out of reach. (gaierr)

« arrête de râler, j’te dis que ça va être bien. » err lève les yeux au ciel, pour la vingtième fois depuis le début du trajet. les deux mains sur le volant, elle roule vers l’est en suivant la voix suave du gps. err a veillé à ce que la destination ne soit pas expliquée, dite, mentionné. elle a veillée à ce que gaia ne sache pas où elle se retrouvera d’ici une petite heure. partie toutes les deux très tôt, elles se retrouvent après quelques semaines sans se voir. une aventure à deux, une activité choisie par err pour que leur cœur fasse le plein de sensation. oublier la vie, oublier le temps, oublier les sentiments. ne se concentrer que sur le présent pendant quelques temps et veiller à ce que les problèmes soient définitivement dans le passé. err sait qu’elle peut se le permettre, elle sait que gaia aura plus de mal à l’accepter. mais essayer est une première étape. un premier pas vers la rédemption, vers la guérison. essayer est une avancée incroyable. « aies confiance en moi, un peu. » err se permet un sourire, sachant très bien que ce n’est pas une habitude chez ses interlocuteurs. avoir confiance en err, c’est comme sauter directement dans le vide. c’est comme se laisser porter par le vent. et c’est exactement ce qu’elle cherche à faire aujourd’hui, pour que son amie apprenne à se faire confiance. il n’y a qu’elle qui peut se sortir de ses tourments. il n’y a qu’elle qui peut briller. err veut le lui montrer, err veut le lui expliquer. peut-être trop vite, trop fort. mais sans jamais lâcher une main tendue, une main dans le besoin. err sait ce qu’elle fait, err a confiance en elle et en cette amitié. c’est ce qui lui permet de rouler jusqu’à l’extérieur de la ville pour une promesse qu’elle jure de tenir. c’est ce qui la pousse à oublier les peurs de son amie, pour que plus jamais elles ne soient pareilles. err accélère, s’approche du but. la voiture grince encore quelques minutes avant de s’arrêter sur le bas-côté. les portes s’ouvrent, les têtes le lèvent doucement vers le but final. « on y est. » err est sereine, elle a même le sourire. d’un geste rapide, elle prend le bras de gaia. « on l’fait toutes les deux, t’inquiète. si tu sautes, je saute. » toujours le sourire aux lèvres, toujours les yeux fixés dans ceux de son amie. « si je saute, tu sautes. » il n’y aura pas d’autres choix, une fois là-haut. elles ne pourront pas revenir en arrière, une fois installée dans le petit avion au milieu des oiseaux.

elle ne savait pas pourquoi elle laissait ses émotions transparaitre autant gaia. ni pourquoi ses sentiments la contrôlaient avec tant de facilité. sans cesse, son coeur menait la danse, ne lui laissant que trop peu la chance de rester digne. bien souvent, elle s'était trop rabaissée, ne sachant pas comment résister à quelqu'un qui comptait. elle sait pourtant ce qu'elle veut gaia. mais quand il est question de ses relations ou de son entourage, elle ne répond plus de rien. elle se laisse totalement emporter, quitte à s'en retrouver à nouveau malmenée. elle voudrait tant pouvoir le faire taire définitivement pour enfin être maitresse de ses propres décisions, sauf qu'elle ne trouve pas le remède miracle. alors elle replonge, tête la première, irrémédiablement.
c'était sûrement cette état de fait que err s'excédait à déceler chez l'infirmière. c'était un trait de caractère qu'elle ne lui enviait pas, qu'elle lui reprochait même. sur ce point, elle voudrait que gaia soit un peu plus comme elle. et si la brune paniquait depuis de nombreuses minutes, c'était justement parce qu'elle ne savait jamais à quoi s'attendre avec la blonde. elle avait toujours des idées folles et surtout, elle n'avait peur de rien. et pour que gaia se calque sur sa personne, elle était persuadée qu'elle ne reculerait devant rien. en guise de mécanisme de défense face au malaise qui la prendre, elle se plaint la andreani, elle râle pour exprimer son mécontentement face à l'inconnu qui l'attend. arrête de râler, j’te dis que ça va être bien. elle est à deux doigts de manquer d'air dans l'espace confiné de la voiture et la voix du gps qui pourrait l'apaiser, ne fait que la stresser davantage. parce qu'elle a beau se concentrer, elle ne capte aucune information capable de lui indiquer une quelconque destination, pas le moindre indice. aies confiance en moi, un peu. elle soupire pour tout un tas de choses réunies. si tu crois que c'est facile. elle ne remet aucunement en cause le fait qu'elle ait toujours tout fait pour son bien. mais elle connaissait suffisamment err pour savoir qu'elle n'avait pas froid aux yeux et que partager une aventure avec elle pouvait être synonyme d'un tas de sensations dont on se priverait bien parfois. de toutes ses forces, elle tente d'éviter de penser en se concentrant sur