Champagne & Connard |ft. Jez

Champagne & Connard
@Andrew Parker

Tes parents rôdent un peu trop souvent dans le coin ces derniers temps et leur présence devient pesante. Cette indépendance relative que tu aimerais retrouvée même si tu aspires à les voir rester. Une contradiction qui n'en finit pas de fissurer ton être en ruines. Ton père aurait des affaires à régler. Mais tu soupçonnes ta mère de s'attarder, après votre discussion houleuse, pour te surveiller à la loupe. Elle craint une rébellion qu'ils pourront difficilement endiguer. Ironique, quand on sait que c'est eux qui alimentent le nerf de la guerre. Une nouvelle soirée se profile et ta génitrice appréhende un débordement qui pourrait, encore une fois, l'embarrasser. Alors elle t'épie, cherchant à lire la moindre de tes expressions corporelles, trouver la faille pour la colmater rapidement et efficacement. Sauf qu'elle n'est pas prête à comprendre l'évidence même. Ils ont failli à leur rôle de parents. Et ce déni l'empêche de trouver la solution. Persuadée que tu prépares un mauvais coup, elle se méfie de ton humeur presque joviale à l'approche de ces mondanités, qui d'habitude, t'horripilent. Sauf que ce soir, tu y as convié un invité de marque. Une personne qui a gagné ton respect pour avoir été à ta place et s'en être affranchi. Un certain journaliste qui ne fait pas l'unanimité dans votre cercle privé. Un rejeton, un de plus, d'une famille ne supportant pas la défiance, voyant ça comme un affront impardonnable qui mérite une sanction tout aussi effroyable : l'abandon. Pure et simple. Pas de pardon. Peut-être que ça l'arrange bien d'être désolidarisé d'une figure aussi ignoble. Tu n'auras qu'à le lui demander à cette fameuse réception. Parce que t'es persuadée que l'attrait du mystère que t'as distillé dans ton invitation, piquera suffisamment sa curiosité pour qu'il daigne pointer le bout de son nez. « Dis-moi que tu n'as pas fait ça ! » Ta mère débarque telle une furie dans la seule pièce gardienne de ton intimité qu'elle vient de pénétrer sans ta permission. Sur ses talons, ton paternel à l'air courroucé, se flanque à l'entrée de ta chambre. « Depuis quand tu prends ce genre de décisions dans notre dos ? » La voix est égale, pourtant la colère se trahit derrière ses inflexions meurtrières. Tu dois lutter pour ne pas laisser exploser la rage qui t'anime sous leurs réprimandes. Tu joues, cependant, la carte de l'innocence devant la colère qui danse dans leurs prunelles. « Je ne pensais pas que j'avais besoin de votre permission. » La défiance se cache derrière chacun de tes mots qui déchaînent leur indignation. Il est rare que la froideur de leurs cœurs de pierres cèdent la place au brasier de leurs enfers mais ils perdent le contrôle et cherchent à tout prix à le récupérer alors ils dévoilent leur jeu en pensant t'effrayer. « On invite pas des gens comme ça, surtout lui. » Le dédain crache la dernière palabre tandis qu'un ciel des jours d'étés affronte un bleu obscurcit par un orage en formation. « Ce n'est pas toi qui devra rendre des comptes à son père alors évite ce genre d'imprudence à l'avenir. » Le roi surenchérit, voilant à peine la menace qui suinte à l'envers de son blâme. Rosita semble les rappeler à leurs impératifs et ils disparaissent d'un pas rapide irrité par ton indiscipline. Les heures défilent à une vitesse relativement lente comme pour se moquer de ton soudain empressement. Le trajet est étonnement silencieux bien que les esprits bouillonnent de l'affront que tu leur as fait subir. Le flash des appareils en ébullition masque la guerre qui se prépare secrètement et le cirque reprend. Une fois délestée de ton rôle dans une fausse famille parfaite, tu erres dans la salle espérant y trouver l'invité tant convoité. Pour faire passer le temps, tes doigts agrippent une coupe de champagne qui font scintiller tes yeux de mille feux après quelques gorgées. C'est alors qu'un visage capte toute ton attention. Il est venu. Tu t'avances vers le journaliste qui semble chercher la raison de son apparition à cette soirée. Les mots s'apprêtent à franchir la barrière de tes lèvres lorsque ta présence se fait remarquer bien avant que tu puisses te présenter. Un mouvement brusque qui envoie valser  ton verre à ses pieds. « Je peux vous aider ? » Et avec lui, ton enthousiasme. Le mépris, que tu devines, agace tes tympans et un sourire faussement chaleureux se fige sur tes lippes. « Merci d'être venu Mr Parker. Je me