécu en famille les derniers moments de vie de sa grand mère. mais aucun stress ne pouvait égaler celui de passer une journée, en tant que fiancée, chez les hamper. elle ne s’était pas bercée d’illusions, zorah, elle voyait bien dans les yeux de la mère qu’elle ne voulait pas
ça pour son fils. mais elle n’avait pas peur, parce qu’avec reed, ils étaient forts pour le monde. envers et contre tout. mais se retrouver seule dans le bureau de son beau-père était des plus anxiogène. «
fiancée.. vous mariez.. je savais mon fils capable de mauvais choix. » zorah fronce les sourcils, croise les bras. «
nous sommes amoureux. vous ne pouvez rien faire contre ça. » elle était bien consciente que le père de reed ne l’aimait pas, et aux remarques qu’il faisait, elle avait vite compris que c’étaient ses origines qui le dérangeait. il se retourne, alors qu’elle le toise, le suit du regard comme s’il allait sortir un couteau et la poignarder, là dans le bureau. il sort une enveloppe d’un des tiroirs et lui tend. «
il serait fâcheux qu’un accident arrive... » et à la façon qu’il a de prononcer cette phrase, de la regarder dans les yeux, avec cet air menaçant dans le regard. elle ouvre l’enveloppe et découvre une somme d’argent astronomique, bien plus qu’elle ne l’aurait imaginé dans ses rêves. «
il vous suffit de partir, de laisser mon fils. et si vous refusez.. » il ajoute alors que la jeune femme serre les lèvres. «
je ferai bien attention à votre place, comme je le disais, le destin est imprevisble. » zorah a le coeur au bord des lèvres, et elle pense au fœtus dans son ventre. ce petit être qui n’a rien demandé, si ce n’est de vivre. et vivre ici, c’est dangereux.. pour lui, pour elle, pour eux. elle repose la lettre mais l’homme insiste et elle la range dans son sac, elle ne sait pas. le mieux pour son enfant. c’est le plus important. la seule chose qui importe.
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«
zorah, mi querida. » elle entend sa mère et son accent chantant, ses mots en espagnol et elle se sent rapidement serrée contre le coeur de la matriarche. et la jolie colombienne a envie de pleurer, elle sent son coeur se serrer alors qu'elle se réfugie dans les bras de sa mère. le coeur serré à l'idée de ce qu'elle s'apprête à faire, à
lui faire. elle débarquait un peu à l'improviste, en fin d'après-midi avec une valise et les yeux rougis par trop de larmes versées. «
oh mamá... » elle avait quitté reed le matin même, l'embrassant en lui disant "à dans une semaine mon amour", un bisou, un câlin et elle était partie. mais elle savait qu'elle mentait, qu'elle ne reviendrait pas, l'enveloppe dans sa poche ne pouvait que lui rappeler. chaque heure, chaque minute, chaque seconde depuis plusieurs jours. «
j'ai besoin d'aide, mamá. » elle suit sa mère dans la cuisine, posant sa valise à l'entrée et s'adosse contre le plan de travail. la femme se démène dans la cuisine alors que la plupart sont absents : son père est allé voir ezio, son frère aîné, ses autres frères et alma sont de sortie. et au fond, ça l'arrange pour parler. «
où est reed, ma fille ? il n'est pas venu avec toi ? » reed, son fiancé. son double, son ami, sa moitié, celui qui aurait dû devenir son mari. zorah secoue la tête alors que sa mère lui tend une tasse de thé vert avec une pointe de miel. «
je... je dois disparaître de sa vie maman. » sa mère se retourne, comme si sa fille venait de l'insulter de la pire des manières, comme si le ciel lui était tombé sur la tête. «
tu es tombée sur la tête, querida ? tu es amoureuse de ce garçon, et il t'aime aussi ! » et ses mots déchirent le coeur de la colombienne, elle sait tout ça. elle se ressasse ces mots et ses souvenirs depuis si longtemps. elle ne peut prendre que la bonne décision. et elle explique, la discussion avec le père de reed, l'argent, l'enveloppe qu'elle tend à sa mère, .. sa grossesse. et sa gorge se serre lorsqu'elle s'apprête à prononcer l'horrible vérité. «
je dois mourir, mamá. »
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zorah tape sur son clavier, observe les mots noircir son écran pour l'article du prochain numéro. un petit article sans grande prétention, mais un métier qu'elle appréciait un peu plus chaque jour, dans cette boîte où ses collègues avaient une bonne entente. les mois défilent, et chaque jour, à chaque seconde, elle pense à l'enfant à naître et à reed, l'homme qu'elle a laissé. et la colombienne essaye de ne pas y penser lorsqu'elle travaille, lorsqu'elle parle d'accidents, de politique, de mode. elle envoie le dossier par mail à son patron, lui qui veut tout diriger dans la boîte, et se lève pour aller se chercher un thé ; un thé vert avec une pointe de miel, comme chez elle, comme chaque fois qu'elle rentrait chez ses parents. elle est à six mois de grossesse, et elle ne peut plus vraiment le cacher. «
alors, zorah, ta grossesse se passe bien ? » elle relève la tête de son thé pour observer sa collègue, c'est une autre rédactrice. elle était déjà là quand zorah est arrivée, plus âgée et déjà maman depuis plusieurs années. «
ça va, j'ai encore eu une visite. je sais pas si je t'ai dis, ce sera une petite fille. » sa collègue la félicite chaleureusement, racontant qu'elle a elle-même une fille et un petit garçon qu'elle aime plus que tout. «
une fille, c'est tout pour papa ! c'est ton mari qui doit être heureux.. »
reed. zorah resserre sa main sur sa tasse alors qu'elle caresse doucement son ventre. ça fait déjà plusieurs mois qu'elle l'a lancé en lui disant "à dans une semaine", alors qu'elle savait qu'elle ne reviendrait pas. et l'enveloppe du père hamper trônait fièrement dans un tiroir de sa chambre. «
je ne suis plus avec le père. » elle sent le malaise de sa collègue et ça lui arrache un léger sourire. la femme se confond en excuse, parle de la bague que zorah porte toujours et elle sourit. «
tu ne pouvais pas savoir, c'est pas grave. mais j'ai du travail. » et elle s'éclipse alors qu'elle a envie de pleurer.