la route autour, sur les paysages. elle se dit qu'elle trouvera bien de quoi calmer ses nerfs qui lui font vivre un enfer. puis elle voit les limites de la ville s'éloigner. ou est-ce que son amie allait bien pouvoir la trainer ? étrangement, la distance parcourue ne la rassure pas du tout. et le frein s'enclenche alors qu'elle n'y croyait plus. pas rassurée le moins du monde, elle sort de la voiture à la suite d'err. on y est. elle regarde autour d'elle et ce qu'elle voit l'effraie. aucun bâtiment dans son champ de vision, seulement la nature à perte de vue, dans son plus simple appareil. elle adresse un regard interrogatif à la blonde qui la rejoint et empoigne son bras. les mots lui manquent mais elle a besoin de comprendre, absolument. on l’fait toutes les deux, t’inquiète. si tu sautes, je saute. la phrase commence à se frayer un chemin jusqu'au cerveau embrumé de gaia. si je saute, tu sautes. elle écarquille les yeux quand tout prend enfin sens. t'es pas sérieuse ? j'ai jamais fait ça moi et j'crois pas que j'en sois capable. imaginer la hauteur, le vide, lui fait déjà des noeuds à l'estomac. elle n'aura pas le cran de dépasser ses peurs. elle le sait, elle se connait. si tu veux le faire, je t'attends ici, j'te regarde. mais j'le ferais pas err. elle est catégorique gaia. pourtant, elle n'entend pas gâcher le plaisir de son amie. elle lui ouvre la voie, bien décidée à l'encourager puisque c'était tout ce qu'elle serait en mesure d'honorer aujourd'hui.

err n’a rien dit. elle savait que si elle en disait un peu trop, gaia ne viendrait pas. et pourtant, err est convaincue que ça va lui faire du bien. leur faire du bien, à elles deux. err aime le risque, aime le cœur qui bat trop vite juste avant de se jeter dans le vide. elle aime retenir son souffle et affronter ses peurs. elle aime cette sensation exotique lorsque la chute est entamée et que l’arrivée est proche. et elle aime son rire, à la fin. lorsqu’elle pose le pied à terre et qu’elle comprend ce qu’elle vient de faire. jamais elle n’a eu pareille sensation, err. jamais elle ne s’est sentie si vivante. err a besoin de ça, pour tenir le coup. pour avancer. pour être heureuse. et c’est cette passion et cette pression dans la poitrine qu’elle veut transmettre à son amie. gaia n’est pas la même. err le sait. mais ça vaut le coup d’essayer. quitte à au moins faire un pas de plus vers la liberté dont elles ont besoin. femmes fortes, courageuses, dangereuses. mais aussi douces, fragiles, sensibles. err en cache une bonne partie, gaia en cache peut-être une autre. err se concentre juste assez pour le découvrir. la musique résonne dans la voiture, sous les roues qui chevauchent la route. elles s’éloignent de nex-york, du queens, de la grosse ville. elles s’échappent pour un temps, suivant la voie indiquée sur l’écran. « si tu crois que c'est facile. » err hausse les sourcils, rattrapant la conversation en route et évitant une seconde de perdre le contrôle du volant en regardant son amie avec de gros yeux stressants. « t’ai-je déjà déçue ? » et là, est la question. parce qu’err sait toujours ce qu’elle fait. et elle a toujours veillé à ce que gaia soit heureuse. bien que ce soit à sa façon. bien que ce soit avec ses mots et qu’ils soient parfois difficiles à comprendre. err veut bien faire. et elle fait bien. d’un coup de volant, elle gare la voiture et err tente de rassurer les premiers jurons de son amie. en vain. « t'es pas sérieuse ? j'ai jamais fait ça moi et j'crois pas que j'en sois capable. » err hoche la tête, sachant que l’inverse est vraie. ce n’est qu’une question de force, de puissance, de courage. et gaia en a. plein. elle vit sa vie chaque jour avec. bravant toutes les épreuves difficiles de la vie. « si, tu l’es. tu sais au fond, que tu l’es. » err la rassure comme elle peut, mais elle n’a jamais été très douée pour faire ça. err est réelle. droite. bien moins sensible que son amie. l’une envie peut-être ce qu’est l’autre. « si tu veux le faire, je t'attends ici, j'te regarde. mais j'le ferais pas err. » mais err n’est pas intéressée. elle veut que gaia se lâche, qu’elle s’ouvre au risque. qu’elle tente le coup. « t’es avec moi, t’as rien à craindre. t’es accompagnée, il ne pourra jamais rien t’arriver. » et c’est par cette expérience qu’err s’est renforcée. comprendre qu’il y a toujours pire, que la vie peut être encore plus dur que cette réalité dans laquelle elles vient. il suffit juste de se faire peur, un peu plus. err tend sa main une fois de plus vers gaia, pour la faire craquer. et au loin, on entend quelqu’un qui vient de sauter. on entend sa joie, ses pleurs face à la peur et son sourire béat. ça rend heureux, de se jeter à l’eau. ça rend heureux, de se surpasser. un regard de plus, err peut la convaincre. gaia peut le faire.