présente Jezabel McKinney mais appelez-moi Jez. » Autant éviter de faire durer le suspens et si ça peut lui faire ravaler sa verve alors tu ne te prives pas de lui asséner le coup fatal. Tu l'as peut-être un peu trop idéalisé mais tu n'es pas dénuée de ressources. « Vous vous demandez sûrement pourquoi vous êtes ici, à ma demande. » Tu insistes pour rappeler à son bon vouloir que tu es à l'origine de son invitation. Toi, et personne d'autre. « J'aime beaucoup votre travail et votre parcours. » Tu flattes l'ego pour apaiser la déception qu'a dû provoquer ton annonce. « J'aimerai vous poser quelques questions si vous me le permettez. » Tu te radoucis pour éviter de complètement le braquer. Le but n'étant pas de le faire fuir mais bien d'obtenir des réponses qui pourraient apporter un nouveau regard sur ta situation.

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La surprise ne se cache pas, elle revêt même une certaine offense. Loin de te déstabiliser complètement, il joue néanmoins avec ta patience. « à votre demande. » La répétition est désagréable à l'oreille mais tu ne perds rien de ton aplomb. T'es habituée aux humeurs antipathiques de tes parents. Elles t'indiffèrent encore plus venant d'un parfait inconnu. Pourtant, si tu t'es donnée tout ce mal pour qu'il débarque à cette soirée, c'est bien parce qu'il possède quelque chose que tu convoites avidement. Un sourire appuyé pour la politesse dont il use, malgré son profond dédain que tu sens à des kilomètres à la ronde. La tâche semble ardue pour captiver entièrement son attention mais le défi est à la hauteur de tes compétences. « Et si je ne le permets pas ? » Le masque se fissure plutôt rapidement. Il cherche à tout prix à se débarrasser de toi au plus vite, allant même jusqu'à te voler ton verre nouvellement acquis. C'est l'amusement qui se dessine dans tes iris cajoleuses. Tu ne vas pas baisser les bras face à une si mauvaise volonté, n'est-ce pas ? « Il est vrai que je ne peux vous y forcer. » Tu admets, bonne joueuse. « Mais j'ai quand même réussi à vous faire venir jusqu'ici, ça mérite au moins quelques minutes de votre temps, non ? » Tu te pavanes de ta réussite, d'humeur taquine, en te saisissant d'une nouvelle coupe tandis que ton invité te sort une autre de ses diatribes. « Vous pensez me connaître parce que vous avez lu quelques chiffons que j'ai écrit Mademoiselle. Mais vous ne me connaissez pas bien. Je suis tout sauf quelqu'un de sympathique avec qui discuter mondanités. » Ses paroles te surprennent et son arrogance t'agace, un sacré cocktail qui pourrait bien avoir raison de ton enthousiasme. Mêlée à l'alcool, ton sang-froid a tendance à se faire la malle plutôt facilement. « Des chiffons ? C'est comme ça que vous qualifiez votre travail ? C'est regrettable parce que j'y décèle un certain génie pour ma part. Tout le monde n'est pas capable de fournir de tels écrits sur des sujets aussi graves et importants. » Se rend-il seulement compte du propre dédain qu'il s'inflige ? Pas étonnant qu'il déborde sur ses relations. Lire entre les lignes est peut-être le moyen de l'atteindre ? « Des mondanités ? » Tu le vis comme une insulte et tu ricanes, avalant une énième gorgée pour ôter le goût amer que ce mot te procure. « Qui vous a dit que ça m'amusait d'être ici ? Que j'adorais parler de choses insignifiantes ? Inconsistantes ? » Tu avales encore le précieux liquide, le seul qui apaise tes tourments lors de ces réceptions insipides. « En effet, je ne vous connais pas et je l'ai jamais prétendu mais vous ignorez tout de ma personne alors vos jugements à l'emporte-pièce je m'en passerai bien. Vous êtes journaliste, non ? Où est passé votre sens de l'observation ? Ne pas tirer des conclusions hâtives, mener l'enquête ? » La voilà la patience qui s'effrite à mesure que ton verre se vide. C'est que t'as les nerfs à vif dernièrement et t'apprécies moyennement cette condamnation que tu lis dans ses pupilles inquisitrices, basée justement sur des apparences. Toujours et encore, des faux-semblants. « C'est peut-être moi qui perd mon temps, finalement. » Une réflexion que tu laisses volontairement échapper alors que tes doigts agrippent une nouvelle coupe. Ta mère va faire un ulcère si elle remarque la vitesse à laquelle tu fais disparaître le champagne. Encore une raison de plus pour elle d'être embarrassée par tes « frasques ». Quelle mauvais fille tu fais, un vrai petit cancre. L'ironie, elle, est bien réelle cependant.

