love is a losing game (tyron)

tu l’aimes pas.
tu l’aimes pas cette sensation, la boule d’angoisse formée au creux de la poitrine, celle qui appuie un peu sur l’estomac, se fait discrète quand tu te concentres sur autre chose, puis ressurgit au plus mauvais moment, comme pour dire qu’elle est là. toujours là. et puis merde tu ne sais même pas ce qu’elle fait là, d’où elle vient, pourquoi a-t-elle élu domicile dans ton estomac. ferme la putain de boule au ventre.
elle se résorbe, te laisse tranquille le temps de quelques heures, assez longtemps pour te concentrer sur l’affaire sur laquelle tu travailles actuellement. coup classique d’un divorce, histoire d’un mariage qui n’aura tenu qu’une petite année. “c’était l’amour fou pourtant”, selon les dires de la future divorcée. Ça commence toujours comme ça, une histoire d’amour folle, de la passion, des effusions de tendresses et puis plus rien. séparation du ménage, on divise les biens, on réclame de l’argent à l’autre. celui qu’on a pourtant tant aimé. pour ce coup-là, tu te ranges du côté de la mariée.
elle paye mieux.

fin de journée pluvieuse, tu traines encore un peu au bureau, machinalement jette un coup d’œil sur ton téléphone. encore. bien trop souvent à ton gout. qu’est-ce que tu fou Rita, à guetter le moindre mouvement, la moindre notification, le moindre message provenant de sa part ? tu te transformes en midinette et tu détestes ça. vraiment. tu t’ordonnes d’arrêter ça, brutalise ta conscience, soupire en repoussant le téléphone. rien. toujours rien. “tu viens boire un verre avec nous ?”, le visage familier de ta collègue qui passe une tête. elle demande en sachant très bien que tu accepteras, comme toujours.
mais pas ce soir.
parce que ce soir t’as une autre idée en tête. une idée plus importante. une idée qui trotte dans ton crâne, la solution pour faire taire la boule d’angoisse.

tu traverses la ville en Über, il te jette au coin de la rue. T’es même pas passé chez toi pour te changer, tu n'as pas pris le temps d’aller diner, t’es venu directement. tu guettes du coin de l’œil l’activité à l’intérieur du garage, l’aperçois. tu attends, quelques minutes, le temps de griller plusieurs clopes. le garage se vide, peu à peu, s’apprête à fermer, enfin. tu traverses la rue, t’aventures dans l’entrée, évite les quelques taches d’huile. les talons claquent, t’écrase ta clope, te racle la gorge. “ alors c’est comme ça ? “, tu poses la question, avance, un pas dans le bureau, “ on va juste plus s’adresser la parole ?”, parce que c’est ça, c’est ce qu’il fait, t’ignorer, te ghoster sans te donner la moindre explication. et c’est ça, c’est ça que tu détestes.
ah te revoila toi, la boule d’angoisse.

@tyron willis