elle a toujours eu peur de ce qu'elle ne connaissait pas gaia. elle n'est pas à l'aise avec la nouveauté, avec ce qui ne lui a pas encore été donné d'expérimenter. le risque l'effraie, plus que tout le reste. elle a besoin d'être rassurée, de savoir ce qu'elle fait. toujours, désespérément. alors même si elle sait pouvoir faire confiance à err, celle qui ne l'avait jamais trahi, ni précipitée au bord du gouffre, elle ne peut pas s'empêcher de paniquer. pour la simple et bonne raison qu'elle n'a aucun contrôle sur la situation et que ça ne semble pas s'arranger. plus elles s'éloignent de new york, plus elle voit ses repères se flouter, en même temps que ses certitudes volent en éclats. elle essaie de ne rien montrer, de se donner l'air d'être forte mais elle n'est pas habituée à faire semblant alors elle se plante, forcément. par tous les moyens, err tente de la dérider, de faire en sorte de la détendre pour qu'elle apprécie ce qui va suivre. ça semble pourtant bien trop dur encore à cet instant. t’ai-je déjà déçue ? la réponse est définitivement non. pourtant, elle se contente de hausser les épaules, pour ne pas s'avancer au cas où elle aurait dépassé les limites pour cette fois. et sa hantise parait se vérifier quand l'horreur de la situation lui apparait enfin. elle fait rapidement tous les rapprochements gaia. et ça tourne beaucoup trop vite dans sa tête, pour son propre bien. elle serait capable de se traumatiser toute seule, sans même faire un saut, tant elle complique tout avec un talent plutôt inné, tout le temps. elle n'a plus de recours pour se sortir de ce guet-appens, ce pourquoi elle essaie de faire appel au bon sens de son amie, en lui certifiant qu'elle n'avait pas les tripes de sauter dans le vide. seulement, la blonde s'avère croire bien plus en ce que gaia ne voit pas. ou ce qu'elle ne voulait pas voir. si, tu l’es. tu sais au fond, que tu l’es. elle aimerait être aussi catégorique. mais tout ce qu'elle se remémore, c'est les étapes de sa vie qu'elle avait galéré à surmonter. elle occulte complètement le reste, comme pour se laisser baigner dans des échecs permanents, pour ne jamais voir plus loin que le bout de son nez. elle interprète très mal gaia, elle ne voit pas ce à quoi elle a survécu. comment est-ce que tu peux croire autant en moi alors que même moi, je n'y crois plus ? je ne gère rien err. j'me laisse bouffer par une histoire qui est terminée depuis bien longtemps, je crève d'envie de reprendre le large et de partir là où on n'a besoin de moi mais je n'fais rien parce que j'peux pas laisser la famille qui me reste, j'suis incapable de prendre une vraie décision et de m'y tenir. j'sais pas ce que tu vois de si admirable en moi. elle a le regard suppliant gaia. le regard empli de tous les désastres que la vie lui avait imposé. elle n'avait jamais été épargné et elle le portait sur elle. pourtant, elle ne lâche rien err. elle ne lâchera pas le morceau tant qu'elle n'aura pas obtenu une approbation, une promesse de la suivre. t’es avec moi, t’as rien à craindre. t’es accompagnée, il ne pourra jamais rien t’arriver. elle a envie d'y croire parce que c'est un fait qui s'était vérifié toutes les années qu'elles avaient passé ensemble. elle ne pourrait jamais lui enlever ça. mais aujourd'hui, elle lui en demandait beaucoup. et il y a cette main qu'elle lui tend, comme pour lui dire qu'elles seront toujours toutes les deux contre le reste du monde. que si elles doivent flancher, elles le feront ensemble. et que si elles doivent s'élever, ce sera encore une fois main dans la main. la décision n'appartient qu'à gaia désormais. rester seule avec elle-même, les pieds ancrés dans le sol et se priver d'une sensation dont err semblait crever d'envie de revivre. ou alors se jeter dans le vide, au propre comme au figuré, avec la certitude qu'elle aurait toujours sa présence réconfortante à ses côtés. elle tremble presque gaia, pourtant elle saisit la main de son amie. elle s'y accroche, la suppliant silencieusement d'honorer sa promesse. j'ai jamais été capable de te refuser quoique ce soit. alors ça me coûtera peut-être la vie mais j'ai envie de te croire, encore une fois. prouve-moi que j'ai fait le bon choix. elle en a cruellement besoin gaia. elle a envie de tout oublier à cet instant. de mettre sa vie sur pause, le temps de quelques minutes, pour enfin ne ressentir que du positif et lâcher prise pour la première fois. alors elle la suit simplement en direction de ceux qui les équiperont pour le grand voyage. le saut de toute une vie.