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T'es habituée à la froideur maladive de tes parents, à leurs répliques cinglantes. T'es parfaitement à même de garder ton calme même quand les mots deviennent des lames aiguisées et que les insultes pleuvent. Tu es d'ordinaire imperturbable. Sauf dernièrement. Y a la colère qui s'agite, réduit ton silence à l'agonie. Et l'alcool est un carburant efficace pour faire ressortir ton tempérament de feu. Celui-là même que tu déguises sous une apparente indifférence. Ce soir ta fougue s'est enflammée et rien ne semble pouvoir la refréner. Ta patience vacille sous les attaques répétées de ton interlocuteur. « Me faire venir relève moins de l'exploit que de parvenir à me retenir. » Son arrogance éclabousse ton enthousiasme et l’entache d'un profond agacement. Même si, tu te dois bien de reconnaître qu'il est à la hauteur de tes espérances. Brut de décoffrage, un poil suffisant sûrement pour éviter d'être trop charmant. L'auto-sabotage à l’œuvre, c'en est presque fascinant. « C'est juste, mais vous êtes toujours là alors je trouve que je m'en sors pas si mal. » A ton tour de l'arroser de ton insolence. L'audace étire tes lippes d'une fierté tapageuse. « Du génie ? Arrêtez, vous me flattez. » Ses moqueries sont aussi corrosives que de l'acide sur du métal. Mais tu ne te démontes pas, lui renvoie son clin d’œil en accentuant le trait. Peut-être qu'il se rendra compte de la puérilité de son geste. Sûrement qu'il le sait déjà puisque tout semble étudier dans le seul but de te faire regretter de l'avoir invité. Tu ne te donnes donc pas la peine de relever cette parade. « Personne ne me dit que vous aimez ça. Mais force est de constater que vous êtes là. Juste ou pas juste ? » A nouveau, il touche une corde sensible. Ça paraît si simple à l'entendre alors que la réalité est bien plus complexe. L'irritation est presque palpable entre vous et il t'est difficile de maîtriser la furie qu'il semble à tout prix vouloir réveiller. « Vous ne savez rien de rien. Dans la vie, tout n'est pas noir ou blanc. Mais c'est pas à vous que je dois apprendre ça. » La réplique est cinglante, tombe comme un avertissement pour la tempête à venir si il continue de s'aventurer sur ce chemin glissant. « Mener mon enquête ? Vous semblez oublier que c'est vous qui m'avez convié ici. Je ne vois pas pourquoi je me renseignerais à votre sujet ou investiguerais votre cas et votre personnalité. Je ne vous ai, pour ma part, rien demandé. » L'impulsivité de tes paroles te revient comme un boomerang et tu digères en silence le point qu'il vient de marquer dans ce match verbal survolté. « Je me suis emportée mais ce que je voulais souligner, c'est que j'en attendais plus d'un soi-disant journaliste. Peut-être que l'aigreur vous a fait perdre votre sens de l'observation. » L'énervement, loin d'être retombé, menace de tout dévaster alors que la discussion plutôt houleuse semble trouver un semblant d'accalmie. « Très certainement. Je n'ai jamais