scared to live but scared to die (peyton)

Ambulancier. C’était loin d’être une vocation. Petit, Esteban s’était imaginé devenir un grand footballeur prisé par les clubs du monde entier, un rêve plutôt commun. Et finalement, une vingtaine d’année plus tard, sa vie professionnelle avait pris une toute autre tournure. Il était devenu ambulancier un peu par hasard, en flânant sur les petites annonces d’offres d’emplois et de formation. Et au fil des semaines, des mois, il avait appris à aimer ça. A être au volant de la camionnette, à tout faire pour arriver à temps, pratiquer les premiers soins. Ça lui plaisait de se sentir utile, d’être important, d’agir positivement sur la vie de quelqu’un. Une impression de jouer aux héros, peut-être. Des « merci » il en avait reçu quelques-uns, même si c’était plutôt grâce aux médecins si les victimes survivaient et s’en sortaient. Mais cette fille, Peyton Cooper, avait insisté pour le remercier autour d’un verre. Elle avait une défaillance cardiaque, de ce qu’il avait compris, mais cela ne semblait pas vraiment la concerner. Voir une fille aussi jeune, du même âge que sa sœur, avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête… Esteban n’avait pas pu rester indifférent. Et il n’avait pas eu la force de lui dire non. Elle lui faisait penser à sa sœur, Sofía. A elle non plus, il ne pouvait pas dire non. Il faut dire qu’il n’avait pas beaucoup de volonté non plus. Alors il se retrouvait là, à marcher en direction du café dans lequel elle lui avait donné rendez-vous. Ce n’était sans doute pas très professionnel de sa part. Il vaut mieux de ne pas s’attacher, garder ses distances. Tant pis pour cette fois. Il ne pouvait pas se résoudre à se comporter comme un robot, dénué d’émotions. Ce n’était pas lui. Il sortit son portable de sa poche, les yeux rivés sur l’écran, pour s’assurer qu’il n’avait pas trop de retard. Il finit par arriver au lieu de rendez-vous, et lança un rapide regard autour de lui, cherchant la jeune femme. « Désolé pour le retard, j’vous ai pas fait trop attendre au moins ? » demanda-t-il une fois qu’il eut trouvé sa table. Il esquissa un sourire et s’assit face à elle.

A entendre la jeune femme, il ne l’avait pas fait trop attendre. Pas qu’il se souciait beaucoup de sa ponctualité habituellement, mais lorsque ça touchait de près ou de loin son métier, Esteban mettait un point d’honneur à faire les choses bien. Et ça commençait par ne pas arriver en retard. C’était même la qualité première à avoir, en tant qu’ambulancier. Une minute, quelques secondes, tout pouvait basculer. Une vie entière. « Commandez ce que vous voulez, c’est moi qui invite. Et, vous pouvez me tutoyer. » Esteban esquissa un sourire, et hocha la tête. La tutoyer, pourquoi pas. Il n’aurait sans doute plus affaire à elle en tant qu’ambulancier, du moins c’était ce qu’il espérait, comme pour toutes les personnes auprès desquelles il était intervenu. « C’est cool, merci. » Il y a quelques années, il aurait sans doute refusé qu’une fille lui paie un verre. Trop accroché à ses principes ringards et sexistes. Mais désormais, c’était différent. En vivant dans la rue, il avait appris à ne plus refuser ce que d’autres pouvaient lui offrir. Quelques euros d’épargnés, ce n’était rien pour beaucoup, mais ça pouvait représenter pas mal de choses pour le squat. Un café, un repas chaud, ou bêtement une paire de chaussettes. Esteban se saisit de la carte du pub, et y jeta un coup d’œil avant de faire son choix. Pour lui ce serait une bière. Une boisson pas trop chère, il ne voulait pas non plus abuser de sa gentillesse. « Alors… Peyton, c’est ça ? Tu vis dans le queens ? » C’était une simple question, histoire de faire la conversation. Il ne savait pas trop quoi lui dire, et n’était pas du genre à être très sociable.