vanille, elle a eu ses moments de désespoir, de larmes et de regrets. c’est sûr. elle y repense en pressant le bouton de l’ascenseur qui la conduit au cinquième étage, la petite voix métallique annonçant fifth floor, chronic conditions. elle adresse un doux bonne journée à ses compagnons de cabine avant de s’engager dans le couloir. chronic conditions, bel euphémisme pour décrire la mort lente et certaine qui guette tous les patients de cet étage. le cœur de vanille s’est brisé en mille morceaux à l’annonce de sa maladie, à tout juste dix-huit ans. enfin, difficile de le casser plus qu’il ne l’était déjà, étant donné que c’est son cœur tout le problème. moins d’une décennie à vivre, qu’on lui a dit. trente ans probablement jamais atteints, et la prédiction semble sur le point de se réaliser. vanille aura à peine le temps de fêter son vingt-quatrième anniversaire. c’est un peu de sa faute, aussi. elle a décidé de refuser une greffe, jugeant qu’il était inutile de se torturer encore davantage. les prises de sang et analyses diverses, avec plaisir. mais subir la chirurgie de trop et passer sa dernière année aux soins intensifs suite à une procédure ayant tourné encore une fois à l’échec, non merci. elle observe la nuque des autres patients – c’est tout ce qu’on peut voir d’eux, affaissés sur leurs chaises le visage dans les mains – alors qu’elle tente de trouver la bonne salle. les choses changent trop vite à l’hôpital, et elle ne sait jamais à l’avance où l’attend son médecin. elle finit par trouver ce qu’elle pense ressembler à la salle d’attente, cherche une chaise du regard. ôte sa veste en cuir pour se soustraire à la chaleur de la pièce – elle n’aurait pas dû mettre ce col roulé, zut ! mais il fait habituellement toujours trop froide, la clim sifflant dans les oreilles des malades comme un serpent. elle reste là, un léger sourire pointant le bout de son nez sur son visage alors qu’elle pense au docteur finnig, qu’elle a coutume de voir une fois par semaine et dont il est toujours si agréable de connaître les péripéties amoureuses. avec le temps, il est devenu son rendez-vous préféré. elle voit en lui un ami, un confident, un père parfois. elle a hâte de ce moment en sa compagnie et croise les doigts sous sa chaise pour qu’il ne se trouve pas gâché par une mauvaise nouvelle supplémentaire annonçant sa mort imminente. parce qu’elle l’est, imminente. ça va vraiment, vraiment pas, en fait. elle est justement absorbée par cette pensée – qui ne la déprime pas, mais la laisse songeuse – lorsque le brun qui la dévisage depuis tout à l’heure (oui oui, elle a remarqué) se décide à ouvrir la bouche, d’un air presque de défi. t'es sûre que tu es pas trompée d'endroit ? t'as l'air un peu trop heureuse pour être malade. "j’suis sûre, t'inquiètes pas pour ça ! mais t’as raison, la majorité des patients pensent que je suis une infirmière. on m’demande souvent si je viens d’avoir une bonne nouvelle." elle le regarde avant de rire doucement, de ce petit rire cristallin qui la caractérise. ça ne la dérange pas qu’on lui parle. s’il en a besoin.