prétendu le contraire. La véritable question à vous poser c'est de savoir pourquoi vous souhaitez perdre votre temps avec moi alors que des milliers d'autres idiots sont dans la salle pour, au moins, faire semblant de passer du bon temps en votre compagnie. » Les coupes s'enchaînent aussi allègrement que les mots impitoyables que vous vous balancez à la figure depuis toute à l'heure. Tu trinques maladroitement lorsque son verre tinte contre le tien. L'alcool trouble tes sens. La parole est encore épargnée de cette gangrène qui affecte la maîtrise de tes gestes. « Vous avez répondu à cette question par vous-même. Je préfère me retrouver aux côtés de quelqu'un qui ne cache pas ses intentions. Au moins, la couleur est donnée. Il n'y a aucun artifice et tout le monde sait à quoi s'attendre. » Un éclair de tristesse illumine brièvement tes pupilles qui brillent déjà du champagne circulant dans tes veines. « Y a un toit sur cet immeuble. Je répondrai à deux questions de ton choix, celles que tu veux, si tu trouves une bouteille et que tu m'accompagnes là-haut sans te soucier des qu'en dira-t-on. » L'intéresser n'était pas gagné d'avance et la conversation mouvementée que vous avez alimenté de balles réelles, chacun tirant à vue sur l'ennemi qui surgissait de vos palabres kamikazes, n'est que la preuve éclatante d'un défi relevé à la sueur de ton front. L'éclaircie après l'orage est sûrement dû, en partie, aux bulles qui font leur ouvrage dans vos neurones fatigués. Fatigués d'être confronté à cette laide réalité que vous fuyez, ce soir, à grand renfort de crémant. « Marché conclu. » L'excitation est à son comble lorsque tu aperçois la clef de tes efforts défiler sous tes iris remplis de convoitise. Avec une discrétion toute relative, tu te saisis du butin et te diriges déjà vers la porte menant à ta victoire. Tu ne te retournes pas pour vérifier que ton invité emboîte tes pas, tu le crois assez fair-play pour ne pas te fausser compagnie aussi lâchement. L'énervement semble avoir été refoulé loin sur les récifs de l'ivresse. Les marches te mènent lentement vers ton succès et tu savoures l'air frais enveloppant ton corps d'une fraîcheur que tu ignorais, encore maintenant, rechercher. Le ciel étoilé capte toute ton attention, laissant tes questions en suspens. Tu pourrais passer des heures à contempler la beauté naturelle de ce spectacle qui se révèle à toi. Et tu fais fi de l'éclairage artificiel, n'enlevant rien de la magnificence de ce moment. Mais même dans ces artifices, tu y décèles une certaine poésie. « Je me réfugie souvent dehors pour échapper à ces futilités. Comment t'as fait pour t'en émanciper ? » De ce monde. De cet univers qui ne me convient pas et qui ne me conviendra jamais. L'interrogation joue les funambules sur le fil de ta confidence, sans même que t'en aies réellement conscience. Le vouvoiement semble, quant à lui, s'effacer aux premières lueurs de l'ébriété, rompant cette barrière invisible qu'il impose de sa froide politesse.  

