o sole mio

Matin.
Quelques fois Dusan aime glisser ses doigts à travers la toile des draps.
Leur blancheur étendue et froissée donne l'impression de dessiner les dunes d'un désert éclatant.
Des sables mouvants dans lesquels ses phalanges se réfugient, saisissant le coton, les fausses fourrures. Emmitouflé dans son propre parfum, on peut le voir se lover aux couvertures, le regard fermé, l'expression paisible.
C'est un matelas posé à même le sol.
Quand le soleil se lève, le quadrillage de la fenêtre laisse passer quatre carreaux de chaleur qui s'étirent sur le plancher, sur le matelas. Sur Dusan au regard plissé.
Quand le soleil se lève, Dusan reste couché au creux des draps. Il célèbre le matin nouveau par sa peau nue que le jour caresse.
Comme s'il ne travaillait jamais.
Aujourd'hui, des rendez-vous l'attendent pourtant, mais Dusan n'y pense pas. Pour une fois, Dusan... ne pense pas.
Lentement la crête de son dos se dresse, le fait sortir du désert blanc.
Il se lève, la plante de ses pieds qui s'ancre fermement au plancher.
À mesure qu'il se tient droit, l'édredon glisse de son corps, s'échoue à terre dans un soupir étouffé, laisse apparaître son enveloppe dépourvue de vêtement.
Il n'y a pas de pudeur.
Animé par la faim, Dusan rejoint la cuisine pour y faire couler un café, pendant que deux tartines chauffent dans la gueule du grille-pain.
Assis à la table près de la fenêtre, genoux croisés, il déverrouille le portable pour y lire les nouvelles du jour. Les publications Insta, les sms, les commandes.
Il ne répond à rien. À aucun message.
Il lit.
Il lit, pendant que l'odeur des grains de café s'élève dans l'air.

O SOLE MIO
MIO AMICO

Le corps s'égare dans l'océan de coton, pris au piège dans les voiles fins de son drap et caressé avec douceur par les rayons d'un soleil naissant qui fait son apparition à travers les carreaux de sa fenêtre. Belle qui s'étire longuement, étire chacun de ses muscles encore endormi. Elle croche un bâillement à faire trembler les enfers, Gaia, puis commence à émergé du royaume des songes, l'esprit divagant sur les bribes de souvenir de son dernier rêve. L'apocalypse. La désolation. Le chaos. Probables reliquats du film qui a animé sa précédente nuit, elle se souvient cependant avoir eu l'initiative de sauver le monde. Rien que ça. Sourire étirant l'ourlet de ses lippes, elle finit par s'échapper de son lit pour allumer la bouilloire et préparer un bol de céréales peu healthy.

La brune parcourt les réseaux sociaux tout en touillant de façon machinale - presque amorphe - ses céréales dans son lait froid. Sans réfléchir à ce qu'elle observe, ni même à ces anecdotes inintéressantes que partagent ses abonnés, son attention est finalement saisie par le visage d'un homme dans son fil d'actualité. Bel Adonis au charme transcendant, il a su capter son objectif et sa sensibilité par sa personnalité hors du commun. Un homme blessé par la vie, au corps blessé par les Hommes. Une rencontre comme on en fait rarement, celui que Gaia aimerait faire échapper des affres du Tartare pour lui faire côtoyer l'Olympe. Célébrité à en devenir dans le monde de l'Art, il ne manque qu'un peu de courage, une touche de bienveillance, pour que cet homme puisse s'élever dans la vie et trouver sa place dans le monde des vivants.

« Libre pour un petit café ? » Marmonne-t-elle tout en tapotant sur l'écran de son téléphone. L'envie de le revoir se faire pressante, d'apprendre à le connaître un peu plus. Gaia pose son appareil sur la table en attendant sa réponse. Elle l'espère positive, leur dernière rencontre lui a laissé une bonne impression. Attente interminable, ou impatience maladive, la jeune femme se permet de rajouter une suite à son message, glissant ces quelques informations avant de partir se rafraîchir dans sa salle de bain.

« Je t'invite pour le petit déjeuner, j'espère que tu as faim. »

your name is
the strongest
positive and negative
connotation in any langage
@Dusan Valko

SIAL ; icon
editsnocturne

La cafetière cesse son vacarme, signe que le breuvage est prêt et brûlant.
Tartines à la surface rugueuse et dorée.
En attendant Dusan s'est levé pour aller se couvrir d'un sous-vêtement.
De retour en cuisine, il s'empare des aliments et s'en revient à sa chaise, moelle épinière enfoncée au dossier.
Le paquet de clopes traîne à côté d'un verre vide.
On le voit déjà prêt à extraire un cylindre à tabac pour le coincer entre ses lèvres.
Ses canines s'enfoncent dans la texture solide du pain, ça croustille fort, sèchement, une pluie de miettes qui s'étale sur la table. Il mâche lentement, trempant en même temps les lèvres dans la caféine.
Alors, le bruit d'une notification retentit,
l'icone rouge qui s'excite en haut à droite de l'écran.
Qu'est-ce que c'est.
Il dépose la tasse de café, le pouce qui vient presser sur le carré de pixels.
La lecture des mots est lente. Attentive.
Gaia.
Je t'invite pour le petit déjeuner, j'espère que tu as faim.
Et là, à la mention de la faim, Dusan ne peut s'empêcher de réfréner un souffle du nez amusé, les miettes de pain qui bordent ses lèvres.
Il décide de ne pas faire d'étalage sur sa présente activité, et répond d'une seule main.

Hey petit ange. On se retrouve où tu veux. Dis-moi ton heure.

Et simplement parce que ça n'en vaut plus la peine, Dusan cesse de mâcher, la tasse de café qui refroidit, sa clope qui attendra.
Il se lève à nouveau, le téléphone resté déverrouillé, alors qu'il se rend à la salle d'eau pour se préparer à affronter le monde.