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L'ivresse déchaîne d'autres maux pour apaiser vos mots. La lune comme seul témoin de cet échange aux airs de confession. Et la magie de ce moment adoucit les humeurs, laisse planer la mélancolie sous couvert d'excitation. « Se réfugier dehors, on dirait une gamine qui s'enfuit de sa tour bien gardée. » La phrase déborde d'un trop plein de vérité que tu n'aurais pu encaisser sans l'aide du champagne et de la douceur qui enveloppe ses palabres. L'orage semble être réellement passé mais le temps peut vite changer. Cette soirée sera peut-être la seule exception. Qui sait ? « C'est l'alcool qui parle. » La justification s'extirpe d'entre tes lippes contrites. Pas assez éméchée pour complètement te dévoiler mais dans un entre-deux agréable qui révèle, bien malgré toi, tes failles. Parce que oui, t'es bien une gamine prisonnière des volontés de tes parents. Mais tu serais incapable de l'exposer si clairement. Tu n'es pas prête à te mettre entièrement à nue. On dit que c'est souvent plus facile lorsque le confident d'un soir est un inconnu. Pourtant, tu ne supporterais pas d'être vulnérable alors tu t'accroches farouchement à ta fierté. Elle te protège du naufrage. T'as déjà donné toutes les cartes à tes géniteurs lorsque l'innocence te dirigeait encore. Le résultat : un cœur marqué par les stigmates d'une enfance passée à espérer un amour qui ne s'est jamais matérialisé. Ils avaient le pouvoir de t'élever (aimer) mais ils t'ont brisée pour te modeler selon leurs envies. « C'est ta première question ? » Alors non, tu ne t'écrouleras pas devant lui. Il te ravit la bouteille tandis que tes yeux sont attirés par la vie qui bat en contrebas. « Comment je me suis échappée ? Mmmh, pas compliqué. Étant jeune, j'ai bu jusqu'à me pourrir le foie, j'ai fait la fête, j'ai couché avec des jeunes héritières comme toi. » Vos parcours sont si différents. Il semblait déjà disposer de plus de liberté que tu n'en as jamais eu. L'amertume envahit ta bouche, laissant un arrière goût désagréable que tu aimerais chasser avec un peu plus de cet alcool pétillant qu'il détient maintenant. Ton attention complètement revenue vers lui alors qu'il reprend. « Puis à l'unif, je me suis marié, j'ai divorcé, j'ai déchanté et je me suis barré au front pour voir les gens qui souffraient réellement. » Il réduit la distance entre vous, seul ton silence lui répond. Il n'était pas enfermé, juste prisonnier d'une vie qu'il n'a pas choisi. Toi, t'es les deux à la fois. T'as rêvé à maintes reprises qu'on vienne te délivrer de cette prison et maintenant que la sortie est proche, tu freines des quatre fers. Effrayée à l'idée de sceller la fin d'une relation qui n'a jamais vraiment existée sauf devant les flashs. Et t'as beau haïr cet univers, vouloir à tout prix t'en défaire, t'espères toujours un changement qui ne viendra sûrement pas. Alors tu restes plantée là, ratant le train de la vie qui ne ralentit pas pour t'attendre. « C'est ça le secret. Toucher le fond. » Vraiment ? Parce que j'ai l'impression de le toucher mais peut-être que je devrais le percuter pour que ça fasse effet. « Tout vivre, s'en prendre plein la gueule et ensuite aller voir que ta vie en vérité, c'est du caviar en comparaison avec ce que les autre subissent. Pour t'en sortir, faut juste... sortir. » Il faut juste sortir. Ses mots  tournent en boucle dans ta tête alors que tu prends machinalement la bouteille pour étouffer la peine qui t'enserre toute entière. « Il faut juste sortir. » Tu répètes à voix haute comme pour l'ancrer dans ta réalité. Ça paraît si simple quand il le dit. J'aurais dû y penser avant. T'ironises intérieurement, tu ne souhaites pas raviver les hostilités. Il n'y aucune malveillance dans ses propos, juste un vécu différent. « Et toi pimprenelle ? C'est quoi ton lourd secret qui fait que tu es prête à venir au bord du précipice avec un quasi inconnu ? » Pimprenelle... Nouvelle gorgée délétère et tes pupilles l'observe se rapprocher du précipice. Ce précipice qui t'aimante plus intensément encore maintenant que l'alcool empoisonne ton sang. « Et ne crois pas que j'ai pas remarqué que tu me tutoyais. Si t'es prête à braver les politiquement corrects pour me parler, ramène toi ici et viens voir la ville qui gargouille sous nos pieds. Ça c'est encore mieux que tes refuges extérieurs. » Dans d'autres circonstances, t'aurais probablement hésité à provoquer la mort mais ce soir, l'ivresse s'est chargée -pour toi- de bâillonner ton instinct de préservation. Ce soir, tu observes le vide en face alors que tu prends place à ses côtés ; ses paroles ayant achevé de te convaincre de la nécessité de cette entreprise risquée. Le silence reprend ses droits un instant où tu avales une nouvelle gorgée. Puis une autre avant de reposer la bouteille entre vos deux carcasses esseulées. « Et ta famille, ça te fait rien de l'avoir perdue ? » Parce que moi, ça me terrifie qu'on m'enlève la seule chose que je possède.  « Je pourrai m'éclater sur le béton que personne ne me pleurerait réellement. » Ce constat t'émeut moins qu'il le devrait. « C'est sûrement pour ça que je me retrouve ici avec toi. » Tu  te confrontes à ses iris, le laisse entrapercevoir une partie de ton âme fracturée entre tes rêves et la réalité. « Si je brise tous les codes de la bienséance en ta présence, c'est pas du tout pour tes jolis yeux mais parce que c'est juste pas mon univers. » Le dire à haute voix t'es plutôt inhabituel. C'est un secret uniquement partagé avec toi-même et peut-être que cette confidence pourrait se retourner contre toi mais la méfiance s'écrase sous le poids du champagne qui inonde tes veines. Ton regard se dévie vers le vide qui t'appelle, la petite voix n'est pas là pour t'en détourner cette fois-ci. Un rire t'échappe devant l'absurdité de cette situation tragiquement comique. « On a l'air de deux glands comme ça franchement. » Un peu d'humour pour chasser la mélancolie qui s'immisce en toi. Puis tu ressens les prémices de la vulnérabilité te ronger et il est hors de question de la laisser continuer. Il est grand temps de te reprendre en main avant de lui donner les clefs d'un royaume où tu ne souhaites pas le voir s'installer. Une proximité honnie pour les dangers qu'elle représente. Les abandons à répétitions ont  laissé une marque indélébile sur ton myocarde à vif. Tu ne souhaites pas revivre l'expérience. Trop marquée pour t'attacher. C'est ce que tu te martèles pour ne pas céder au premier étranger.

Champagne & Connard
@Andrew Parker

« Yep, juste sortir. » Ce constat t'écrase plus qu'il ne le devrait mais malheureusement, toi tu n'as pas la chance de jouir pleinement de ta liberté. Malheureusement, tes parents se permettent de te compter comme un de leur trophée. Une possession de plus. Rentable qui plus est. La vérité abhorrée qui te donnerait presque envie de sauter. Juste pour les faire chier. Ses pensées reviennent bien trop dernièrement. La mélancolie plus l'alcool, quoiqu'on en dise, c'est un mauvais mélange. « Tu évites mes interrogations ? » Sa voix te tire des tes sombres songes. Tu hausses les épaules, reprenant petit à petit contenance. « Je pourrai te retourner la question. » Le ton est à la taquinerie et tu te sens plus à l'aise lorsque la légèreté reprend ses droits. « Ah. T'es pas montée ici pour me voler ma chasteté et me faire repartir avec ta petite culotte dans la poche ? » Un rire s'échappe même d'entre tes lippes. Quelques notes sucrées pour chasser l'amertume d'une vie non désirée. « Je suis choqué. » Un air faussement désolé déguise subitement tes traits pour répondre à sa boutade. « Désolée de te décevoir, après je suis sympa, je peux te donner des contacts qui seraient ravis que tu repartes avec leurs petites culottes. » Le plus désespérant c'est que c'est tragiquement vrai. Tu connais des héritières qui n'ont pas froid aux yeux pour arriver à leurs fins. Elles pourraient vendre père et mère si ça leur permettait d'obtenir le gros lot. Dans ce cas-ci, notre très cher journaliste. « On aurait l'air de deux glands écrasés si on se laissait tomber. A choisir, autant rester des glands, non ? » « C'est vrai qu'être des glands, c'est pas si mal après tout. » Tu admets, presque à contre cœur. Bien sûr que tu n'as pas spécialement envie de mettre fin à tes jours. Ce serait renoncer trop facilement sans avoir jamais pu jouir de ta liberté. Mais l'idée que ça entacherait sérieusement leur réussite reste tenace, surtout avec l'alcool dans le sang et ce dangereux face à face avec le vide. « Et ta deuxième question ? » Une autre gorgée t'es nécessaire pour enfouir toutes ses pensées délétères. Tu recherches l'extase pour oublier ta pathétique existence. « Qu'est-ce qui a été ton déclic ? » Pourquoi t'as décidé de tout abandonner subitement ? Qu'est-ce qui t'a fait prendre conscience que tu ne voulais définitivement plus de cette vie ? Comment t'as fait pour ne pas changer d'avis ? Parce que moi je lutte tous les jours contre ce qui me retient de tout plaquer. Parce que j'ai encore de l'espoir et que j'ai peur de me planter.